DE LA NAISSANCE AU MARIAGE, TRAJECTOIRES DE VIE

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LA CONGRÉGATION DES DAMES DE LA PURIFICATION

À l’origine de la Congrégation de la Purification se trouve une femme singulière, réputée en son temps pour sa dévotion et son charisme : la Mère Marguerite de Senaux. Les quelques paragraphes suivants sont consacrés à la biographie de cette femme encore peu connue du grand public et dont la mémoire n’est pérenne que dans l’esprit de ses héritières.

La fondatrice : Marguerite de Senaux, dame de Garibal

La création de la Congrégation des Dames de la Purification revient à une noble dame, Marguerite de Senaux, en religion Marguerite de Jésus. Toulousaine, celle que ses contemporains surnomment « la Mère Marguerite » n’est pas une inconnue à son époque. Au XVIIe siècle, le manuscrit des Dames de la Purification atteste de l’importance de son rôle dans l’éducation des jeunes filles pauvres et de la venue de la Mère Marguerite de sa province natale pour établir à Paris la maison des Filles de Saint-Thomas à la demande d’Anne de Caumont, duchesse de Fronsac, de même que le couvent des Filles de la Croix2. Loret cite la Mère Marguerite dans sa Muze historique3 et Tallemant des Réaux l’évoque dans son historiette sur Mme Roger4. Quant à Piganiol de La Force, il note que la Mère Marguerite prit part à la conversion de Cyrano de Bergerac et qu’ils se fréquentaient régulièrement 5 . Ainsi que le souligne Madeleine Alcover, « la Mère Marguerite […] était une personne de grande réputation, comme on aurait dû s’en douter par la manière dont Lebret en parle : s’il cite son nom sans contexte, c’est que son identification allait de soi à cette époque »6. Au cours du XVIIIe siècle, quelques auteurs reprendront ces faits7. Edmond Rostand cite la Mère Marguerite de Jésus dans sa pièce culte Cyrano de Bergerac (acte V, scène 1) et celle-ci a, de nos jours8, laissé une trace, puisqu’une impasse de Toulouse porte son nom. La ferveur que lui portent ses héritières, les religieuses du monastère de la Croix et de la Miséricorde d’Évry, prouve que la Mère Marguerite n’a jamais été oubliée. C’est en grande partie grâce à leurs manuscrits que nous avons pu compléter le long panégyrique de Marguerite de Senaux effectué par les Dames de la Purification grenobloise et notamment le poème intitulé Vol d’esprit dont les Dames n’avaient recopié que la première strophe9.
Marguerite de Senaux naît à Toulouse le 21 novembre 1589. Elle a pour père Jean de Senaux et pour mère Anne de Portail, de la famille d’Olive. Elle appartient donc à une famille de magistrats. Neuvième enfant de la fratrie, elle n’a que neuf ans lorsqu’elle vient avec sa mère à Paris où elle apprend les rudiments de la foi en priant Dieu dans son cabinet10. Dans sa prime jeunesse, elle expérimente l’oraison et passe sa journée entre les mains de différents maîtres qui lui donnent une éducation mondaine conforme à son rang. Marguerite de Senaux relate cet épisode de sa vie enfantine : en ce voyage, continue-t-elle, que ma mère fut obligée de faire, elle fut deux ans ou plus absente de la maison, elle eut un soin tout particulier, m’ayant toujours auprès d’elle, de me faire instruire et apprendre ce que l’humaine civilité peut désirer ; ainsi j’avais tout à la fois je ne sais combien de maîtres pour des choses très différentes qu’en même temps on m’enseignait11.
Marguerite apprend ainsi de nombreuses langues, à écrire, compter, danser, chanter et jouer de divers instruments de musique, mais n’en oublie pas pour autant ses devoirs de fille en consolant sa mère lors des grandes épreuves de sa vie. Elle est présente lors de manuscrits appartenant au monastère. Après la mort de Marguerite, M. Lorber situe l’histoire de la maison à travers les âges. On apprend de lui qu’en 1676,  la mort de son père et a conscience de la charge qui pèse sur sa mère étant désormais veuve avec six enfants :
Ma mère, dit-elle, eut la plus grande affliction de la mort de mon père qui la laissa assez jeune chargée de six enfants, quatre fils et deux filles desquelles j’étais l’aînée, avec de grands charges et affaires […] Elle a toujours demeuré veuve, et très véritablement telle selon les termes de l’apôtre12.
