La sismicité induite par des manipulations de fluides

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Observation d’une sismicité dans les zones contenant des fluides

Le rôle prépondérant joué par les fluides dans l’initiation de la rupture sismique a été mis en évidence par de nombreuses études (Healy et al., 1968; Sibson, 1973; Cornet et al., 1997; Ellsworth, 2013; Bao and Eaton, 2016). Il est communément admis qu’une augmentation de la pression de fluide peut induire une activité sismique. Cette dernière peut être engendrée par des fluides de deux origines différentes. La première concerne les fluides, qui naturellement présents dans le milieu, induisent, sans intervention humaine, une sismicité, qualifiée par la suite de naturelle. A contrario, la deuxième catégorie ras-semble les fluides dits anthropiques, c’est-à-dire injectés dans le sous-sol par l’homme, et provoquant des événements sismiques. Une synthèse bibliographique de la relation entre les fluides et la sismicité sera présentée dans cette partie.

La sismicité naturelle liée aux fluides

La présence de fluides dans la croûte terrestre est déduite d’observations indirectes, généralement réalisées sur la base d’imagerie sismique. Ainsi, des vitesses d’ondes P et S anormalement faibles, un coefficient de Poisson fort ou encore une grande conductivité électrique (Eberhart-Phillips and Michael, 1993; Thurber et al., 1997) suggèrent l’existence de surpressions de fluide. Celles-ci sont observées dans les zones de subduction où l’origine des fluides peut provenir de la déshydratation de la plaque plongeante (Zhao et al., 2002; Ji and Yoshioka, 2017; Paulatto et al., 2017). Des zones de surpressions de fluide sont également identifiées à l’intérieur des plaques tectoniques. Dans ce cas, les sources possibles sont multiples : déshydratation des minéraux, fluides piégés dans la matrice poreuse de la roche ou encore infiltration de l’eau de pluie depuis la surface (Gupta et al., 1996; Zhao et al., 1996; Zhao and Negishi, 1998).
La sismicité naturelle due aux fluides peut se manifester tout aussi bien sous la forme de séismes isolés de forte magnitude, supérieure à 5 (Gupta et al., 1996; Zhao et al., 1996; Kayal et al., 2002; Zhao et al., 2002; Wang and Zhao, 2006; Duputel et al., 2016; Amoroso et al., 2017; Pavan Kumar et al., 2017), que d’essaims sismiques de magnitude plus faible, inférieure à 5 (Parotidis et al., 2003; Hainzl, 2004; Hainzl et al., 2006; Pacchiani and Lyon-Caen, 2010; Daniel et al., 2011; Leclère et al., 2012; Duverger et al., 2015; Hainzl et al., 2016; Mesimeri et al., 2016; Shelly et al., 2016). Les réseaux sismiques étant de plus en plus nombreux et denses (en terme de nombre de capteurs), les observations détaillées, se multiplient à l’échelle crustale.

