L’architecte et le budget approche théorique

Pour mieux comprendre le rapport qui lie l’architecte à la maîtrise du budget, il nous semblait important de s’intéresser d’abord au cadre dans lequel s’inscrit ce rapport. L’approche du budget est principalement liée à deux paramètres : les interactions entre les acteurs de la construction et le cadre juridique. Nous avons donc tenté de cerner au mieux ces deux thématiques grâce à une première approche théorique.

Tout d’abord, certaines données ont été recueillies préalablement à l’enquête de terrain. Si celles-ci nous ont permis une première familiarisation avec le thème, elles nous ont également aidé à progresser dans la définition d’un sujet d’étude plus large qui est à la base de ce travail. D’une part, ces informations étaient relatives à l’association des Architectes bâtisseurs qui présente un modèle original en matière de gestion de budget ; d’autre part, elles concernaient les interactions entre acteurs de la construction qui pourraient également avoir une influence sur cet aspect. Il s’agira d’abord de présenter les différents systèmes de coopération pouvant exister entre les acteurs concernés. Cela nous permettra ensuite d’analyser pour chacun les avantages et les faiblesses qu’ils présentent.

Ensuite, en parallèle de l’enquête de terrain, nous avons effectué des recherches en lisant des articles, des éléments de jurisprudence et des ouvrages traitant de la responsabilité de l’architecte face au budget. L’analyse de ces différentes sources permet d’établir le cadre juridique afin de mieux cerner les moyens dont disposent un architecte ainsi que les limites auxquelles il est soumis pour tendre vers une estimation judicieuse du prix remis au maître d’ouvrage.

Pour nous aider dans cette recherche juridique, nous avons pris contact avec un avocat expert en construction et droit de l’architecture. À partir du constat qu’il n’existe pas d’Articles de loi concernant ce sujet précis, nous avons fait un relevé succinct de la jurisprudence applicable et de ses implications concrètes en matière de maîtrise de budget par l’architecte.

Ces informations récoltées vont favoriser la bonne compréhension du contexte de l’enquête de terrain qui sera développée dans un second temps. Elles seront également mises en lien avec l’analyse des données des entretiens.

Interaction entre les acteurs de la construction 

La construction est un domaine assez large dans lequel interagissent différents acteurs. Pour cette étude, nous en distinguerons principalement trois : le maitre de l’ouvrage (le client), le maitre d’œuvre (l’architecte) et l’entreprises de construction (l’entrepreneur).

Pour commencer, le maitre de l’ouvrage est l’acteur pour lequel un projet est mis en œuvre. Il doit s’assurer de disposer des fonds nécessaires pour faire aboutir ce projet et fournir toutes les informations utiles aux différents intervenants de la construction pour l’élaboration et la réalisation du projet. Il est également soumis à des dispositions d’ordres publics qui l’obligent à recourir à un architecte pour l’établissement des plans et le contrôle des travaux pour lesquels les lois, arrêtés et règlements imposent une demande préalable d’autorisation de bâtir . Soit il s’agit d’un maitre d’ouvrage public (ex : le maire d’une ville), soit d’un maitre d’ouvrage privé. Cette dernière catégorie peut encore être subdivisée en deux sous-catégories: d’un côté les personnes physiques (ex: un particulier) et de l’autre les personnes morales (ex : une entreprise).

Lorsque le client a fixé le programme et l’enveloppe budgétaire, il fait appel aux maitres d’œuvres dont l’architecte est le premier représentant (d’autres acteurs comme les ingénieurs pour l’étude technique font partie de la maitrise d’œuvre). L’architecte est en charge de la conception (établissement des plans du projet en vue de l’obtention du permis de construire) et du contrôle des travaux. Il est également tenu d’un devoir de conseil envers le maitre de l’ouvrage pour l’avertir des avantages et inconvénients de chaque opération.

Et enfin, une fois le permis délivré, le maitre de l’ouvrage fait appel à un ou plusieurs entrepreneurs. Ces derniers sont responsables de la bonne exécution des travaux dans les délais impartis et d’un devoir de conseil envers le maitre de l’ouvrage.