Marguerite connaît les devoirs qui incombent aux veuves et se forme auprès de sa mère aux choses de la vie. Aux environs de 1600, elle rentre à Toulouse et se rend dans diverses maisons religieuses, en particulier aux feuillantines13. Sa mère entretient une grande amitié avec la marquise de Belle-Isle, fille de Léonard, duc de Longueville et de Marie de Bourbon, duchesse de Bouteville14. Marguerite est souvent présente auprès de ces deux dames et sait se faire discrète. Sa mère songe un temps à se retirer au couvent des feuillantines, mais ne veut pas laisser sa fille encore jeune sans destinée. Elle décide donc de la marier en choisissant M. de Garibal parmi une « foule d’amants qui venaient de toutes parts lui étaler leur passion »15. Le portrait de M. de Garibal esquissé dans sa Vie est des plus louangeur : « Ce magistrat était riche, bien fait, parfaitement honnête homme, et d’une illustre famille qui avait déjà donné à la robe, et qui lui avait donné depuis plusieurs autres magistrats d’une grande distinction. Madame de Senaux aurait cru faire un tort irréparable à sa fille de refuser un si avantageux parti, et mademoiselle de Senaux était trop soumise à sa mère pour lui faire la moindre résistance »16. Marguerite consent donc à épouser Jean de Garibal sur l’avis de sa mère et de ses directeurs de conscience : elle a 14 ans. La Vie les décrit alors comme deux êtres absolument complémentaires : « Ils connurent bientôt qu’ils se convenaient parfaitement : mêmes humeurs, mêmes sentiments, mêmes inclinations, même esprit de piété, même amour de la vertu ; et ce fut ce qui les détermina plutôt que l’égalité des conditions et des fortunes »17. Marguerite relate son engagement en ces termes : Je fus donc mariée à treize ou quatorze ans à une personne qui valait incomparablement mieux que moi : c’est dire peu, mais je parle selon l’estime que le monde, qui est un assez mauvais estimateur, avait de moi, qui par un certain et tout à fait extraordinaire orgueil ai méprisé les choses que le beau monde estimait le plus en lui et en moi-même ; j’avais été assez longtemps recherchée de cette personne : on ne peut dire l’estime et l’affection qu’il avait pour moi ; et sans renchérir ni user d’hyperbole, malaisément le pourrait exprimer une plume ni un cœur plus capable que le mien, eut-il mes propres expériences. Le temps qu’il avait fallu pour attendre que je fusse en âge de m’établir, avait si fort redoublé ses ardeurs et sa tendresse, que jamais on ne s’était trouvé si heureux ni si content qu’il le croyait être de me posséder ; je l’affectionnais chèrement et tendrement et même solidement, mais la condition du mariage semblait une dure croix aux désirs de mon âme, et nommément les actions qui marquent davantage cette sainte servitude : je l’appelle sainte parce qu’un sacrement l’ordonne…18
Le respect, l’amour et l’affection qu’elle témoigne pour son époux sont inconditionnels. Mme de Garibal vit donc aux côtés de son mari dans une sainte union où les mœurs réglées constituent autant de principes de vie. Leur domesticité était à leur image : pieuse et sage19. Marguerite de Senaux ne déroge pas pour autant aux voies de Dieu : elle continue de recevoir le Saint-Sacrement assez régulièrement, assiste tous les jours à la messe et ne converse qu’avec des personnes dignes de l’édifier20. Elle prend également soin de faire éduquer ses domestiques dans la foi catholique et de leur enseigner le catéchisme. Aux dires de sa Vie, Marguerite était une maîtresse modèle, car modérée : « elle n’était ni difficile ni hautaine ni fâcheuse, ni piquante dans ses paroles : ferme sans trop de rigueur, douce sans trop d’indulgence, elle savait se faire craindre, aimer et respecter tout ensemble »21. Les domestiques pouvaient donc s’appuyer sur des maîtres bienveillants. La maisonnée était réglée et les deux époux n’étaient qu’un cœur et qu’une âme. Il manquait à ce bonheur conjugal la présence d’enfants. Selon le témoignage des Dames de la Purification de Grenoble relayé dans sa Vie, aucun enfant n’avait survécu22. Tous les enfants étaient mort-nés, ce qui poussa Marguerite de Senaux à envisager un autre état : celui de religieuse.