Choc principal

Les zones de subduction sont connues pour être affectées par des séismes destructeurs (Mw >7) tels que ceux de Kobe (Mw=7.2) le 17 janvier 1995 (Zhao et al., 1996), de Tohoku (Mw=9.0) le 11 mars 2011 (Simons et al., 2011) ou encore de Gorkha (Mw=7.8) le 25 avril 2015 (Duputel et al., 2016). La localisation de certains de ces grands événements sismiques peut être spatialement associée à celle de fluides (Wang and Zhao, 2006; Poli et al., 2017) comme le séisme de Fukuoka prefecture (Japon), Mw=7, le 20 mars 2005 (Wang and Zhao, 2006) ou celui de Geiyo (Philippines), Mw=6.8, le 24 mars 2001 (Zhao et al., 2002).
Le séisme de Fukuoka prefecture, de magnitude Mw=7, s’est produit le 20 mars 2005 (Wang and Zhao, 2006), au sud-ouest du Japon (Figure 2.1). En inversant les temps d’arrivée des ondes P et S, les auteurs ont déterminé un modèle en 3-Dimensions des variations de vitesses des ondes P et S et du coefficient de Poisson. Dans la zone épicentrale, les vitesses sont anormalement faibles alors que le coefficient de Poisson est relativement fort. De plus, de fortes conductivités électriques, indicatrices d’une fusion partielle ou de fluides pré-existants, ont été imagées dans la croûte inférieure et le manteau supérieur, sous la zone de nucléation du séisme. Ces trois caractéristiques (faibles vitesses d’ondes, fort coefficient de Poisson et forte conductivité) sont révélatrices de la présence de fluides dans le milieu (Eberhart-Phillips and Michael, 1993; Thurber et al., 1997). Par conséquent, le tremblement de terre de Fukuoka, se trouvant à proximité des zones présentant ces propriétés, pourrait être associé à l’existence de fluides dans cette région.
De forts séismes peuvent également se produire sur de grandes failles à l’intérieur de plaques tectoniques (Gupta et al., 1996; Kayal et al., 2002; Amoroso et al., 2017; Pavan Kumar et al., 2017). Des séismes intraplaques enregistrés en Italie (Amoroso et al., 2017) ou encore en Inde (Gupta et al., 1996; Kayal et al., 2002; Pavan Kumar et al., 2017) ont  été localisés au sein de zones contenant des fluides. Ainsi, la région de Kachchh, en Inde, est connue pour être affectée par de grands séismes tels que celui de Bhuj, Mw=7.8, le 26 janvier 2001 (Kayal et al., 2002). L’étude de la résistivité électrique du milieu (Figure 2.2a.) associée aux variations du rapport des vitesses des ondes P sur les ondes S (vP , Figure 2.2b.), a permis d’identifier les zones contenant des fluides. Or, le séisme de Bhuj se situe dans les zones de grandes conductivités et de rapport vP fort. Il peut, par conséquent, être associé à la présence de fluides dans le milieu. Il en est de même pour le séisme du 25 avril 2015 de Gorkha, en Inde, de magnitude Mw=7.8 (Duputel et al., 2016). Celui-ci se situe dans une région marquée par de forts coefficients de Poisson et un fort rapport des vitesses d’ondes P sur S, caractéristiques de présence de fluides. La région de l’Aquila, en Italie, a été frappée le 6 avril 2009 par un séisme de magnitude Mw=6.3 (Di Luccio et al., 2010). Les auteurs ont constaté une augmentation du rapport vP entre le mois d’Octobre 2008 et le 6 avril 2009. Ils l’interprétent comme étant liée à une augmentation de la pression de pore en profondeur, due à des fluides (riches en CO2), emprisonnés dans des pièges créés par les failles et structures géologiques pré-existantes. Les auteurs estiment qu’une surpression de 200 MPa a du être atteinte à 10 km de profondeur afin de déclencher ce tremblement de terre.

