Circonstances cliniques du diagnostic

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Le traitement chirurgical

Attitudes par rapport au curage ganglionnaire

Le traitement du CMT est essentiellement chirurgical : il associe à la thyroïdectomie totale un curage ganglionnaire dont les modalités peuvent varier en fonction des équipes, mais dont le principe est admis compte tenu de la particulière lymphophilie du CMT : 55 à 75 % de métastases ganglionnaires au moment du diagnostic [39]. Le pronostic dépend de la qualité de l’exérèse chirurgicale initiale. L’envahissement ganglionnaire est précoce, dès le stade de microcarcinome [56, 57]. L’envahissement des chaînes ganglionnaires cervicales ipsilatérales est aussi fréquent  que l’atteinte du compartiment central et l’envahissement controlatéral peut être retrouvé dans près de 20 % des cas, y compris pour des CMT infra-centimétriques et/ou unilatéraux [39, 56].
Si le rationnel du curage ganglionnaire du compartiment central récurrentiel est admis, aucun consensus n’est retrouvé sur la nécessité et l’extension du curage ganglionnaire latéro-cervical, mais la fréquence de l’envahissement des chaînes ganglionnaires ipsilatérales, voire bilatérales, notamment, pour les CMT bilatéraux est cependant en faveur du curage latéro-cervical associé.
Le curage ganglionnaire extensif (central et latéro-cervical bilatéral) est ainsi préconisé pour les CMT familiaux, les CMT avec métastases ganglionnaires dans le compartiment central, ou à titre systématique. Il permettrait de réduire le risque de rechute ganglionnaire. Un curage limité au compartiment latéro-cervical ipsilatéral peut être proposé pour un CMT unilatéral, en l’absence de métastases ganglionnaires récurrentielles et latéro-cervicales ipsilatérales [56, 57]. Notre patiente a bénéficié d’une thyroïdectomie totale associée à un évidement ganglionnaire médiastino-récurrentiel bilatéral, sus claviculaire gauche, sus claviculaire et jugulo-carotidien droit. Pour les CMT infra-centimétriques, le curage ganglionnaire central apparaît indiqué du fait de possibles métastases ganglionnaires associées et de la surmorbidité induite par une réintervention cervicale [25, 61].

Notions de chirurgies précoce et prophylactique

La chirurgie prophylactique consiste, en cas de mutation du gène RET, en une thyroïdectomie totale associée selon les cas à un curage ganglionnaire cervical bilatéral et a pour but de prévenir la survenue du cancer médullaire de la thyroïde (CMT). A ce stade, la glande thyroïde est saine, sans pathologie des cellules C. On parle de chirurgie précoce lorsque la thyroïdectomie est réalisée sur une glande déjà porteuse d’une pathologie des cellules C (hyperplasie des cellules C et/ou microcarcinome). L’identification des apparentés à risque porteurs de la mutation de RET permet le diagnostic et la prise en charge précoce voire prophylactique du CMT. L’association entre âge et pénétrance du CMT [35, 46] doit être prise en compte, tout comme l’élévation de la CT basale et/ou la réponse de la CT ; une valeur supérieure à 10 pg/ml après Pg signe la présence de la maladie et justifie la chirurgie [28, 37] : thyroïdectomie totale associée à un curage ganglionnaire du compartiment central du cou, étendu, soit systématiquement aux compartiments latéro-cervicaux, soit basé sur l’existence d’un envahissement macroscopique ganglionnaire central ou latéro-cervical[2, 12]. Une absence de réponse peut permettre de surseoir temporairement à l’intervention, ce qui sous-entend que le test soit répété périodiquement jusqu’à sa positivité : il s’agit d’une chirurgie précoce. Ou que la thyroïdectomie soit réalisée devant la seule mutation du gène RET : il s’agit d’une chirurgie prophylactique (CT basale indétectable, non stimulable par la Pg, thyroïde histologiquement saine).
Dans ce cas, le moment de la chirurgie est à déterminer pour être réalisée le plus précocement dans l’histoire naturelle de la maladie, avec la morbidité la plus réduite possible. Concernant les NEM2A et les FMTC, un début de consensus existe pour les mutations dans les exons 10 et 11 [2]. La thyroïdectomie est proposée entre l’âge de deux à six ans [58]. Bien que l’âge le plus précoce rapporté pour la présence de métastases ganglionnaires soit de 5 ans 11 mois [18], l’envahissement ganglionnaire est possible dès le stade de CMT microscopique [15]. Or ce stade de CMT microscopique peut être retrouvé dès l’âge de deux ans chez ces enfants, ce qui fait préconiser une thyroïdectomie plus précoce, vers deux à trois ans [47]. Lorsque cette chirurgie est effectuée par une équipe chirurgicale habituée à ce type d’intervention, la morbidité est très faible.
Le curage récurrentiel est en règle réalisé de principe [12, 36]. L’âge et le génotype pourraient être des facteurs à prendre en compte : les métastases ganglionnaires sont d’apparition plus tardive dans l’histoire naturelle de la maladie, avec un délai moyen de 6,6 ans après le CMT, et sont exceptionnelles avant l’âge de10–14 ans pour les NEM2A avec mutations aux codons 630, 634, 618, 620 [35, 55]. Une chirurgie précoce pourrait donc se dispenser d’un curage ganglionnaire. Pour les NEM2A/FMTC avec mutation de RET dans les exons 13,14 et 15, il n’existe aucun consensus [2, 33]. La thyroïdectomie peut être basée soit sur la biologie par la surveillance de la CT sous Pg, difficile à envisager sur une longue
période, soit sur la génétique : chirurgie de principe, vers l’âge de cinq, dix ans ou à l’adolescence [47]. L’indication et les modalités du curage ganglionnaire restent débattues, l’envahissement ganglionnaire étant rare avant l’âge de 20 ans pour ces génotypes, mais décrit dès dix ans [19, 35].
En pratique, il apparaît relativement rare que le corps thyroïde soit indemne de pathologie, et la chirurgie est en fait rarement réellement prophylactique vraie. Notre patiente nous avait été adressée par l’endocrinologue pour une chirurgie prophylactique ; les ORL étaient partis tout au plus pour une chirurgie précoce (CT élevée et nodule clinique). L’examen histologique après thyroïdectomie totale et curage ganglionnaire avait montré un carcinome médullaire confirmé par l’immuno-histochimie. Cependant, malgré la thyroïdectomie tardive, à 28 ans, il n’a pas été noté de métastase ganglionnaire clinique, radiologique ou histologique, ni d’embole vasculaire à l’examen anatomo-pathologique