ces dames disoient quelle ne fut pas encore contante d’avoir faict ce sainct Establissement de la congrega[ti]on, et qu’elle desirer s’unir absolument a l’object sacré de son amour par la separation entiere de toute sorte de creatures sans en excepter son mari envers lequel elle se servit du malheur dont Ils estoient accueillis par la perte de tous leurs enfans (dont pas un de quatre qu’ilz en avoient eus, n’avoit peu recevoir le baptesme ce qui les affligeoit mortellement a cause qu’ilz estoient fort pieux) pour le porter a garder continence avec elle non seulem[en]t comme st Elzear et ste Delphine sa femme sans se separer de lict mais comme sainct Jullien et ste basilisse entrant le checun en religion23
Selon les Dames de la Congrégation de la Purification grenobloise, la perte de tous leurs enfants motive donc le choix de Marguerite de Senaux. Elle a 21 ans quand elle envisage de se retirer du monde pour le cloître. Elle l’annonce à son époux qui en tombe malade 24 . Marguerite est là pour le soigner et M. de Garibal finit par guérir quand Marguerite tombe malade à son tour. Durant la maladie de l’un et de l’autre, ils se promettent mutuellement d’entrer en religion. Quand Marguerite tombe enceinte pour la neuvième fois dont le fruit sera un nouvel enfant mort-né (les Dames parlent, elles, de quatre enfants), la perte de ce petit être est vécue comme un signe divin. En effet, malgré toute l’attention qu’elle a portée à sa grossesse (elle restait alitée continuellement), rien n’y fait25. Marguerite de Senaux se résout dès lors à entrer en religion. Son confesseur à cet instant-là est le Père Dupuy, ermite de saint Augustin et professeur de théologie à l’université de Toulouse. Ce dernier lui voue une profonde admiration26. Les deux époux qui s’étaient promis main dans la main de vivre désormais comme frère et sœur renouvelèrent leur vœu d’entrer en religion entre les mains de Philippe Cospéan, évêque d’Aire-sur-l’Adour 27 . Marguerite pense d’abord entrer chez les feuillantines, mais la marquise de Belle-Isle étant désormais à l’abbaye de Fontevrault selon le souhait du pape Paul V, elle choisit de se tourner vers les Dominicaines. En ce sens, Marguerite de Senaux suit à la lettre la recommandation de Philippe Cospéan qui l’avait adressée à Mère Marie de Jésus, elle-même anciennement mariée à Monsieur Bourret28. Marie de Jésus, dans le monde Marie de Costa, était la dirigée du P. Michaëlis29. Elle participa à l’édification d’une Congrégation du Tiers Ordre de saint Dominique sous le nom de sainte Catherine de Sienne. M. Bourret, quant à lui, se fit jésuite et déploya son zèle pour l’instruction et l’éducation des pauvres filles de Toulouse et des provinces circonvoisines30. Marie de Jésus obtint du cardinal de Joyeuse les permissions nécessaires à l’édification du couvent et de l’église et fixa leur entrée au 21 novembre 1606, jour de la Présentation de la sainte Vierge31. C’est dans ce nouvel institut que Marguerite de Senaux entra à son tour, le 4 octobre 1618. Son époux, lui, se fit chartreux. Entre-temps, Marguerite de Senaux subit de nombreux tourments, car le monde ne tolérait pas son comportement singulier. Un extrait de sa Vie permet d’en prendre la mesure :
au lieu des applaudissements qu’on lui avait donné jusqu’alors, on en fit le sujet des railleries les plus piquantes, dont on égayait les conversations dans les compagnies : sa conduite ne passa pas seulement pour extraordinaire, comme elle l’était effectivement, mais on la qualifiait d’impudence, de bizarrerie, d’esprit de critique, de singularité, d’entêtement, de folie, car le monde ne connaît de sagesse que celle qui a du rapport à ses maximes ; et toute la ville enfin se déchaîna contre elle avec tant de fureur et d’emportement, qu’il est difficile en pareil cas d’essuyer une plus rude persécution. On donnait un tour ridicule et malin à tout ce qu’elle faisait de plus saint et de plus édifiant ; on tournait en dérision tout ce que sa piété avait de plus solide et de plus exemplaire, sans épargner ni son assiduité à la prière qu’on traitait de fainéantise et d’oisiveté, ni son commerce de miséricorde et de charité, qu’on disait tout haut lui être très utile pour mieux venir à ses fins, ni ses communions fréquentes dont on disait qu’elle couvrait adroitement un grand fond d’hypocrisie, ni ses confessions qu’on taxait d’amusement, de perte de temps, de faiblesse ou de légèreté d’esprit : enfin cette femme, qui avait été longtemps l’objet de l’admiration de toute cette ville quand elle semblait pencher vers le monde, devient l’objet de ses mépris et de la censure quand elle se donne à Dieu32
Marguerite de Senaux souhaitait se détacher du monde pour entrer dans le cloître tout en restant mariée, les liens du mariage étant indissolubles. Cette volonté passait pour une bizarrerie, mais Marguerite pouvait compter sur l’appui du P. François de Lignac, récollet, et du P. Héliot, jésuite, pour affermir son dessein33. Face à autant de persécutions, elle choisit alors de rester plus discrète et secrète. Selon sa Vie :
ce fut avec beaucoup de raison, car le monde doit être très rarement consulté dans l’exécution des desseins de Dieu : le silence et le secret étant la force, l’assise et la ressource des saintes âmes, et pour ainsi dire l’âme des grands desseins : c’est aussi le parti qu’elle prit avec son mari ; et sans rien retrancher de leurs austérités, ils surent si bien les cacher au monde, qu’ils se mirent pour un peu de temps à couvert de ses persécutions34.