Les essaims sismiques

Les fluides peuvent également induire des essaims sismiques, tels que ceux observés dans la vallée de l’Ubaye en France (Daniel et al., 2011; Leclère et al., 2012, 2013). La relocalisation de 974 événements sismiques issus de la crise sismique de 2003-2004 a permis de lier le déclenchement de cette sismicité à une circulation de fluides en profondeur (Daniel et al., 2011). De plus, une orientation inappropriée des failles par rapport à l’axe principal du champ de contrainte local corrobore l’existence de surpressions de fluide ayant entraîné cette sismicité (Leclère et al., 2013).
Les essaims sismiques enregistrés entre 2000 et 2007 dans le Golf de Corinthe ont fait l’objet de plusieurs études (Bourouis and Cornet, 2009; Pacchiani and Lyon-Caen, 2010; Duverger et al., 2015). La localisation et la migration de cette sismicité en profon-deur suit des lois de diffusion des fluides. Les auteurs des études précédemment citées en ont conclu que le déclenchement de ces essaims sismiques était lié à l’existence de surpressions de fluide dans le milieu. Bourouis and Cornet (2009) ont proposé que ces surpressions proviennent soit d’infiltrations de fluides dues aux précipitations, soit de cir-culations de fluides en profondeur. Cette dernière hypothèse est privilégiée par Duverger et al. (2015), qui supposent l’existence d’un « réservoir » de fluides en profondeur (Figure 2.3), en s’appuyant également sur une étude tomographique.
FIGURE 2.3 – Modèle des interactions géologiques, hydrauliques et sismiques dans le Golf de Corinthe, d’après (Duverger et al., 2015).
L’intersection de la nappe Phyllite-Quartizte avec la faille d’Aigion créerait des couloirs per-méables permettant la diffusion de la microsismicité grâce à la présence d’un « réservoir » à forte pression de pore.
De même, la relocalisation d’un essaim sismique, s’étant produit entre mai et novembre 2014 en Californie au Sud-Est de la « Long Valley Caldera », a montré un alignement des hypocentres mais aussi une migration de ceux-ci (Shelly et al., 2016). Cette dernière peut être associée à la présence de surpressions de fluide, principalement composés d’eau et de CO2. Par ailleurs, Cappa et al. (2009) ont étudié, à l’aide d’un modèle hydromécanique 3D, l’influence de remontées de fluides riches en CO2 dans le déclenchement d’un essaim sismique à Matsushiro au Japon. Ce dernier se compose de 700000 séismes, ayant eu lieu entre 1975 et 1977. La remontée de ces fluides, à l’intersection de deux failles, conduit à une circulation de fluides en profondeur. Cette dernière créerait des surpressions de fluide, déclenchant les séismes. Ainsi, l’analyse de différents essaims sismiques de par le monde a mis en évidence le rôle de fluides dans le déclenchement de ceux-ci. Hainzl (2004) et Hainzl et al. (2006) ont également montré que l’eau de pluie était susceptible de provoquer des tremblements de terre. Ils ont ainsi mis en évidence la corré-lation temporelle existant entre le taux de sismicité et de précipitations dans le Sud-Est de l’Allemagne (Mt. Hochstaufen, Figure 2.4). L’infiltration de l’eau de pluie dans le sous-sol induirait ainsi des modifications de la pression de pore, engendrant alors une activité sismique. Cette observation est corroborée par l’étude de Rigo et al. (2008) portant sur une augmentation claire et soudaine du taux de sismicité dans la région de Nîmes, en septembre 2002. Faisant suite à d’importantes précipitations (600 mm en 28 h) ayant dévasté le territoire Occitan, ces séismes ont été interprétés comme étant la réponse de la croûte terrestre à un chargement vertical et brutal dû aux inondations.
FIGURE 2.4 – Corrélation entre précipitations et sismicité, adaptée de Hainzl et al. (2006). Le graphe (a) présente le taux journalier de précipitations sur une période de un an. Le graphe (b) montre le taux de sismicité enregistré sur la même période (histogrammes verts). La courbe rouge représente le taux de sismicité théorique déduit des précipitations de la figure (a).
Les différents exemples ci-dessus illustrent la relation entre la présence de fluides dans une région et la sismicité naturelle qui lui est associée. Par ailleurs, une sismicité, dont le déclenchement est lié partiellement ou totalement à l’intervention humaine, existe et, est dite induite. Le prochain paragraphe sera consacré à l’étude de ces séismes et leur interaction avec les fluides.

