Modification de l image corporelle et du concept de soi en lien avec les traitements anticancéreux

Le développement psychosocial

Le premier concept qu’il est essentiel de développer, ceci pour comprendre qui est la population cible, est le développement psychosocial du jeune enfant. En effet, toute professionnelle de la santé se doit de personnaliser ses prises en charge en fonction du patient, de ses besoins et des attentes de celui-ci. Suivant les périodes de développements, catégorisées par plusieurs théoriciens, les interventions à mettre en place seront différentes et ne viseront pas les mêmes objectifs. De tout temps, des théoriciens tels qu’Erickson, Piaget ou Freud ont tenté de classer les stades de la vie de l’homme selon les caractéristiques physiques, psychiques ou encore cognitives, au travers de leurs théories. Chacune d’entre elles se concentre sur un aspect spécifique de la longue période que constitue le développement (Ball & Bindler, 2010, p.65). La plupart des théoriciens vont regrouper les enfants en tranche d’âge, en fonction des caractéristiques communes qu’ils considèrent comme étant les plus importantes (Ball & Bindler, 2010, p.65).

La population cible étant les enfants de 6 à 12 ans, seules les caractéristiques de ce groupe seront développées dans ce travail, au moyen des théories de Freud, Erikson et Piaget. Malgré ce côté théorétique, les informations qui en découlent constitueront des ressources essentielles permettant l’ajustement des interventions à mettre en place ; ceci pour qu’elles respectent les besoins du patient et pour que la prise en charge infirmière soit personnalisée et efficiente. Selon Ball & Bindler (2010), les enfants étudiés sont dits « scolaires » : un stade caractérisé par un accroissement des capacités intellectuelles, des aptitudes physiques et de l’autonomie (p.66). Selon Freud et sa théorie du développement psychosexuel, les enfants d’âge scolaire se trouvent à la période de latence, où l’énergie sexuelle est au repos ; c’est-à-dire qu’ils s’intéressent beaucoup à leur corps tout en étant pudiques (Ball & Bindler, 2010, p. 65).

La maladie représentant une crise dans le développement : elle peut l’entraver au même titre que les effets secondaires engendrés par un traitement capable d’induire des modifications à différents niveaux. La théorie du développement psychosocial d’Erikson (1963, 1968) décrit huit crises ou obstacles au travers desquels tout un chacun doit passer pour garantir un développement sain de la personnalité. A chacune des crises, il y a deux issues possibles : si les besoins de l’enfant sont comblés, il peut passer au stade suivant. En revanche, dans le cas contraire, le fait de ne pas franchir le stade engendre des conséquences pour son développement futur (Ball & Bindler, 2010, p.67). La crise dont les enfants d’âge scolaire font face est dite compétence versus infériorité. A cette étape, ils sont fiers de leurs bons comportements ou résultats ; s’ils ne peuvent relever les défis fixés, ils développeront un sentiment d’infériorité. Dès lors, pour que l’enfant acquière la confiance en lui dont il a besoin, il est important de le laisser participer aux activités, tout en l’aidant à s’adapter aux limitations de sa maladie (Ball & Bindler, 2010, p.67).

Finalement, Piaget s’est intéressé au développement cognitif. Selon Ginsberg et Opper (1988) et Piaget (1972) c’est grâce aux expériences enrichissantes que l’enfant développe sa capacité de penser et de mûrir naturellement (Ball & Bindler, 2010, p.71). Les enfants d’âge scolaire étant au stade des opérations concrètes, ils ont une pleine maturité mentale qui leur permet d’analyser une situation et de résoudre les problèmes en lien avec leurs expériences vécues. Des allégations qui mettent en avant le caractère adéquat de faire participer les enfants à leur prise en charge et aux prises de décision. En effet, étant capable de planifier les éléments, il est essentiel de réaliser le plan de soins avec eux et de les intégrer activement à leur propre prise en charge (Ball & Bindler, 2010, p.70). Afin de mettre en avant cette collaboration, essentielle à toute relation de soins, la confiance doit faire partie intégrante du suivi de l’enfant. Cependant, comment susciter ce sentiment chez un enfant se trouvant loin de sa famille, dans un environnement qui lui est étranger et agressif et avec une personne qu’il ne connaît pas ? L’importance centrale du jeu sera surlignée pour répondre à cette question (Scupeliti Artilheiro, Amorim Almeida et Ferreira Chaconf, 2011) [Annexe 3].