Marguerite tint bon et écrivit ses vœux qu’elle signa de son sang entre les mains de François de Lignac, le 29 mai 1616 35 . Elle fit, trois mois après, vœu de continence perpétuelle entre les mains du Père Héliot. La Mère Marguerite pensa à l’avenir et souhaita faire bénéficier d’autres jeunes femmes de son expérience. Il était temps, selon elle, de former une Congrégation, celle de la Purification, pour aider les pauvres orphelines de la ville de Toulouse. Voici en quels termes sont décrites les prémices de la Congrégation : qu’il serait très utile à plusieurs personnes d’en contracter de semblables, et surtout à des jeunes dames dont elle connaissait la faiblesse, et qu’elle aurait bien souhaitée de pouvoir affermir dans la pratique et dans l’amour de la vertu. Dans cette pensée, elle s’affaire avec quelques-unes des plus vertueuses de sa connaissance et entreprit avec elles d’ériger une dévote Congrégation sous le nom de la Purification de la Vierge dans la vue de porter les jeunes personnes qui auraient la dévotion de s’y enrôler, à faire une étroite profession de régler leurs familles selon les maximes de l’Evangile. Dieu ne refusa pas ses bénédictions à des intentions si pures ; et les premières constitutions qui avaient été dressées par des personnes pieuses et éclairées, furent approuvées peu de temps après par l’Archevêque de Toulouse et ensuite confirmées par une bulle d’Innocent X. Cette Congrégation est devenue aujourd’hui considérable par son objet, je veux dire par le soin qu’elle prend de l’éducation d’environ deux cent pauvres orphelines de père et de mère, qu’elle fait élever en communauté depuis l’âge de deux ou trois ans jusqu’à ce qu’on les a mises en état de gagner leur vie ou par des métiers qu’on a soin de leur faire apprendre, ou en les plaçant dès qu’elles sont capables de servir en honnêtes conditions, ou enfin en les établissant avec de bons artisans. C’est dans Toulouse aujourd’hui une espèce d’hôpital joignant le couvent de Sainte Catherine sous l’autorité de l’Ordinaire, où l’on ramasse autant que ses facultés se peuvent étendre, des pauvres filles, à qui la providence de Dieu fournit des mères nouvelles, dont l’affection surpasse autant celle des autres, que la charité chrétienne l’emporte sur la tendresse naturelle36.
Cette Congrégation est donc destinée à édifier de pieuses dames à la dévotion mariale et à prendre soin des orphelines dès l’âge de 2 ou 3 ans jusqu’à les établir en les mariant ou en leur trouvant un emploi. Selon cet extrait de la Vie de la fondatrice, environ 200 jeunes filles orphelines de père et de mère trouvèrent une maison charitable où les accueillir et les élever, mais aussi où elles trouvèrent de l’affection37 . La date de la création de la Congrégation de la Purification toulousaine n’est pas donnée. Elle est certainement postérieure à l’entrée de Marguerite de Senaux chez les Dominicaines, en 1618. On peut même légitimement penser qu’elle voit le jour au cours de l’année 163338. Il n’est pas ici fait mention du nom des premières recrues ni de l’aide précieuse apportée par le jésuite Jean Arnoux39 dans cette fondation. Pour en connaître davantage, il faut recourir au mémoire historique de la Congrégation des Dames de la Purification de Grenoble. Celui-ci nous apprend :
que ce fust dam[oise]lle Marguerite de Senaux femme de monsieur de Garibal conseiller du roy au parlement de Tholoze qui en estoit l’Institutrice, qu’elle aveq une de ses compagnes dont on ne luy dit pas le nom en ayant eu l’inspira[ti]on la communiquerent au Reverend Père Arnoux, jesuiste personnage d’un grand merite ce qui pour ces rares qualites avoit esté choisi pour estre confesseur du feu roy Louis treiziesme duquel il fut disgracié & ans fort peu de temps par quelque intrigue de cour, et c’estoit retiré en la maison professe de sa compagnie dans Thoulouze ou il avoit pris cognoissance de ceste vertueuse damoiselle qui alloit a confesse a luy40.