La sismicité induite par des manipulations de fluides

La sismicité induite regroupe l’ensemble des événements sismiques dont l’initiation ne peut être explicitée par des processus physiques purement tectoniques. Elle se scinde en deux catégories. La première rassemble les séismes dus à une accumulation des contraintes d’origine tectonique mais dont l’intervention humaine a hâté le déclenchement. Sans cette dernière, ces séismes se seraient produits naturellement dans un avenir plus ou moins lointain. Quant à la deuxième catégorie, elle se compose des tremblements de terre qui n’auraient jamais eu lieu sans l’intervention de l’Homme. Dans ce cas, l’accumulation et la relaxation des contraintes proviennent exclusivement des activités humaines. Ces dernières engendrent différents effets mécaniques provoquant, par la suite, la sismicité. Ainsi, (1) une augmentation de la pression de pore conduit à une diminution de la contrainte effective et favorise la rupture (Hubbert and Rubey, 1959). (2) Dans le modèle de déformation poro-élastique de Segall (1989), une augmentation de la contrainte effective conduit à une diminution du volume poreux, impliquant une compaction du réservoir. Les contraintes poro-élastiques sont alors modifiées, des séismes peuvent se produire (Segall et al., 1994; Segall and Lu, 2015; Goebel et al., 2017). Finalement, (3) Guglielmi et al. (2015a), Wei et al. (2015) et Cornet (2016) proposent qu’un mouvement asismique puisse déclencher des événements sismiques. Les séismes induits par les fluides peuvent être dus à différentes causes humaines (Figure 2.5) :
1. Par injection d’eau dans le sous-sol (Figure 2.5, à gauche)
Comme décrit dans la partie 2.1.1, la présence de fluides peut induire une certaine sismicité. Cette idée sera détaillée dans la suite de ce chapitre.
2. Par remplissage de barrage (Figure 2.5, à droite)
En 1945, Carder a mise en cause, pour la première fois, le rôle des barrages dans le déclenchement de tremblements de terre. Depuis, de nombreux séismes ont été associés à la présence de barrage. Parmi eux, se trouvent des événements sismiques de magnitude supérieure à 6 tels que celui de Hsinfengking en Chine en 1962 ou encore celui de Koyna en Inde en 1967 (Gupta, 2002).
Lors du remplissage d’un barrage, deux réponses sismiques sont observées (Simpson et al., 1988). L’une, immédiate, se produit sous le réservoir ou à proximité de celui-ci et se caractérise par des séismes assez forts (Talwani, 1997). Un manque de sismicité est toutefois observée dans la partie la plus profonde du réservoir. En effet, la mise en eau d’un barrage surcharge la zone et perturbe ainsi l’équilibre des contraintes. S’en suit alors une réponse sismique du milieu. L’autre réponse est différée dans le temps et les séismes sont généralement éloignés spatialement du barrage. Elle provient de l’infiltration et de la diffusion de l’eau dans la roche. En créant une augmentation de la pression de pore, la contrainte normale diminue le long des discontinuités géologiques, favorisant ainsi la rupture sismique.
3. Par pompage de fluides (Figure 2.5, à droite)
Les réservoirs d’extraction d’hydrocarbures peuvent être touchés par de la sismi-cité, tel que celui de Lacq en France (Grasso and Wittlinger, 1990; Grasso, 1992). Ce gisement gasier, situé dans le Sud-Ouest de la France, a été mis en production en 1957. Douze ans plus tard (1969), des séismes, se localisant selon les modèles de vitesse dans ou à proximité du réservoir, ont été observés (Segall et al., 1994). L’extraction des fluides en compactant le réservoir et modifiant la contrainte poro-élastique serait responsable de la sismicité induite (Segall, 1989). Segall et al. (1994) valide ce modèle poro-élastique en calculant la déformation et le champ de contrainte induits par l’extraction du gaz. Le déplacement vertical obtenu corrobore la sub-sidence observée du réservoir. De plus, en considérant que la contrainte principale minimale est verticale et que le glissement se produit sur les failles bien orientées dans le champ de contrainte, les zones de ruptures théoriques sont cohérentes avec la distribution spatiale de la sismicité observée. Par ailleurs, le pompage intensif d’une nappe phréatique en Espagne, pour les besoins de l’irrigation agricole, semble avoir provoqué le séisme de Lorca, le 11 mai 2011 de magnitude Mw=5.1 (Gonzalez et al., 2012).
Seuls les séismes induits par l’injection de fluide dans le sous-sol seront considérés dans la suite de cette thèse.

Observation d’une sismicité dans les zones d’injection de fluide

Les premières injections de fluide dans le sous-sol remontent à l’année 1947 et ont été effectuées par la société Halliburton aux Etats-Unis. Dès les années 1960, une relation de cause à effet fut établie entre les phases d’injection de fluide et la sismicité induite (Galley, 1968; Healy et al., 1968). Healy et al. (1968) relièrent, en effet, les crises sismiques de 1962 à 1965 aux injections réalisées par l’armée américaine à « the Rocky Mountain Arsenal ». De nos jours, les injections de fluide sont couramment utilisées par les industriels tant dans les secteurs pétroliers et miniers que géothermiques. D’importantes séquences sismiques (Mw < 6) sont enregistrées dans les zones de ces opérations.
Les réservoirs géothermiques de Soultz-sous-Forêts en France (Cornet et al., 1997; Sha-piro et al., 1999; Cornet, 2000; Cuenot et al., 2008; Calò et al., 2011; Evans et al., 2012; Schmittbuhl et al., 2014; Šílený et al., 2014; Majer et al., 2007), de Bâle en Suisse (Deich-mann and Giardini, 2009; Bachmann et al., 2011; Terakawa et al., 2012; Deichmann et al., 2014; Terakawa, 2014; Folesky et al., 2016), de Groß-Schönebeck en Allemagne (Kwiatek et al., 2010; Grünthal, 2014), de Geysers, Salton Sea et Coso en Californie (Majer and Peterson, 2007; Brodsky and Lajoie, 2013; Martínez-Garzón et al., 2013, 2014; Jeanne et al., 2015b,a; Kwiatek et al., 2015; Martínez-Garzón et al., 2016; Staszek et al., 2017; Trugman et al., 2016; Zang et al., 2014; Zhang et al., 2017) en sont des illustrations probantes. En effet, l’apparition de la sismicité se synchronise temporellement avec les périodes d’injection (figure 2.6). Il est ici présenté une expérience d’injection de fluide dans le réservoir géothermique de Soultz-Sous-Forêt, dans le puits GPK2 (Cuenot et al., 2008). Le débit et la pression de fluides injectés sont représentés en fonction du temps ainsi que le nombre de séismes se produisant par heure. La sismicité apparaît uniquement une fois l’injection commencée et se synchronise avec les montées en pression. Il est, toutefois, intéressant de noter que, malgré un débit nul marquant la fin de l’injection, la sismicité perdure pendant plusieurs jours. Elle perd toutefois en quantité bien que des séismes de magnitude supérieure à deux aient été enregistrés et ce, jusqu’à plusieurs semaines après l’arrêt des injections. Un séisme de magnitude Mw=3.7 s’est ainsi produit, en septembre 2003, deux semaines après la fin des injections dans le système géothermique de Berlín, San Salvador (Kwiatek et al., 2014). Par ailleurs, le tremblement de terre de Bâle en 2006 de magnitude ML 3.4, qui eut lieu quelques heures seulement après la fin de l’injection, a conduit à l’arrêt définitif de l’expérience (Deichmann and Giardini, 2009; Bachmann et al., 2011).
Les injections de fluide dans le cadre d’exploitations géothermiques conduisent à trois réponses du milieu. Une réponse, immédiate, se traduit par l’apparition des séismes dès la première injection. Une réponse résiduelle a lieu immédiatement après l’arrêt des injec-tions et se manifeste par l’occurrence de faibles séismes. Et finalement une des réponses semble être temporellement retardée par le déclenchement de séismes de forte magnitude, longtemps après l’arrêt des injections. Cette activité sismique a, par ailleurs, conduit à la fermeture de nombreux sites d’exploitation géothermique, comme celui de Bâle, causant de grandes pertes d’investissement. FIGURE 2.6 – injection de fluide et sismicité induite dans le réservoir géothermique de Soulz-Sous-Forêts. Figure extraite de Cuenot et al. (2008).
Le débit injecté (courbe noire) et le nombre d’événements par heure (histogrammes gris) ainsi que la pression mesurée (courbe noire) en tête de puits sont représentés en fonction du temps pour le puits GPK2.
Les opérations d’injections de fluide (fracturation hydraulique ou eaux usées), effec-tuées dans le cadre de l’exploitation pétrolière, semblent également être à l’origine de la sismicité mesurée dans certaines régions (Fischer et al., 2008; Deng et al., 2016; Ellsworth, 2013; Maxwell, 2013; Stabile et al., 2014; Ellsworth et al., 2015; Walsh and Zoback, 2015; Wang et al., 2016; Weingarten et al., 2015; Maghsoudi et al., 2016; Walsh and Zoback, 2016; Schultz et al., 2017; van der Baan and Calixto, 2017). Les fracturations hydrauliques sont réalisées dans des roches argileuses et induisent des micro-séismes de magnitude gé-néralement inférieure à 1 (Ellsworth, 2013). Le plus grand séisme connu provoqué par une fracturation hydraulique a une magnitude MW =3.9 et s’est produit à l’est de Fox Creek, en Alberta au Canada (Bao and Eaton, 2016). Les injections d’eaux usées, quant à elles, mettent en jeu des volumes d’eau plus importants que les fracturations hydrauliques et les injections sont plus profondes. Une intense activité sismique est observée en réponse à ces injections d’eaux usées (Ellsworth, 2013). Plusieurs états des Etats-Unis ont vu une forte augmentation de leur taux de sismicité (Ellsworth, 2013; Ellsworth et al., 2015) depuis le début des injections (Figure 2.8) : l’Oklahoma (Keranen et al., 2013, 2014), le Texas (Frohlich et al., 2011; Frohlich and Brunt, 2013), l’Ohio (Kim, 2013), le Colorado (Ake et al., 2005), l’Arkansas (Horton, 2012) ou encore le Nouveau Mexique (Rubinstein et al., 2014). Le même constat a également été fait au Canada en Alberta (van der Baan and Calixto, 2017).
Les injections de fluide réalisées pour la production d’hydrocarbures dans les zones citées ci-dessus sont suspectées d’être responsables de cette sismicité (House and Flores, 2002; Rutledge et al., 2004; Keranen et al., 2013; Stabile et al., 2014; Hornbach et al., 2015; Walsh and Zoback, 2015; Weingarten et al., 2015). En effet, cette dernière peut se situer à proximité des puits d’injection (Frohlich and Brunt, 2013; Keranen et al., 2013; Kim, 2013), rendant ainsi plus facile l’identification de ces séismes comme étant induits par les fluides. A titre d’exemple, dans l’étude de Weingarten et al. (2015), les séismes se produisant dans un rayon de 15 km autour d’un puits d’injection sont considérés comme étant dus au puits en question. Ces 15 km sont la somme des 10 km d’incertitude de la localisation des séismes et des 5 km de rayon dans lequel les séismes sont considérés comme potentiellement induits. Par ailleurs, House and Flores (2002) a observé une syn-chronisation temporelle entre les variations de pression des injections et les variations dans l’occurrence de la sismicité (Figure 2.7). Les pics de pression sont parfaitement corrélés avec l’augmentation du nombre de séismes alors que les diminutions de pression corres-pondent à des périodes sans sismicité. Le milieu répond immédiatement sismiquement à l’injection de fluide, dans ce champ d’exploitation.
Il arrive néanmois qu’une sismicité inhabituelle ne soit mesurée que plusieurs années après les premières opérations d’injections. Ainsi le premier séisme enregistré à proximité de Prague en Oklahoma ne l’a été que dix-sept ans après les premières injections (Keranen et al., 2013). Quant aux premiers séismes induits dus à l’exploitation du champ de Cogdell au Texas, ils ne furent observés que vingt ans après la mise en production (Davis and Pen-nington, 1989). De plus, la sismicité induite par ces injections peut également se produire à plus grande distance des puits d’injection (Goebel et al., 2016). La réponse sismique du milieu peut, par conséquent, être retardée dans le temps et éloignée spatialement des puits d’injection.
La figure 2.8 présente l’évolution du nombre de séismes annuel de magnitude supérieure à 3 de 1973 à 2016 dans le centre des Etats-Unis (www.earthquake.usgs.gov). De 1973 à 2008, 855 séismes de magnitude supérieure à 3 sont enregistrés alors qu’ils sont 2310 à être détectés entre 2009 et 2013. Le taux de sismicité annuel a, par conséquent, drastiquement augmenté à partir de 2009, ainsi que le montre l’évolution des courbes bleues et rouges.
La figure (a) présente le nombre d’événements sismiques enregistré par heure et le graphe (b) l’évolution de la pression injectée en fond de puits sur la même période. Une corrélation entre les augmentations et diminutions de pression et le nombre de séismes est à noter.
Des régions peu sismogènes telles que l’Oklahoma se trouvent à présent être des zones sismiques. Il faut, toutefois, prendre en compte le développement de nombreaux réseaux sismiques dans ces régions, depuis 1973. L’augmentation du nombre de capteurs ainsi que leur sensibilité a, sous doute, permis de détecter davantage de séismes et de magnitude plus faible. Toutefois, seuls les séismes de magnitude supérieure à 3 sont pris en compte ici, afin de limiter l’impact de la densité de réseau. En effet, ils sont considérés comme ayant été détectés bien que la couverture sismique fût moins importante qu’actuellement. Ainsi, le seul déploiement de nombreux réseaux ne permet d’expliquer une telle augmentation (facteur 3) du taux de sismicité. Par ailleurs, que la sismicité puisse se produire plusieurs années après le début des injections et parfois à plusieurs kilomètres des puits, ne rend pas évidente la corrélation entre injection et sismicité. Les fractures peuvent néanmois permettre la circulation des fluides en profondeur et diffuser des pressions de pore à plusieurs kilomètres du lieu d’injection, créant ainsi des séismes (Goebel et al., 2016). La réponse sismique du milieu est donc retardée par rapport au début des injections. Dans ce cas, comment appréhender le risque sismique lié aux injections ?

Table des matières

1 Introduction générale 
2 Etat de l’art sur les interactions entre fluides, sismicité et déformation asismique 
2.1 Observation d’une sismicité dans les zones contenant des fluides
2.1.1 La sismicité naturelle liée aux fluides
2.1.1.1 Choc principal
2.1.1.2 Les essaims sismiques
2.1.2 La sismicité induite par des manipulations de fluides
2.1.2.1 Observation d’une sismicité dans les zones d’injection de fluide
2.1.2.2 Volume de fluide injecté et magnitude des séismes induits
2.2 Observations des relations entre les fluides et les déformations asismiques
2.2.1 Observation d’une déformation asismique dans les zones contenant des fluides
2.2.1.1 Marqueurs de la déformation asismiques : Slow Slip Events (SSE) et Trémors
2.2.1.2 Déformation asismique observée dans des zones de présence de fluides
2.2.2 Déformation asismique observée dans des zones d’injection de fluide
2.3 Modèles mécaniques et hydromécaniques
2.3.1 Critères de rupture
2.3.1.1 Les fluides favorisent l’initiation de la rupture sismique
2.3.1.2 Lois de friction
2.3.2 Couplages hydromécaniques
2.3.2.1 Couplage hydromécanique dans les roches fracturées : définition
2.3.2.2 Relation entre la pression injectée, les couplages hydromécaniques, et la localisation de la sismicité induite lors d’injection de fluide
2.3.2.3 Les mouvements asismiques peuvent-ils déclencher une rupture sismique ?
2.4 Enjeux et objectifs de cette étude : Mieux comprendre les interactions entre les fluides, la sismicité, la déformation et la géologie des failles
2.4.1 Récapitulatif et problèmatique
2.4.2 Expériences décamétriques
2.4.3 Les moyens mis en oeuvre pour répondre à cette problèmatique
3 Expériences in-situ et données expérimentales 
3.1 Introduction
3.2 Le site expérimental : localisation, géologie et hydrogéologie
3.2.1 Le Laboratoire Souterrain à Bas Bruit – LSBB : un site expérimental, labellisé CNRS/INSU
3.2.2 Le contexte géologique du bassin du Sud-Est de la France
3.2.3 Le site d’étude : le LSBB
3.2.3.1 Contexte géologique
3.2.3.2 Contexte hydrogéologique
3.2.4 La Galerie Anti-Souffle ou GAS
3.2.4.1 Contexte géologique
3.2.4.2 Contexte hydrogéologique et mécanique
3.2.4.3 Aménagement de la galerie
3.3 Principe expérimental et instrumentation
3.3.1 Principe et protocole expérimental
3.3.1.1 La sonde SIMFIP et son fonctionnement
3.3.1.2 Protocole expérimental
3.3.2 Instrumentation de surveillance
3.3.2.1 Le suivi sismique
3.3.2.2 Le suivi dans les domaines quasi-statiques et acoustiques
3.3.3 Mesure des variations de vitesses des ondes sismiques
3.3.4 L’acquisition des données
3.4 Les expériences détaillées
3.4.1 Introduction aux injections
3.4.2 Description test par test
3.4.2.1 Test 1 : Injection dans un joint de stratification (Pmax = 1.97 MPa)
3.4.2.2 Test 2 : Injection entre un joint de stratification et une fracture (Pmax = 4.86 MPa)
3.4.2.3 Test 3 : Injection dans une fracture (Pmax = 5.36 MPa)
3.4.2.4 Test 4 : Injection dans un karst
3.4.2.5 Tests 5, 6 et 7 : Injection dans une zone de faille très fracturée (Pmax = 2.42 MPa)
3.4.2.6 Test 8 : Injection dans des fractures (Pmax = 5.3 MPa)
3.4.2.7 Test 9 : Injection dans un joint stratigraphique et des fractures (Pmax = 5.93 MPa)
3.4.2.8 Test 10 : Injection dans une roche quasiment saine (Pmax = 5.98 MPa)
3.4.2.9 Test 11 : Injection dans une fracture (Pmax = 5.89 MPa)
3.4.3 Synthèse sur les expériences d’injections
3.4.3.1 Synthèse sur les structures géologiques testées
3.4.3.2 Synthèse sur les régimes hydrauliques observés lors des tests
3.5 Tirs de calibrations sismiques
3.5.1 Obtention et utilité des tirs de calibration
3.5.2 Réponse des différents capteurs sismologiques
3.5.2.1 Réponse des accéléromètres
3.5.2.2 Réponse des géophones
3.5.2.3 Comparaison des réponses des accéléromètres et des géophones
3.5.3 Vitesse des ondes P et des ondes S dans le milieu
3.5.3.1 Estimation des vitesses des ondes P et des ondes S à partir des tirs de calibration
3.5.3.2 Comparaison avec les vitesses obtenues en laboratoire
3.6 Conclusion
4 Méthodes de traitement des données sismiques 
4.1 Détection des événements sismiques
4.1.1 Principe de la technique de détection utilisée
4.1.2 Famille d’événements
4.2 Localisation des événements sismiques
