PLACE DES BETA-THALASSEMIES DANS LE SUIVI DES HEMOGLOBINOPATHIES MAJEURES

PLACE DES BETA-THALASSEMIES DANS LE SUIVI
DES HEMOGLOBINOPATHIES MAJEURES

INTRODUCTION

 Les thalassémies sont des hémoglobinopathies caractérisées par des anomalies quantitatives de synthèse des chaînes de la globine. Elles englobent un groupe hétérogène d’anomalies hématologiques définies par l’absence ou la diminution de production d’une ou de plusieurs sousunités de globine. Ces déficits de synthèse de chaînes de globine peuvent selon la nature de la chaîne atteinte être des alpha(α) thalassémies, des bêta(β) thalassémies, des delta-bêta(δβ) thalassémies ou encore des gamma delta bêta(γδβ)thalassémies. L’hémoglobine normale est constituée d’un tétramère (4 chaînes de globine) dont deux (2) chaînes α et deux (2) chaînes non α appariées deux (2) à deux (2). De ce fait, le déficit de synthèse de l’une des chaînes de la globine détermine un excès relatif des chaînes non appariées, qui forment des polymères très peu solubles, qui précipitent facilement et altèrent l’érythroblaste, provoquant sa destruction prématurée d’où l’érythropoïèse inefficace. La variabilité des lésions moléculaires de ces affections rend compte d’une diversité des syndromes cliniques dont la manifestation majeure est l’anémie hémolytique avec soit une dysérythropoïèse majeure dans les syndromes bêta thalassémiques, soit la présence des inclusions érythrocytaires dans les alpha-thalassémies. 2 Ces affections sont fréquentes en Afrique du Sud du Sahara où elles constituent un problème majeur de santé publique . Le bas niveau de développement socio-économique avec ses corollaires pauvreté et malnutrition donc les syndromes carentiels (notamment la carence en fer) fait que ces anémies sont le plus souvent méconnues, prises pour des anémies ferriprives à l’origine le plus souvent d’une supplémentation en fer mal adaptée si non toxique dans les formes majeures de ces affections. Ces affections connaissent encore à l’heure actuelle (surtout dans notre environnement médical) des problèmes diagnostics réels tant au niveau de l’enquête familiale, clinique, que dans l’exploitation des résultats hématologiques. Le diagnostic est d’autant plus difficile du fait que la fréquence des thalassémies (alpha et bêta) est sous estimée en Afrique puisque ce sont les formes mineures asymptomatiques que l’on retrouve, ces formes nécessitent pour leur diagnostic des techniques de biologie moléculaire souvent indisponibles. Plus difficile encore est le diagnostic lorsqu’elles sont associées à une autre hémoglobinopathie notamment la drépanocytose. Dans la majorité des cas, l’analyse des constances érythrocytaires, l’électrophorèse de l’hémoglobine à pH alcalin, le dosage pondéral de l’hémoglobine F et de l’hémoglobine A2, l’étude du métabolisme du fer permettent le diagnostic, l’isolement des lésions moléculaires étant du domaine de la biologie moléculaire notamment les méthodes utilisant la polymérase Chain reaction. Le but de notre travail est de présenter les aspects clinico-biologiques des patients porteurs d’une thalassémie parmi les hémoglobinopathies régulièrement suivies au Centre National de Transfusion Sanguine à Dakar. 

HISTORIQUE 

Les premières descriptions cliniques des thalassémies furent l’œuvre de THOMAS COOLEY pédiatre de Detroit qui, en 1925, décrivit chez les enfants d’origine italienne un syndrome caractérisé par une anémie profonde, une splénomégalie et des anomalies osseuses. La même année, RIETTI fit la description des formes mineures. Les observations qui suivirent permirent d’individualiser des groupes d’anémies dont l’expression clinique est très variable. Dix neuf (19) ans après les premières descriptions cliniques, VALENTINE et NEIL (1944) établirent le caractère héréditaire de l’affection à transmission autosomique récessif. Dès lors, plusieurs travaux se succédèrent et, en 1972, grâce à la transcription inverse, l’isolement de l’ARNm de la globine, la synthèse de l’ADN complémentaire, le clonage des gènes de globine permettent la caractérisation des lésions moléculaires des thalassémies. 