La rencontre entre la Mère Marguerite et le jésuite se fait lors des confessions de cette dernière auprès du Père, retiré à Toulouse suite à une disgrâce royale. Il avait en effet été écarté de la Cour par Luynes en 1621 et remplacé au poste de confesseur du roi par le P. Séguiran41. Même si les Dames de la Congrégation de la Purification grenobloise insistent sur le fait que l’idée initiale vient de Marguerite de Senaux, le père Arnoux fut un atout majeur pour obtenir la bulle d’édification de Toulouse et il n’a pas été non plus inactif pour obtenir l’institution de celle de Grenoble. L’abrégé de vie et de vertus de Madeleine de Franc revient d’ailleurs sur cette fondation en indiquant le rôle pris par le jésuite : « esle antra dans sete ste sosiésté establis dans Grenoble par les soins du R. P. Arnoux jésuite et de madame de Rochefort »42. En ayant discuté de ce nouvel institut avec certains de ses pairs, Jean Arnoux prouve qu’il existe bel et bien des divergences de point de vue quant à l’action des femmes. Il est bon de penser à la suite de Marcel Bernos qu’il est réducteur de voir au XVIIe siècle une totale misogynie des religieux à l’égard des femmes43. Cette volonté affirmée de la part de Jean Arnoux d’aider la Mère Marguerite est certainement ce qui valût aux Dames de la Purification toulousaines d’être surnommées les « Arnulfistes ». Dans son ouvrage sur les origines des sœurs de Saint Joseph, Marie-Louise Gondal cite en note infra-paginale : « On dit qu’il y a à Toulouse, une Congrégation de femmes que l’on surnomme les arnulfistes, du nom du Père Arnoux. Cette Congrégation, Votre Révérence doit la dissoudre si elle le peut, ou en détourner les nôtres, ou enfin ordonner qu’elle ne puisse être invoquée comme un exemple [assurément dangereux] et ne nuise au nom de [notre] société » 44 . Marie-Louise Gondal émet l’hypothèse qu’il s’agirait de Jean Arnoux. Nous pensons qu’il faut conforter son hypothèse et également voir dans les arnulfistes, les Dames de la Purification. Pour quelles raisons ? Parce que c’est la seule Congrégation oubliée qui n’a pas encore été citée et qui est en lien direct avec Jean Arnoux et Toulouse. À la suite des événements, on peut donc affirmer que Jean Arnoux n’a pas tenu compte de cet avertissement. La mise en place de la Congrégation par des femmes à l’aura aussi puissante ne pouvait être étouffée dans l’œuf. Ainsi, malgré toutes les entreprises menées pour faire avorter et révoquer leur Institut, les Dames de la Purification, par la position puissante qu’elles occupaient dans la société et leur proximité avec le pouvoir politique en place, ont su pérenniser leur œuvre réussissant même à créer des filiales dans différentes villes de province.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE DES CONGRÉGANISTES
INTRODUCTION
CHAPITRE I LA CONGRÉGATION DES DAMES DE LA PURIFICATION
A- La fondatrice : Marguerite de Senaux, dame de Garibal
B- Les auxiliaires de la Mère Marguerite : des Dames de renom
C- Le réseau congréganiste : un réseau provincial
1. Grenoble
2. Aix-en-Provence
3. Romans
4. Valence
5. Le Croisic
CHAPITRE II ORGANISATION ET COMPOSITION
A- Les élections annuelles
B- Les charges des Dames de la Purification
1. La supérieure
2. Les assistantes
3. La maîtresse des novices
4. Les conseillères
5. La secrétaire
6. La dépositaire
7. La zélatrice
8. La sacristaine
9. La lectrice
10. La portière
11. Les autres charges
C- Le postulat et le noviciat
D- La profession
E- La rénovation de la protestation
F- L’assemblée hebdomadaire : le samedi des Dames
G- Les lieux de réunion : le cabinet, le parloir et la chapelle
CHAPITRE III LES FINALITÉS
A- Pour quelles orphelines ?