Indépendamment du théoricien, à cet âge, le jeu est mis en avant comme la principale et la plus importante source d’apprentissage, favorisant le développement des compétences motrices, émotionnelles, sociales, mentales et psychiques (Ball & Bindler, 2010, p.87) ; ceci constitue une piste pour l’acquisition des régulateurs cognitifs, exprimés dans le modèle de Callista Roy. En effet, à travers l’activité du jeu, l’enfant apprivoise et maîtrise les mouvements coordonnés et initie les interactions sociales avec les autres enfants de son âge. Un processus directement lié à la définition étymologique du mot jouer qui signifie « faire des liens », « se lier à » (Scupeliti Artilheiro et al., 2011) [Annexe 3]. Il apprend le langage, les médiateurs socioculturels et devient capable de faire la distinction entre le monde dans lequel il vit et la réalité et/ou la fantaisie qui caractérise son stade de développement. Finalement, en extériorisant ses émotions vécues, il libère sa tension, son stress ou encore son anxiété (Faria da Silva, Evangelista Cabral et Moreira Christoffel, 2010 ; Scupeliti Artilheiro et al., 2011) [Annexe 4 ; Annexe 3]. Des bienfaits que nous pouvons mettre en relation avec le but des interventions infirmières dans le cadre du suivi d’enfants cancéreux d’âge scolaire.

Le cancer

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS, 2014) : Le cancer est un terme générique appliqué à un grand groupe de maladies pouvant toucher une partie quelconque de l’organisme. L’une des caractéristiques définissant un cancer est l’apparition rapide de cellules anormales dont la croissance s’étend au-delà de leurs limites habituelles et qui peuvent alors envahir des zones voisines de l’organisme et se propager à d’autres organes. A la lecture de cette définition, le constat réalisé est que l’on parle d’une maladie chronique pouvant toucher toutes les populations. Etant un fléau toujours plus puissant, le cancer engendre des bouleversements à différents niveaux et laisse une trace indélébile sur sa victime. En effet, malgré l’avancée de la médecine, il reste une maladie potentiellement mortelle comme nous le précise la définition de l’Institute of Medicine (2003) : « (…) Une maladie potentiellement mortelle est celle qui met sérieusement en jeu le pronostic vital, même si le traitement mène à la guérison ou au maintien de la vie » (Ball & Bindler, 2010, p.430). L’apparition rapide de cellules anormales peut se développer à de multiples endroits de l’organisme causant ainsi différents signes et symptômes qui mèneront les parents à consulter avec leur enfant. Une fois le diagnostic posé, tout un processus sera mis en place, notamment des traitements de chimiothérapie, de radiothérapie, des interventions chirurgicales, etc. Ils peuvent être utilisés de manière isolée, successive ou couplée.

Le but est d’éviter l’évolution du cancer et/ou selon son stade, la propagation des métastases. Ces traitements n’étant pas spécifiques aux cellules tumorales, différents effets secondaires vont se manifester et nécessiteront une adaptation conséquente (Ball & Bindler, 2010, p.846). Selon Soeur Callista Roy, la personne est considérée comme un être bio-psycho-social fonctionnant comme un système d’adaptation pour maintenir son intégrité en rencontrant adéquatement tous ses besoins de base à travers quatre modes d’adaptation (Seo-Cho, 2011, p. 10). Ces quatre modes sont : le mode concept de soi, le mode interdépendance, le mode physiologique et le mode fonction des rôles (Seo-Cho, 2011, p.10). Elle décrit également la personne comme étant un système adaptatif biopsycho- social qui utilise un cycle rétroactif d’entrées (stimuli), de traitement (processus de contrôle) et de sorties (comportements et réactions adaptés) (Kozier, Erb, Berman et Snyder, 2012, p. 62). En faisant un parallèle avec notre travail, le cancer est un stimulus négatif externe pouvant perturber les différents modes qui composent la personne. Ce stimulus va dès lors activer les mécanismes d’adaptation et les mécanismes régulateurs et cognitifs (processus de contrôle), qui vont eux-mêmes affecter les quatre modes d’adaptation de la personne. Le tout entrainera une réponse de la personne qui peut être définie comme étant un comportement adapté ou inadapté (Phillips in Alligood et Tomey, 2010, p. 343).

