Vécu actuel de la maladie

Vécu actuel de la maladie

Se sentir soutenu

L’ensemble des patients que nous avons rencontrés (à l’exception d’une personne) valorise le soutien qu’il reçoit de la part de son entourage familial, amical ou professionnel. De plus, les patients atteints de maladie de Crohn ou d’autres maladies chroniques paraissent devenir des figures essentielles sur lesquelles ils peuvent s’appuyer pour décharger leurs angoisses. En ce sens, quelques-uns évoquent le bénéfice du suivi psychothérapeutique qu’ils ont entrepris. La plupart des sujets déclare donc se sentir compris et reconnus dans leur souffrance liée à la maladie. Nous verrons dans cette partie les spécificités des différentes formes que le soutien perçu peut revêtir, en fonction des différents protagonistes qui le prodigue. 

Le soutien de la famille

Au vu de la situation familiale des patients que nous avons rencontrés, nous avons choisi de regrouper sous le terme de « famille », les figures parentales, la fratrie mais également le conjoint et les enfants des sujets. L’entourage familial du patient est considéré comme le garant de l’histoire de la maladie du patient. La connaissance des sujets avant et après la maladie, permet à ceux-ci de maintenir un sentiment de continuité d’existence. Ainsi, la famille apparait comme le groupe garantissant un étayage constant et inconditionnel. Elle devient l’instance auprès de qui il est possible de verbaliser son vécu intime des symptômes ainsi que de formuler une demande d’aide. La présence quotidienne de celle-ci aux côtés du patient, offre la possibilité de prendre soin de lui, en lui permettant notamment de pouvoir régresser. Néanmoins, plusieurs patients ressentent le poids de cet étayage et doivent composer avec l’inquiétude de leur proche. Une présence au quotidien L’entourage familial représente pour la grande majorité des patients, une ressource sur laquelle ils peuvent s’appuyer. Présent généralement depuis le début d’apparition des troubles, l’entourage familial accompagne le patient dans la gestion quotidienne de la maladie. Il est en ce sens le témoin des différentes expériences de la maladie faites par le sujet. Cette omniprésence parait faciliter la liberté avec laquelle les patients peuvent évoquer leurs troubles. Le partage d’une sphère intime entre l’entourage familial et le sujet permet la verbalisation des propos vécus comme dérangeants, honteux ou illégitimes. De plus, l’assurance de la présence inconditionnelle de la famille, garantie un climat de confiance à partir duquel les patients peuvent s’exprimer sans se sentir jugés. A titre d’exemple, Julie évoque le soutien apporté par sa famille, qui l’écoute dans sa description plaintive de la douleur ressentie. « Ah ben j’ai ma famille, mon mari, ça c’est sûr qu’ils sont là heureusement. Je peux en parler vraiment librement avec eux y’a pas de souci». Julie, 27 ans. Certains patients décrivent la logique de partenariat régnant entre eux et leur conjoint au sujet de la gestion quotidienne de la maladie. Le conjoint apparait comme la figure la plus à même de comprendre la réalité des troubles. Il devient celui qui devine l’état de bien être psychique 323 et somatique du patient, tout en proposant des solutions pour contenir l’angoisse ressentie. Sa présence, sa complicité et sa disponibilité offrent aux patients une sécurité sur laquelle ils s’appuient quotidiennement. « Mon mari qui est là qui voit que ça va. Je sais que si ça ne va pas je peux lui en parler tout de suite. Lui il est hyper là, de toute façon il me connait. Je ne peux pas lui mentir même si j’ai mal que d’un côté, il va le voir sans que je lui dise.il va me dire « ça va pas là hein ?» bon ok » donc on n’en parle pas devant les enfants, on en parle après entre nous. Et lui il est toujours là. Il n’est pas là physiquement parfois parce qu’il part beaucoup en déplacement, mais il m’appelle. S’il n’est pas là physiquement et que ça va pas hop il est à 300 kilomètres il revient. Il fait l’aller-retour dans la nuit, il est là le matin pour m’aider pour mes enfants. Oui c’est sur la dessus il est là y’a pas de souci. » Vanessa, 36 ans.

Une surprotection

Comme nous venons de l’illustrer une grande majorité des sujets valorise le soutien dont fait preuve leur entourage familial. Cependant celui-ci peut se montrer difficile à porter par instant. En effet, un tiers des patients interrogés mettent en avant l’excès de protection dont fait part leur famille à leur égard. Ils insistent sur l’omniprésence de celle-ci dans leurs démarches de soin mais également dans leur quotidien. Quelques patients insistent sur l’intrusion de leur entourage familial dans les relations qu’ils nouent avec leur médecin. Ils paraissent être en difficulté pour s’affranchir des désirs de leurs figures parentales. Cette présence envahissante met alors en péril la qualité des relations médecin/patient et a pour effet de brider la parole du patient lors de la rencontre clinique. « Ce qui m’emmerde un peu c’est que ma mère elle est toujours avec moi quand je vais voir le professeur N et qu’on ne peut pas discuter. Ma mère elle est à côté de moi. Qu’est-ce qu’elle a à savoir de ma vie ? Moi je pense qu’un 326 médecin, c’est vous vous êtes dehors et moi je reste à l’intérieur. » Bruno, 44 ans. En revendiquant leur autonomie, certains souhaitent se libérer de la pression familiale en affirmant leur prise de position quant à leur gestion de la maladie. La maladie devient une frontière entre l’Autre et le patient, et représente un objet sur lequel le patient peut exercer sa volonté et réussir à s’affirmer. « Ouais ouais ben avec ma famille, dès que au début j’en ai parlé c’était « oh fais attention, oh tu ne devrais pas » j’en ai rien à faire. Je veux dire, c’est mon problème, c’est moi qui gère. J’ai mon ressenti, je sais ce qui va, ce qui va pas, ils n’ont pas à interférer là-dedans quoi. » Nicolas, 27 ans. Comme Nicolas, Alexis exprime son agacement quant aux comportements de ses parents. Il exprime avec colère son « ras le bol » en rapport aux mises en garde et aux conseils parentaux qu’il vit comme infantilisant. Dès lors, il parait s’engager dans une lutte pour les convaincre qu’il est en mesure de gérer seul les répercussions de la maladie. « Ben je lui dis c’est bon ! Là j’étais en intérim et j’ai trouvé un travail, déchargement de camion et c’était que des meubles, c’était super lourd ! Je dis à ma mère, c’est bon t’inquiète j’ai le travail et mon père pareil. Il me dit ah mais tu ne vas pas tenir et tout. Alors moi ça m’énerve et je veux toujours leur prouver que j’y arrive et j’y arrive mais pas longtemps en fait […] ma mère elle est toujours derrière moi « Fais pas ci, fais pas ça, évite de sortir » et moi je lui dis « non non mais t’inquiète t’inquiète ! ». Alexis, 18 ans. La figure maternelle est fréquemment décrite comme surprotectrice. Quelques patients font état d’une préoccupation excessive de leur mère pour leur état de santé sur le plan somatique. Plusieurs patients relient ce type de fonctionnement à l’expression d’une culpabilité importante chez celle-ci. Devant l’étiologie inconnue de la maladie, ils décrivent l’impression de leurs parents de porter la responsabilité de l’apparition des troubles. Ambivalente, Caroline pointe le soutien constant apporté par sa mère tout en lui reprochant d’être dans l’excès à certains instants. Comprenant son inquiétude, elle tente en vain de la rassurer sur son état de santé. Alors 327 qu’elle essaie de ne pas penser à la maladie, les préoccupations maternelles lui rappelle au quotidien les limites imposées par sa maladie. « Ma mère fais attention à ci fais attention à ça, est ce que tu as bien pris ci est-ce que… (Soupir). Elle me rappelle au quotidien que je suis malade ma mère. Dès que j’ai eu une complication annexe comme mon abcès et machin euh j’évite de lui dire tout de suite parce que je sais qu’elle s’en fait toute une montagne […] Elle, elle intériorise tout et c’est le drame quoi ! Qu’est-ce qui va t’arriver ? Et fais pas ci, est-ce que tu fais bien si ? […]Elle me couve c’est, c’est incroyable ! Il faut que je l’appelle deux fois par jour pour lui dire que tout va bien sinon elle se fait un sang d’encre. » Caroline, 31 ans.

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