B- L’âge des orphelines
C- Le logement des orphelines
D- La subsistance des orphelines
E- Les soins corporels des orphelines
F- L’habillement des orphelines
G- L’éducation des orphelines
H- La destinée des orphelines
I- Les pauvres
1. Le cas particulier des pauvres honteux
2. Les prisonniers
3. Les malades et les infirmes
CHAPITRE IV UN CORPS DE FEMMES
A- L’identification du « corps » des Dames
B- Le recrutement
1. Une affaire de familles
2. Un recrutement par cooptation
3. Un recrutement aux critères stricts
a) Selon l’état matrimonial
b) Selon les moeurs
c) Selon la religion
C- Un corps dans un réseau dévot ou associatif
1. La Congrégation de la Purification, dite « des Messieurs »
2. La Compagnie du Saint-Sacrement
3. La Compagnie de la Propagation de La Foi
4. Les Madeleines
5. L’Ordre du Verbe Incarné
6. Les milieux dévots parisiens
D- Une entente cordiale
1. Des soeurs…
2. …envers et contre tout
3. L’expulsion théorique d’un membre
CHAPITRE V LA MÉMOIRE DU CORPS
A- Des historiennes de leur Institut
B- Un souci constant d’avenir
C- Le secret originel : un secret bien gardé ?
CONCLUSION
DEUXIÈME PARTIE DES DÉVOTES
INTRODUCTION
CHAPITRE VI DE LA NAISSANCE AU MARIAGE, TRAJECTOIRES DE VIE
A- Le commencement de la vie : le baptême
1. Les Dames de la Purification et leurs filleul(e)s : de la parenté aux pauvres
2. Être parrain et marraine, un engagement à vie : le cas de Françoise Rezol
B- Une éducation religieuse reçue dès la prime enfance
C- Une éducation mondaine : l’époque des réjouissances
D- Le mariage et les prescriptions morales du temps
1. Les Dames de la Purification en « puissance de maris »
2. Le modèle du mariage virginal : d’Élzéar et Delphine de Sabran à Marguerite de Senaux et Raymond de Garibal
E- Des veuves
1. Les prescriptions morales du temps
a) Le choix de la réclusion à domicile :
le cas particulier de Madeleine de Franc
b) Le choix d’un monastère : les cas de Jeanne de la Baume de Suze et de Catherine Béatrix-Robert de Saint-Germain
c) Une veuve indécise : la comtesse de Rochefort
d) Le voeu de chasteté : ultime rempart contre la tentation
e) Les effets personnels de la veuve
2. Le remariage des Dames de la Purification : une minorité concernée
a) Le cas mystérieux de Madeleine de Franc
b) Le cas de Gasparde Expilly : un remariage sur injonction paternelle
c) Le cas de Diane Rolland
d) Le cas de Hélène de Rame
e) Le cas de Catherine Aubert
F- Des mères de famille exemplaires
1. À l’égard de leurs propres enfants
a) L’allaitement maternel : le cas de Marguerite de Ferraillon
b) « Maria Lactans »
c) Le sevrage
d) Les mariages des enfants des Dames de la Purification entre eux
e) Des enfants aux destins lointains
􀁸 Jean-Baptiste de La Croix de Chevrières de Saint-Vallier : un épiscopat tourmenté au Québec
􀁸 François-Ignace Baudet de Beauregard : ses voyages à Macao, en Cochinchine et son exil au Siam en 1665 et 1674.