4.2.1 Les données requises pour réaliser la localisation
4.2.1.1 Obtention des données nécessaires à la localisation des événements sismiques
4.2.1.2 Les différents poids associés aux données
4.2.2 La localisation
4.2.2.1 Un modèle de vitesse homogène
4.2.2.2 Fonction RMS et pondération des différents types de données
4.2.2.3 Détermination de l’emplacement d’un événement sismique grâce à une recherche par grille
4.2.2.4 Tests et validité de la méthode
4.2.3 Conclusion sur la méthode de localisation
4.3 Paramètres de la source sismique
4.3.1 Détermination des magnitudes par analyse spectrale
4.3.2 Estimation des chutes de contrainte
4.3.3 Calcul des mécanismes au foyer à partir du logiciel HASH
4.4 Détermination de l’état de contrainte
4.5 Conclusion
5 Une déformation asismique comme réponse du milieu à une stimulation hydraulique 
5.1 Résumé en français de l’article
5.2 Abstract
5.3 Introduction
5.4 Geological and experimental settings
5.4.1 Geology and properties of the tested fault zone
5.4.2 Instrumental device and injection protocol
5.5 Methods
5.6 Results
5.6.1 Contrasted borehole wall hydromechanical responses
5.6.2 Induced seismicity
5.7 Discussion
5.7.1 A large contribution of the aseismic deformations
5.7.2 Seismicity control by fluid diffusion or by stress perturbation through failure ?
5.7.3 Seismicity : an indirect effect of an aseismic motion ?
5.8 Conclusion
5.9 Acknowledgments
5.10 Supplementary material
5.10.1 Introduction
5.10.2 Figures et tables
5.11 Compléments sur les signaux basses-fréquences
5.11.1 Détection sur les géophones
5.11.2 Identification des signaux : artefacts ou séismes ?
5.11.3 Exemple du processus de traitement sur le Test 9
5.11.4 Conclusion
6 Processus régissant la sismicité induite : transfert de contraintes et/ou diffusion fluides ? 
6.1 Résumé en français
6.2 Abstract
6.3 Introduction
6.4 Geological and experimental settings
6.4.1 General geology and properties of the tested fault zone
6.4.2 General experimental settings and Previous results from Duboeuf et al. (2017)
6.5 Methods
6.5.1 Computing the regional stress state
6.5.2 Computing focal mechanisms using HASH software
6.5.2.1 Principal : HASH software : working and advantages
6.5.2.2 Double-couple (DC) assumption
6.5.3 Computing stress state using focal mechanisms
6.6 Results
6.6.1 Fractures orientation relatively to the regional stress state
6.6.2 Focal mechanisms compared to the known geological structures
6.6.3 Stress state
6.6.3.1 Focal mechanim inversions determined different stress states
6.6.3.2 Tunnel, geology, fluid injections, or aseismic motion influence the stress state rotation ?
6.6.4 Seismic and hydromechanical parameters
6.7 Scenarii and Discussion
6.7.1 Test 2
6.7.1.1 Detailed geological, seismic, hydrological and mechanical data
6.7.1.2 Focal mechanisms
6.7.1.3 Scenario and Discussion
6.7.2 Test 9
6.7.2.1 Detailed geological, seismic, hydrological and mechanical data
6.7.2.2 Focal mechanisms
6.7.2.3 Scenario and Discussion
6.8 Discussion
6.8.1 Seismic and Aseismic deformations : friction, fluids, or stress control ?
6.8.1.1 What controlled mechanisms for aseismic motions ?
6.8.1.2 Does friction control the seismicity ?
6.8.1.3 Both fluid and stress controlled the seismicity ?
6.8.1.4 Seismicity controlled by the aseismic slip ?
6.9 Conclusion
7 Discussion, Conclusion et Perspectives 
7.1 Résumé des principaux résultats obtenus dans cette thèse
7.2 Comparaison entre les différentes échelles de mesures
7.2.1 Déformation asismique
7.2.1.1 Répartition de la sismicité
7.2.1.2 Estimation du pourcentage de déformation dû aux injections de fluide
7.2.1.3 Relation entre volume injecté et magnitude
7.2.2 Contrôle de la sismicité par transfert de contraintes ou diffusion des fluides ?
7.2.3 Rotation de l’état de contrainte et ré-activation de fractures
7.3 Sismicité déclenchée par le mouvement asismique ?
7.4 Perspectives
7.4.1 Indicateurs de déformation asismique ou sismique ?
7.4.1.1 Les signaux basses fréquences
7.4.1.2 Chutes de contrainte très faibles
7.4.1.3 Une b-value inexpliquée
7.4.2 Amélioration de la compréhension des couplages hydromécaniques par modélisation numérique
7.4.3 Calcul des contraintes de Coulomb
7.5 Conclusion générale

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