EPIDEMIOLOGIE 

On rencontre les thalassémies dans une vaste zone s’étendant du Bassin méditerranéen à l’Inde et à l’Orient. La répartition des lésions moléculaires des syndromes thalassémiques est inhomogène ;elle varie suivant les zones géographiques. Les fortes densités de Bêta thalassémies sont décrites sur le pourtour méditerranéen, particulièrement fréquent en Italie et en Grèce. Au moins 4 20% des sujets vivant dans le delta du Pô près de Ferrare, 10% des siciliens et 11 à 34% des sardes sont porteurs du gène [8]. Des fréquences moins importantes sont retrouvées en Grèce, à Chypre et à Malte. La Bêta thalassémie est moins fréquente en Afrique du Nord et en Orient, en Turquie, en Iran et en Syrie. Quelques cas ont été décrits chez les juifs indiens et kurdes et les indiens. La Bêta thalassémie est moins fréquente en Chine et en Asie du Sud-est où l’on retrouve le gène alpha thalassémie à des fréquences plus importantes. En Amérique du Nord, la thalassémie est retrouvée essentiellement chez les sujets originaires d’Italie, Grèce et chez les sujets de race noire. Chez ces derniers , elle est estimée à 1,4%[8]. Le gène Bêta thalassémique est également retrouvé en Jamaïque probablement d’origine africaine ou orientale. Quelques cas sporadiques sont notés chez les sujets européens sans ascendance méditerranéenne ou orientale. Le gène alpha thalassémique est surtout fréquent en Asie du Sud-est et parmi les sujets originaires de la Côte Ouest de l’Afrique. L’Alpha thalassémie est relativement fréquente chez les noirs américains, 3% des enfants noirs nés à Philadelphie ont une électrophorèse et des données hématologiques caractéristiques de l’Alpha thalassémie. La répartition des thalassémies en Afrique sud-saharienne est la même que celle du paludisme et suggère qu’un état de polymorphisme équilibré a permis la persistance d’un gène potentiellement létal. 