Le cancer chez l’enfant

Après avoir développé le cancer de manière générale, il sera à présent articulé avec la population étudiée, c’est-à-dire les enfants âgés de 6 à 12 ans. D’après Hartmann et al. (2008), des auteurs qui se sont concentrés sur le cancer chez l’enfant : Le cancer résulte de lésions génétiques spontanées ou secondaires à une instabilité génétique qui modifient le patrimoine génétique des cellules cancéreuses par rapport à celui des cellules saines. Ces lésions s’accumulent progressivement au cours du développement tumoral et confèrent un avantage sélectif croissant aux cellules tumorales par rapport aux cellules voisines. Dans les cancers de l’adulte, en particulier les carcinomes, les lésions génétiques sont souvent très nombreuses et variées. Les tumeurs pédiatriques présentent en général une génétique plus simple, vraisemblablement en rapport avec leur évolution beaucoup plus rapide et leur moindre instabilité génétique (p.14). Les cancers les plus fréquents chez les enfants sont les leucémies, les tumeurs du système nerveux central (21%), parmi lesquelles on retrouve le médulloblastome, les méningiomes et le gliome malin. Finalement, avec un taux de 13%, les lymphomes viennent en troisième position (OMS, 2014). En ce qui concerne la principale cause, la leucémie est l’affection maligne la plus fréquente chez les enfants de moins de 14 ans.

Elle touche les tissus hématopoïétiques et se caractérise par une prolifération des globules blancs anormale. Elle est subdivisée en deux sous-catégories : les leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL) qui représentent à elles seules plus d’1/4 des cancers chez l’enfant, alors que les leucémies aiguës myéloblastiques (LAM) représentent 20% des leucémies aiguës chez l’enfant (Hartmann et al., 2008, p.57). L’Office Fédéral de la Statistique (OFS, 2014) indique que le cancer se développe le plus souvent chez les nourrissons et chez les enfants entre 1 et 4 ans. Cette apparition précoce est due à l’immaturité du système immunitaire : le mécanisme d’apoptose, capable d’arrêter une division cellulaire anarchique en programmant la mort cellulaire, est insuffisamment développé à ces âges-là (Hartmann et al., 2008, p.836).

Dès lors, en regard de la population étudiée, il est envisageable de considérer qu’entre 6 et 12 ans, l’enfant a déjà débuté ses traitements anti-cancéreux : la majeure partie des pathologies étant sensibles à la chimiothérapie cytotoxique, elle prend une place importante dans leur prise en charge (Hartmann et al., 2008, p.30). Les auteurs regroupent les traitements anticancéreux en 3 catégories : la chimiothérapie, la radiothérapie et les diverses interventions chirurgicales (p.846) Ces traitements touchant toutes les cellules, c’est-à-dire les néoplasiques mais aussi les saines, engendrent de nombreux effets secondaires. Des conséquences d’autant plus importantes chez les enfants du fait de la croissance plus rapide de leurs cellules tumorales (Ball & Blinder, 2010, p.836). Comme précédemment développé, l’oncologie pédiatrique n’a que peu de ressemblance avec l’oncologie adulte. Des dissemblances qui appuient l’importance, pour la professionnelle en soin, d’acquérir des savoirs qui sont propres à la population cible ; ceci pour garantir une prise en charge adaptée et sécuritaire. Afin de respecter cette idéologie, le concept de qualité de vie, dans lequel seront inclus les concepts de l’image corporelle, le concept de soi, l’estime de soi et l’acceptation de la maladie, doit être articulé avec les concepts développés ci-dessus.

Table des matières

1. Introduction
2. Problématique
2.1 Question de recherche
3. Les concepts-clés
3.1 Le développement psychosocial
3.2 Le cancer
3.3 Le cancer chez l enfant
3.4 La qualité de vie
3.4.1 Modification de l image corporelle et du concept de soi en lien avec les traitements anticancéreux
4. Cadre de référence
5. Méthode
5.1 Recherches sur les bases de données CINAHL et PubMed
5.2 Les critères d inclusion
6. Résultats
6.1 Articles qualitatifs
6.2 Articles quantitatifs
6.3 Illustration des résultats
6.4 Synthèse des résultats
6.4.1 Le jeu
6.4.2 L éducation thérapeutique
6.4.3 La présence
6.4.4 La validation
6.4.5 Thérapies complémentaires
7. Discussion
7.1 Regard critique apporté au cadre théorique
7.2 Regard critique apporté aux articles scientifiques
8. Conclusion
Bibliographie
Liste de références bibliographiques
Liste bibliographique
Annexes

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