f) Des pourvoyeuses de couvents
2. À l’égard des orphelines
G- Les Dames de la Purification et l’argent
H- Les Dames de la Purification face à la justice
CHAPITRE VII DE LA GRAND-PARENTALITÉ À LA MORT
A- Une grand-mère attentive : Madeleine de Franc
1. Madeleine de Franc à demeure
2. Le modèle de sainte Anne et de la Sainte Famille
3. Un rôle d’éducatrice
a) Les garçons au collège
b) Les filles au couvent
B- L’éducation des domestiques
C- « Écrire la mort »
1. Les abrégés de vie et de vertus : des moments pour méditer sur la mort
􀁸 Écrire l’abrégé : des normes à respecter
a) Dans la première moitié du XVIIe siècle : étude de deux abrégés de vie et de vertus
􀁸 De l’éloge funèbre à l’abrégé de vie et de vertus : l’exemple de Claude de Chissé
b) Dans la seconde moitié du XVIIe siècle
2. L’espérance de vie des Dames
3. L’annonce de la mort
a) Des morts « héroïques »
b) Des morts violentes
4. Le « portrait » du mort
5. Les dernières maladies
a) Les cas des Dames de la Purification et de leurs amies
b) Le recours aux médecins
6. Se préparer à mourir
a) L’apprentissage de la mort par la lecture
b) L’acceptation de la vieillesse : un mal nécessaire
c) La rédaction du testament
7. Les sacrements
a) L’ultime confession : la confession générale
b) Le viatique
c) L’extrême onction
8. Après le passage
a) Le visage, reflet de l’âme
b) La préparation du corps
c) Le spectacle de la mort : le cortège funèbre
d) Célébrer la mort : la messe
e) L’épitaphe
CHAPITRE VIII DES « SOEURS » ENVERS ET CONTRE TOUT
A- Cabale, sabbat : les mots de la peur
B- D’amitié, d’amour et d’affection : les Dames de la Purification entre elles
1. Des femmes proches
2. L’amitié triomphe de la discorde
3. L’oraison : un lien amical invisible
C- Les Dames de la Purification : des femmes « fortes »
D- Les Dames de la Purification : des modèles pour les femmes de leur temps
CHAPITRE IX DES FEMMES DE CULTURE
A- Les ouvrages achetés par les Dames de la Purification
1. Les ouvrages de piété
2. Les ouvrages historiques
3. Les ouvrages à dominante politique
4. Les ouvrages divers
B- Le mémoire historique : une construction littéraire
C- Des dévotes aux précieuses
D- Les Précieuses : des femmes dans l’entourage des Dames de la Purification.
CONCLUSION
TROISIÈME PARTIE DES PRATIQUANTES
INTRODUCTION
CHAPITRE X COMPRENDRE ET ÉCOUTER SON ÂME
A- La direction de conscience
1. Les Dames et leurs directeurs de conscience
a) François de Sales
b) Balthasar de Bus
c) Artus de Lionne
d) Le Père Morin
e) Claude La Colombière ou de La Colombière
f) Jean de Bernières-Louvigny
g) Jean-Jacques Olier
h) Les directeurs inconnus
i) Le cas particulier de Madeleine de Franc
2. L’obéissance à l’égard du directeur
3. Les Dames et leurs directrices
a) Catherine de Bar, Mère Mectilde du Saint-Sacrement
b) Le cas particulier de la baronne de Neuvillette
c) Marie-Constance de Bressand
d) La direction de conscience des Dames de la Purification les unes envers les autres
B- À l’ombre du confessionnal
1. La confession générale
2. La confession hebdomadaire
3. Les confesseurs des Dames
a) Des auditeurs privilégiés : les jésuites
􀁸 Jean Arnoux
􀁸􀀃Jean L’Héritier
􀁸􀀃Henri Albi
􀁸􀀃Benoît Pesche
b) Des confesseurs auxiliaires : les réguliers
􀁸􀀃Noël Fléchius
􀁸􀀃Le capucin Léandre de Dijon
􀁸􀀃Artus de Lionne
4. Les Dames face à la confession
a) Le cas particulier de Madeleine de Franc
b) Les autres Dames de la Purification
c) La supérieure à l’image du prêtre
C- Les communions
D- Les retraites spirituelles
CHAPITRE XI INTIMITÉ ET EXTÉRIORITÉ
A- La mortification sociale
B- Martyriser la chair : les mortifications corporelles
C- La mortification intérieure
D- Les oraisons
1. L’oraison vocale
2. L’oraison mentale
3. Les attitudes pendant la prière : l’exemple de Madeleine de Franc
4. L’oraison jaculatoire
E- Les lectures spirituelles
1. Les lectures spirituelles de Madeleine de Franc
a) Les auteurs espagnols
b) Les auteurs français
c) Un auteur bien-aimé : François de Sales
d) Retour sur les Vies de trois visitandines grenobloises chères à Madeleine de Franc
􀁸 La Vie de Marie-Constance de Bressand
􀁸􀀃La Vie de Barbe-Séraphique de La Croix de Chevrières
􀁸􀀃La Vie de Marguerite-Séraphique Bout de Saint-Didier
e) Une lecture classique : Jean de Bernières
f) Un auteur controversé : le P. Séguenot
g) Des auteurs divers
h) La Vie de Turenne : l’esprit critique de Madeleine de Franc enfin dévoilé 662
2. Les lectures spirituelles de la comtesse de Rochefort
a) La Vie de Charles de Condren
b) La Vie de la baronne de Neuvillette
c) Le Trésor spirituel
d) Une lecture dans la lignée spirituelle mectildienne : le Chrétien Intérieur
e) Les lectures spirituelles annexes
CHAPITRE XII LES DÉVOTIONS DES DAMES DE LA PURIFICATION
A- Qu’est-ce que la dévotion au XVIIe siècle ?
1. L’apprentissage de la dévotion
2. La cérémonie du Jeudi Saint : un acte d’initiation
B- La dévotion mariale
1. Le miracle de l’Osier
2. La dévotion mariale chez Madeleine de Franc
C- La dévotion à saint Joseph
D- La dévotion à la Sainte Famille
E- La dévotion au Saint-Sacrement
1. La ferveur des Dames de la Purification
2. L’adoration réparatrice
F- La dévotion à la croix
G- La dévotion au Sacré-Coeur
H- La dévotion monarchique
CONCLUSION
QUATRIÈME PARTIE DES FEMMES SINGULIÈRES
INTRODUCTION
CHAPITRE XIII CATHERINE DE LA CROIX DE CHEVRIÈRES, COMTESSE DE ROCHEFORT
A- Une lignée dévote
1. Les premiers pas dans l’existence de la comtesse de Rochefort
2. La postérité de la comtesse de Rochefort
B- La comtesse de Rochefort à la cour de la régente
C- Les deux Catherine : deux âmes, mais un seul coeur
D- Une correspondance à coeur ouvert
1. La comtesse de Rochefort : une âme angoissée
2. La spiritualité de la comtesse de Rochefort
a) Le goût pour l’oraison mentale
b) Le saint abandon
c) L’état de « victime »
d) La comtesse de Rochefort dans la voie du « pur amour »
e) Le néant de l’être
E- Une fin sur ses terres
CHAPITRE XIV JEANNE DE LA CROIX DE CHEVRIÈRES, DAME DE REVEL
A- Mme de Revel : une femme secrète
B- Une enfance placée sous le signe de la piété
C- Une conversion spirituelle sous le signe de la mondanité
D- Les charges occupées par Mme de Revel à la Congrégation de la Purification
E- Mme de Revel, fer de lance de la Compagnie de la Propagation de la Foi
F- Mme de Revel et le Verbe Incarné
G- Mme de Revel au service d’Anne d’Autriche
1. Mme de Revel, dame d’honneur de la régente
2. Une mission hautement politique : convertir Henriette de Coligny au catholicisme
H- Mme de Revel, une poétesse et une salonnière
I- Une fin solitaire
CHAPITRE XV MADELEINE DE FRANC, DAME DE BRIANÇON DE VARCES
A- Une héritière
1. Les le Franc
2. La lignée maternelle : les « de Lionne »
3. Les enfants du couple et leurs destinées
B- Une conversion précoce
1. Un moment clé : sa première communion
2. Des parents dévots
a) La dévotion du père
b) La spiritualité de sa mère
C- Un mariage tardif
1. Les aspects matériels du mariage
2. La séparation de corps et de biens
D- L’entrée à la Congrégation de la Purification : une libération
1. Madeleine de Franc, supérieure de la Congrégation de la Purification
2. Une secrétaire zélée
E- Madeleine de Franc et son fils en proie aux difficultés
F- Madeleine de Franc face au veuvage : une réclusion volontaire sur ses terres
G- Une écrivaine du for privé
1. Description matérielle de la source
2. Un manuscrit à la croisée des genres
3. Une initiative individuelle, support de la piété
H- Le journal spirituel, support des oraisons de Madeleine de Franc
1. Les différentes oraisons
a) L’oraison de recueillement
b) L’oraison de simple regard
c) L’oraison de simple remise en Dieu
d) Le total abandon
e) L’oraison d’union
􀁸 L’oraison d’union simple
􀁸􀀃L’extase
f) L’ascèse de l’âme
I- Madeleine de Franc : une femme solitaire jusqu’à la mort
CONCLUSION
CONCLUSION GÉNÉRALE
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
SOURCES
SOURCES MANUSCRITES
SOURCES IMPRIMÉES
SOURCES ÉDITÉES
BIBLIOGRAPHIE
USUELS (Dictionnaires, manuels et inventaires)
OUVRAGES ET ARTICLES CRITIQUES

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