GENETIQUE MOLECULAIRE 

Les thalassémies sont des hémoglobinopathies génétiquement transmises sur le mode autosomique récessif. L’hémoglobine est le constituant principal du globule rouge. L’hémoglobine est un tétramère de poids moléculaire 65000 daltons. Les quatre (4) sous-unités identiques deux (2) à deux (2) composés de deux (2) chaînes α et de deux (2) chaînes non α. 5 La chaîne α est de nature peptidique composée de 141 acides aminés ayant une arginine en position C-terminale et dont la synthèse est sous le contrôle de gènes localisés sur le chromosome 16. La chaîne Bêta a 146 résidus d’acides aminés, se termine par une histidine, le gène contrôlant sa synthèse est localisé sur le chromosome 11. Chaque hémoglobine est définie par la nature des sous-unités qui la composent. Chez un même individu, la proportion relative des diverses hémoglobines évoluent au cours des étapes de la vie. Ces modifications s’effectuent parallèlement au changement de lieu de l’érythropoïèse, sac vitellin chez l’embryon ; foie, rate et moelle osseuse (fœtus), moelle osseuse chez l’adulte normal. Chez l’embryon, on trouve :  deux (2) chaînes de type α (Portland), la première à apparaître puis la chaîne α.  deux (2) chaînes de type β : .ε=Gower chez l’embryon. .δ=gamma qui deviendra majoritaire chez le fœtus. Il existe donc trois (3) hémoglobines possibles chez l’embryon :  Hb Gower 1(ζ2ε2)  Hb Gower 2(α2ε2)  Hb Portland(ζ2γ2) et à partir du 37é jour,HbF(α2γ2). L’hémoglobine F est le constituant principal de l’hémoglobine de la vie fœtale 90% synthétisée dès la 8é et la 10é semaine d’aménorrhée. Chez le fœtus, l’Hb A (α2β2) est synthétisée autour de 5-10%. L’Hb F et l’Hb A ont la même affinité pour l’oxygène. Par contre, l’HbF a des liaisons plus faibles avec le 2-3diphosphoglycérate (2-3DPG). Il en résulte que le 6 globule rouge du fœtus a une affinité pour l’oxygène sensiblement plus élevée que celui de sa mère. La synthèse de l’HbA2 débute dans la période néonatale. Normalement, six (6) mois après la naissance, le profil hémoglobinique de l’adulte est atteint. L’HbA représente alors plus de 95% de la totalité des hémoglobines. L’HbA2 exprimée autour de 2.5% et l’HbF<1% (traces). Cette faible quantité d’HbF n’est pas due à une synthèse repartie de façon homogène dans toutes les cellules, mais une faible population des hématies appelées cellules F. Le pourcentage de cellules F est génétiquement déterminé, varie suivant les individus et semble lié à un facteur porté par le chromosome X. Le faible pourcentage des cellules F contiennent de l’hémoglobine A et F. Ainsi, une α-thalassémie s’exprimera après la naissance alors que une αthalassémie le sera également exprimée durant la vie fœtale. Les gènes de globine sont localisés sur le chromosome 16 pour ceux de type alpha ( ζ, α2, α1), codent pour la même chaîne α. Le gène α2 est trois fois plus exprimé que le gène α1. Les gènes β (∈, Gγ, Aγ, δ, β ) sont situés sur le chromosome 11. La chaîne γ est hétérogène, l’acide aminé en position 136 pouvant être le Glycocolle ou l’Alanine. Tous ces gènes de globine ont une structure commune, formée de trois (3) exons et de deux (2) introns. La région transcrite est précédée d’un promoteur et des séquences régulatrices d’amont. D’autres régions de régulation sont des de type activateur (ou enhancer). La région LCR (locus control région) permet l’expression du groupe de gènes de type β qui sont sous son contrôle, spécifiquement dans la lignée rouge. Il existe une région équivalente pour le groupe de gène de type α. 7 On connaît aujourd’hui la cartographie détaillée de ces deux (2) groupes de gènes et leur séquence nucléotidique. Chaque gène de globine comporte trois (3) zones codantes (exons) séparées par deux (2) zones non codantes (introns). On note également des zones non codantes situées en 3’ et 5’ du gène (flanking region). L’exon médian code pour une chaîne polypeptidique fixant l’hème, le troisième exon code pour la synthèse d’une molécule impliquée dans le contact α1β1. Les gènes α,β, ζ diffèrent par la taille des introns. Un promoteur est situé en 5’ de la région transcrite du gène. Celui-ci est impliqué dans la fixation de l’ARN polymérase. Il existe également des séquences activatrices (enhancers) et inhibitrices (silencers) régulant le niveau d’expression des gènes. Le gène actif est transcrit entièrement en une forme d’ARN qui après maturation conduira à une ARNm. Ces phénomènes de maturation passent par la formation d’une coiffe en 5’, l’épissage des introns et la polyadénylation en 3’ (fig1). La biosynthèse de l’Hb s’effectue selon les mécanismes généraux de la synthèse des protéines. Après transcription de l’ADN en ARNm et maturation de ce dernier, il y a migration de l’ARNm dans le cytoplasme ou il sera traduit en protéine par les ribosomes. On y trouve les 3 étapes classiques : initiation, élongation et terminaison.

Table des matières

I – GENERALITES
1 – Introduction
2 – Historique
3 – Epidémiologie
4 – Génétique moléculaire
II – PATIENTS et METHODES
IV – OBSERVATIONS
V – DISCUSSION
VI – CONCLUSION

 

projet fin d'etudeTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *