SURVIVANCE D’ANCIENNES FORMES MODALES

SURVIVANCE D’ANCIENNES FORMES MODALES

Les modes du moyen perse 

Le vieux perse, comme l’avestique, connaît cinq modes : indicatif, subjonctif, optatif, impératif et injonctif. En moyen perse964, seul l’injonctif a disparu. 

L’indicatif

Il n’existe pas de suffixes propres à l’indicatif965. Contrairement aux autres, c’est un mode non marqué, celui de la simple affirmation, et le seul à admettre un large éventail de temps966. Sa négation est nē. 

Le subjonctif

Il se caractérise par un suffixe /-ā-/. Par exemple, au présent, kardan, « faire », se conjugue ainsi : Singulier Pluriel kunān kunām kunā968 kunād kunād kunānd 

Le subjonctif moyen-perse 

Lazard le qualifie de « mode de la virtualité réalisable » 969. A ce titre, ce mode peut exprimer principalement le souhait, le futur, le but, l’indéfini970. Le subjonctif moyenperse se trouve aussi après les verbes « vouloir » et « pouvoir » 

L’optatif

Selon Skjærvø972, l’optatif n’est pas attesté à toutes les personnes. Seules les deuxième et troisième personnes du singulier, ainsi que la troisième personne du pluriel apparaissent : 2 e sg 3 e sg 3 e pl kunēš kunē kunēnd hē 13.2. L’optatif moyen-perse En moyen perse, il exprime l’hypothèse irréelle et ce que Henning a appelé « parabolic optative » 973. Comme l’optatif vieux-perse marquait également l’habitude dans le passé, Lazard suppose que l’absence de telles occurrences en moyen perse est fortuite

L’impératif

Le moyen perse présente deux formes d’impératif, aux deuxièmes personnes du singulier et du pluriel : Singulier Pluriel kun (kunē) kunēd

L’impératif moyen-perse

L’impératif est nié par ma. Aux autres personnes, il est suppléé par la particule ēw suivie de l’indicatif.Le mode impératif marque l’injonction, c’est-à-dire : l’ordre, la prescription, l’exhortation, et l’imploration.

Survivance de ces modes en persan ?

En persan, l’optatif du moyen perse ne semble s’être conservé que dans le suffixe -ē, qui est l’héritier de la forme optative enclitique d’« être » 979. Mais que pouvons nous dire du subjonctif et de l’impératif ? La survivance ou la disparition de ce ou ces modes a une répercussion importante sur la réorganisation du système verbal dans les premiers siècles du persan. La question du subjonctif est déterminante.

Devenir de l’ancien subjonctif 

En persan, l’ancien subjonctif moyen-perse apparaît dans quelques occurrences.

Formes en -ā980

Nous n’en avons pas trouvé dans HM, du moins dans le passage que nous avons étudié. Mais la forme y est attestée ailleurs : Lazard981 en donne un exemple, yād dārād, « qu’il se rappelle », au feuillet 580. Au vu de nos occurrences, il est étonnant de voir que, hormis pour JP, ces formes sont davantage utilisées dans les textes des XIIIe -XIVe siècles que dans ceux des Xe -XIe siècles. On pouvait légitimement s’attendre à ce que ces anciennes formes de subjonctif moyen-perse aient progressivement décliné. Mais peut-être est-ce là un hasard du corpus. Seuls d’autres textes des XIIIe -XIVe siècles pourraient confirmer ou démentir ce constat. On peut aussi s’étonner de voir ces formes encore employées au XVe siècle. Précisons cependant qu’il ne s’agit en réalité que de formes du verbe « être », bād, dont l’expression s’est figée. Voici les formes en -ā- de notre corpus : – JP : b’d, « qu’il soit » (JP3 S, 7 ; S, 13 ; T, 1) ; bwr’d, « qu’il coupe » (JP3 S, 8) ; b[w]rh’d, « qu’il soit coupé » (JP3 S, 12).

Personnes

De cette énumération de formes, il ressort que le subjonctif moyen-perse n’a survécu qu’à la troisième personne du singulier avec un suffixe -ād. C’est également le cas hors de notre corpus, comme l’ont constaté Darmesteter, puis Lazard plus en détail985. De toutes les occurrences relevées par ce dernier, une seule est employée à la troisième personne du pluriel bidānānd (dans le Tārīx-i Baihaqī), si toutefois on écarte les formes refaites sur bād, « qu’il soit ». Dans le corpus, un exemple serait à rapprocher de cette forme bidānānd. Mais nous ne l’avons pas retenu dans les relevés car il apparaît dans une traduction de l’hébreu (1) : (1) w-by st’dynd rm zmy mrdy yky ’z ’ṭr’p-yš’n w-by dh’nd ’wr’ ’zmr-yš’n p’ dydb’n « et les gens de (cette) terre ont pris un homme parmi eux (litt. de leurs côtés) et qu’ils se le donnent (?) comme guetteur » (TE2 177, 35-36) Cette occurrence reste douteuse : non seulement elle est isolée, mais aussi elle apparaît dans le second dialecte où les désinences de troisième personne du pluriel sont le plus souvent en -ynd au présent986. Cette forme dh’nd est d’ailleurs coordonnée à st’dynd et on attendrait le même mode pour les deux verbes. Si Gindin hésite entre une erreur de scribe pour -ynd et une forme modale dans un contexte d’irréel, nous penchons, nous, pour la première solution988. On voit mal ici un précatif parce qu’on attend davantage une phrase du type « et ils se le donnèrent comme guetteur ». Hors de notre corpus, une autre occurrence est tout aussi épineuse : la forme ’y kr’m, « nous devrions acheter », de la lettre de Dandān-Uiliq (DU 12). Elle est analysée comme une première personne du pluriel par Utas 989. Mais Lazard990 soulève un point délicat : en moyen perse, la particule hortative ēw est associée à l’indicatif et non au subjonctif991. En outre, aucune autre forme de subjonctif n’est attestée à la première personne du pluriel, que ce soit en persan ou en judéo-persan992. Nuançons toutefois : la lettre de Dandān-Uiliq est antérieure de deux siècles aux autres textes et il n’est pas impossible que la langue de cette époque ait conservé des formes de subjonctif à des personnes pour lesquelles ce mode a disparu dans le persan du Xe siècle. Cependant, le caractère lacunaire de cette lettre ne permet pas de savoir s’il s’agit bien d’un subjonctif. Le problème de la particule ēw reste entier, à moins qu’il ne s’agisse ici d’un ezāfe en fonction de relatif, auquel cas nous aurions une relative au subjonctif .

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