Les autres traitements

Le traitement symptomatique de la diarrhée et de la douleur (en cas de maladie métastatique) doit être entrepris. Les analogues de la somatostatine et l’interféron n’ont pas d’indication, car ils sont peu, voire non efficaces [38, 49]. Les traitements systémiques sont essentiellement à visée palliative et/ou adjuvante d’une maladie résiduelle disséminée avec métastases identifiables multiples non opérables, ou devant une hypercalcitoninémie résiduelle évolutive sans masse tumorale identifiable, avec ou sans élévation de l’ACE qui signe dans ce cas une dédifférenciation tumorale. (Ref) L’hormonothérapie substitutive après thyroïdectomie totale se fera à vie. La chimiothérapie n’a à ce jour pas fait la preuve de son efficacité (combinaisons doxorubicine, 5-fluorouracil, streptozotocine, dacarbazine, vincristine et cyclophosphamide) avec un taux de réponse objective de 20 % environ et une amélioration symptomatique souvent partielle et transitoire, sans bénéfice sur la survie [38, 49, 50]. La radiothérapie cervico-médiastinale a été proposée pour retarder la survenue des rechutes sans preuve évidente de son efficacité. La radio-immunothérapie anti-ACE, sur de petites séries, permet une amélioration symptomatique, une stabilisation des lésions avec une amélioration de la survie [7], la toxicité hématologique étant le facteur limitant. La prise en charge de localisations métastatiques uniques ou limitées fait appel à des techniques classiques en oncologie, non spécifiques : chimio-embolisation (42 % réponses partielles, 42 % de stabilisation) [16], radiofréquence, exérèse chirurgicale.

Nouvelles perspectives thérapeutiques : les thérapies ciblées par la génétique

Les inhibiteurs tyrosines kinase représentent incontestablement l’option la plus prometteuse pour les CMT métastatiques, et les essais thérapeutiques sont en cours. L’anilinoquinazoline (ZD 6474) possède une activité inhibitrice propre sur le VEGF, la phosphorylation de RET et inhibe la croissance tumorale chez la souris greffée avec des lignées cellulaires transformées RET/PTC [3]. Les pyrazolopyrimidine PP1 et PP2 inhibent la phosphorylation de RET et son potentiel transformant in vitro sur des lignées de fibroblastes et de cancer thyroïdien [4, 5]. Les indolocarbazoles (CEP-701 et CEP751, CEP-2563) [13]
1) [10] inhibent in vitro la phosphorylation de RET, réduise la prolifération des cellules TT en culture et entraînent une réduction de la masse tumorale chez les souris porteuses de xénogreffes tumorales : ces composés ont en plus l’avantage d’être moins toxiques et administrables par voie orale. (Ref)
– Les Anticorps monoclonaux
– Thérapie génétique

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIEREPARTIE :RAPPELS
1. CANCER MEDULLAIRE DE LA THYROÏDE
1.1. Historique
1.2. Clinique
1.2.1Circonstance du diagnostic
1.2.1.1 Signes d’appel
1.2.1.2. Bilan paraclinique
1.3. Génétique
1.4. Anatomie pathologique
1.4.1. Histologie
1.4.2. Immunohistochimie
1.5. Traitement
2. LA NEOPLASIE ENDOCRINIENNE MULTIPLE DE TYPE 1
3. LA NEOPLASIE ENDOCRINIENNE MULTIPLE DE TYPE 2
3.1. Historique
3.2. Clinique
3.3. Diagnostic
3.4. Génétique
3.5. Traitement
4. LES NEOPLASIES ENDOCRINIENNES MULTIPLES DE TYPE 4
4.1. Clinique
4.2. Diagnostic
4.3. Génétique
4.4. Traitement
DEUXIEME PARTIE : NOTRE OBSERVATION
1. CADRE D’ETUDE
1.1. Le village traditionnel de Ouakam
1.2. L’Hôpital Militaire de Ouakam (HMO)
1.3. L’Unité d’ORL et de Chirurgie Cervico-Faciale
2. OBSERVATION
3. DISCUSSION
3.1. Epidémiologie du CMT
3.2. Diagnostic du CMT
3.2.1. Circonstances cliniques du diagnostic
3.2.2. Marqueur biologique tumoral du CMT : la calcitonine (CT)
3.2.3. Tests de stimulation de la CT utilisés pour le diagnostic des CMT
3.3. Dépistage
3.4. Traitement du CMT
3.4.1. Le traitement chirurgical
3.4.2. Les autres traitements
3.4.3. Nouvelles perspectives thérapeutiques: Les thérapies ciblées par la génétique
4. Surveillance
Conclusion
REFERENCES

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