Paysage, espaces verts, Trame Verte et Bleue trois notions imbriquées

Paysage, espaces verts, Trame Verte et Bleue trois notions imbriquées

Le paysage : un concept en perpétuelle évolution

Une notion complexe et évolutive

Le paysage est une notion complexe et donc difficile à définir. De nombreuses définitions ont été proposées, qui ont évolué au cours du temps et actuellement plusieurs sont diffusées et utilisées, ce qui confère une impression de flou autour de cette notion comme l’ont montrée des travaux de chercheurs [FILLERON, 2008]. Cependant, on peut remarquer, en examinant plus précisément les définitions communément utilisées que deux sens différents sont proposés dans la plupart des dictionnaires : « une étendue de pays qui se présente à un observateur » ou encore une « représentation d’un paysage (…) par la peinture, le dessin, la photographie, etc. » [Le petit Larousse, 2010, p.753]. L’idée de paysage renvoie ainsi à la représentation qu’en a l’homme, qui peut donc être objective mais aussi très subjective et influencée par sa propre histoire, ses propres filtres. Afin de comprendre comment ont été proposées ces deux définitions, on peut tout d’abord s’intéresser à l’évolution du contenu de cette notion, qui est devenue aujourd’hui un concept scientifique largement exploité. Le terme paysage apparaît pour la première fois en France en 1493 pour désigner un tableau représentant un paysage. Cependant, selon BRUNET et FERRAS dans « les mots de la géographie Dictionnaire critique» (1992), le terme paysage vient de l’italien paesaggio, qui signifie ce que l’on voit du pays. Pour eux, le paysage est donc « une apparence et une représentation : un arrangement d’objets visibles perçu par un sujet à travers ses propres filtres, ses propres humeurs… ». En 1968, BERTRAND propose une définition qui introduit la notion de « perpétuelle évolution » afin d’insister sur le caractère changeant d’un paysage selon le temps, les heures, les saisons etc. On peut également noter que le terme paysage a connu une réelle pérennité dans les définitions proposées par les dictionnaires de langue française depuis le 16ème siècle [FILLERON, 2008]. Cette stabilité est également notable dans les différentes définitions proposées par le Dictionnaire de l’Académie Française de 1694 à 1935. Celles-ci reprennent les deux sens donnés à cette notion : « une étendue de pays que l’on voit d’un seul aspect » mais également « un tableau qui représente un paysage ». Malgré la pérennité de la définition, on peut remarquer que de nombreuses disciplines sont intéressées par l’étude du paysage et sa définition, ainsi, cette pluralité disciplinaire entraîne une abondance de définitions. Apparaît plus récemment une définition en écologie du paysage qui le définit comme « un niveau d’organisation des systèmes écologiques, supérieur à l’écosystème. Il existe indépendamment de la perception » [BUREL et BAUDRY, 1999 in FILLERON, 2008, p.3]. Dans ce cas, la notion est appréhendée de manière plus « objective », en écartant la perception des hommes, élément qui confère une grande part de subjectivité mais également une grande richesse, ce qui marque une rupture. Cette diversité s’illustre parfaitement dans l’historique de la prise en compte du paysage en France, notamment par la géographie. A partir du 19ème siècle, la pratique de la géographie se tourne, avec l’émergence de la géographie régionale classique, vers une observation directe de la nature, sur le terrain. Cette évolution permet une approche naturaliste du paysage, qui passe par l’étude du phénomène en luimême et non seulement de sa représentation. A partir des années 1950, un nouveau courant apparaît chez Paysage, espaces verts, Trame Verte et Bleue trois notions imbriquées les géographes : la géographie « théorique et quantitative ». Cette nouvelle discipline appréhende le paysage d’une manière différente de la précédente. En effet, elle s’intéresse à des espaces plus vastes, et donc non observables sur le terrain, car elle considère que le paysage est une notion trop floue pour être scientifique. Par la suite, les représentations et la perception des acteurs ont également été réintégrées par des spécialistes dans l’étude de cette notion [GOSME, 2005]. On note aussi une réelle diversité d’approches de ce concept. Celles-ci peuvent être regroupées en quatre catégories. La première est une approche que l’on peut qualifier d’ « objective », c’est celle des naturalistes et de la géographie classique au 19ème siècle, qui s’intéresse au paysage-objet et intègre toutes les dimensions physiques de l’environnement, en écartant l’homme et sa perception. Le courant de l’écologie du paysage, dont nous avons parlé précédemment, s’inspire de cette approche, mais il est divisé entre les aménagistes, qui prennent davantage en compte l’action de l’homme et les écologistes [GAMACHE, et al, 2004]. La deuxième approche s’intéresse à la subjectivité du paysage, à sa représentation et à sa perception. Il est ici « de nature culturelle, relevant du domaine du sensible, il est le fruit d’une construction mentale » . L’approche suivante est une liaison entre les deux premières, elle considère le paysage sous un angle à la fois « objectif », comme le courant des écologistes, mais également subjectif et lié aux perceptions et aux représentations. Toute analyse au sein de cette approche doit prendre en compte trois composantes : une analyse du paysage-objet, un relevé des différentes perceptions de ce même paysage et enfin une synthèse des données des différentes unités paysagères. Enfin, la dernière approche, celle de la géographie culturelle, est une démarche où le paysage est le reflet d’une société et de ses modes de vie. Toute analyse dans cette démarche s’intéresse plus au vécu d’un paysage qu’à sa perception par les acteurs : « la culture s’affiche par le paysage » . Il fait partie de l’identité de chaque territoire car il résulte d’une mise en valeur sociale mais également car il offre aux habitants des repères familiers, qui facilitent l’identification et l’appropriation. Il peut aussi être appréhendé selon une approche patrimoniale, en raison de la prise en compte de nombreux éléments agricoles, naturels ou patrimoniaux. Un autre aspect du paysage est également notable et à souligner. Il concerne son rôle de promoteur d’un territoire, surtout pour les paysages emblématiques. En effet, l’attractivité d’un territoire dépend fortement de la qualité du paysage qui lui est associé et celui-ci devient donc une ressource économique, exploitée en ce sens et préservée en vue d’un enjeu non plus social ou environnemental mais plutôt économique. Cependant, le paysage reste une ressource fragile et à préserver car son attractivité ne garantit en rien sa pérennité et peut même, dans certains cas, la mettre en péril. C’est notamment le cas en raison des problèmes engendrés par la surfréquentation, qui peut conduire à une perte de liberté dans l’appropriation de la ressource, voire même à la perte totale de la ressource pour le territoire [DERIOZ, 2004]. C’est pourquoi un cadre réglementaire a été mis en place par les autorités publiques, afin de préserver et de mettre en valeur cette ressource fragile.

Un cadre législatif en mutation

Le paysage a connu des mesures de protection, de conservation et de mise en valeur évolutives au cours du temps et des échelles d’application. Ainsi, on est passé d’une protection des paysages exceptionnels ou menacés, notamment par l’urbanisation, à la gestion des paysages ordinaires. L’Etat occupe une place prépondérante dans la mise en œuvre du cadre réglementaire qui accompagne la prise en compte des paysages. En effet, c’est lui qui institue les lois cadres et contrôle leur application.  La première loi à aborder concernant la protection et la mise en valeur des paysages est celle du 8 janvier 1993. Elle offre un premier cadre de réflexion et d’actions pour le traitement réglementaire du paysage. L’Etat peut ainsi prendre des directives de protection et de mise en valeur des paysages sur des territoires remarquables par leur intérêt paysager, en accord avec les collectivités territoriales. Les documents d’urbanisme doivent être compatibles avec ces directives. De plus, cette loi impose aux documents d’urbanisme opposables aux tiers d’inclure dans leurs objectifs la préservation de la qualité des paysages et la maîtrise de leur évolution ainsi que des prescriptions pour leur protection [MERLIN et CHOAY, 2010]. La loi du 2 février 1995 renforce la précédente et ses objectifs de protection de l’environnement avec l’introduction de dispositions relatives aux entrées de ville et à la préservation des espaces remarquables [MERLIN et CHOAY, 2010]. La signature en octobre 2000 de la Convention Européenne du paysage, qui entre en application en 2004, est un événement important dans la prise en compte du paysage dans le cadre réglementaire. En effet, c’est elle qui marque le passage d’une conception protectionniste des paysages remarquables à la prise en compte de l’ensemble du territoire et des paysages ordinaires, reconnaissant que « le paysage est partout un élément important de la qualité de vie des populations » [GERMAINE, 2009, p.10]. La Convention propose aussi une définition du paysage ayant valeur juridique. Elle le désigne dans son article un comme une « partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ». Cette définition intègre les deux dimensions indissociables du paysage : sa dimension matérielle et sa dimension sensible [GERMAINE, 2009, p.11]. C’est pourquoi, dans la suite de notre étude, c’est cette définition que nous retiendrons pour qualifier la notion de paysage. Cette loi introduit également une notion absente jusqu’alors des textes réglementaires : la gestion des paysages. Cet ajout vise à maintenir la qualité des espaces du quotidien et non plus seulement à préserver des espaces remarquables, considérés comme un héritage culturel. Des actions concrètes de préservation de ces espaces ordinaires ont donc vu le jour, notamment en raison de la reconnaissance par les acteurs publics du rôle joué par les espaces verts dans la construction des identités locales et régionales. On peut ainsi mentionner la rédaction de nombreux atlas de paysage mais également de plans et de chartes concernant le paysage à un niveau plus local. De plus, un point important concerne la prise en compte systématique du paysage dans la rédaction des documents d’urbanisme et les opérations d’aménagement ponctuelles. Ainsi, on remarque que l’évolution du cadre règlementaire vers la prise en compte des paysages ordinaires, support du cadre de vie des habitants, est à mettre en parallèle avec un développement de la prise en compte du paysage au niveau local. 

Un concept très lié aux espaces verts

Nous avons vu précédemment que la protection des paysages a connu un tournant important avec la signature de la Convention Européenne des paysages en 2000. En effet, c’est par cette loi que la prise en compte réglementaire des paysages est passée de la protection d’espaces remarquables et patrimoniaux à la prise compte de l’importance des paysages ordinaires et de leur influence sur la qualité de vie. Ainsi, les espaces de nature ordinaire, comme peuvent parfois l’être les espaces verts en ville, sont pris en compte dans les démarches de protection ainsi que de valorisation et c’est pour cette raison que nous avons choisi d’approfondir l’étude de la notion de paysage dans ce projet.  

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