Un chantier est subdivisé en plusieurs lots. Le client peut soit faire appel à un entrepreneur général qui s’occupera de l’ensemble des travaux (avec toutes les compétences nécessaires en interne ou en sous-traitant certains lots à des partenaires), soit à plusieurs entreprises séparées pour chacun des lots du chantier. Dans ce dernier scénario, le client aura à faire à plus d’un interlocuteur et la gestion de chantier nécessitera plus d’attention.

La conception, l’élaboration et la réalisation de tout projet de construction va donc dépendre notamment de l’interaction et la collaboration entre ces différents acteurs. Ceux-ci n’ont pas le même rapport à la notion de budget et en auront une approche différente. Pourtant ce budget a des limites plus ou moins déterminées et il faudra que les différents acteurs s’accordent pour la concrétisation du projet dans le cadre de ces limites.

Il est donc intéressant de comprendre sur quels modèles peuvent se fixer ces interactions pour fonctionner efficacement. Nous tentons ici d’en cerner les avantages et les limites.

Aujourd’hui, le processus de conception des ouvrages dans le secteur de la construction en Belgique est principalement régi par le modèle séquentiel où maîtres d’ouvrage, architectes et entreprises se confrontent successivement à un même projet, sans qu’il n’y ait réflexion et collaboration communes.

Ce modèle séquentiel facilite pourtant la gestion d’un projet en le décomposant en étapes très structurées au sein desquelles les limites et les responsabilités de chacun sont facilement identifiables. Cela permet aussi aux architectes de se centrer sur leur domaine de compétences et de pouvoir développer une expertise encore plus pointue. Toutefois, dès que le projet devient complexe, cette manière de procéder présente des failles quant à la qualité de la conception. En effet, un tel découpage des compétences et des responsabilités n’est jamais aussi «hermétique» dans la réalité. Le manque de communication ou de transversalité entre les différents acteurs peut amener aussi des conséquences néfastes en termes de perte d’informations et de maitrise des coûts . De plus, lorsque les responsabilités sont moins partagées, cela a des conséquences sur la prise de risque à laquelle chacun veut bien consentir et cela peut être aussi source de résistances concernant l’assimilation de toute innovation . Pour tenter de résoudre ces difficultés – du moins en partie –, une évolution du modèle séquentiel semble nécessaire et impliquerait vraisemblablement une refonte des modalités de collaboration entre les différents partenaires. Ce constat ne date pas d’aujourd’hui et des initiatives pour faire évoluer le modèle séquentiel ont déjà eu lieu. Aux Pays-Bas, on citera les «bouwteam», équipes associant concepteur et entrepreneur autour de la seule conception du projet. Dans les pays anglo-saxons, le concept des «design-builder» permet au maître d’ouvrage d’interagir avec une seule entité concepteur-entrepreneur depuis la conception du projet jusqu’à sa réalisation .

En Belgique, les tentatives d’assouplissement de ce découpage séquentiel se heurtent à certaines législations :

– L’article 6 de la loi de 1939 sur la protection du titre et de la profession d’architecte définit que «l’exercice de la profession d’architecte est incompatible avec celle d’entrepreneur de travaux publics ou privés».
– L’article 5 de la loi du 17 Juin 2017 relative aux marchés publics énonce qu’aucun marché public de travaux ne peut faire l’objet d’une limitation de la concurrence lors de la passation. La concurrence est considérée comme limitée lorsqu’un marché est conçu dans l’intention de favoriser ou de défavoriser certains opérateurs économiques (dans ce contexte, ce terme représente les entreprises de construction). La consultation d’entreprises est donc interdite si ces dernières veulent participer au marché.

Le cadre légal belge ne permet donc pas une application stricte du modèle concourant. Cette situation n’empêche pas pour autant que des modalités spécifiques soient imaginées dans le but de dépasser ce cadre. Nous découvrirons plus loin dans l’enquête de terrain que des systèmes inspirés des «bouwteam» sont parfois aussi mis en place dans notre pays.

Table des matières

2. Introduction
3. L’architecte et le budget : approche théorique
3.1 Interaction entre les acteurs de la construction
3.2 Cadre juridique
3.2.1 Le contrat
3.2.2 Le contrat d’architecture et le budget
3.2.3 Le budget dans le contrat d’architecture
3.2.4 Dépassements de budget
3.2.5 Le «pré-contrat»
3.2.6 Les honoraires de l’architecte et le budget
4. L’architecte et le budget : enquête de terrain
4.1 Méthodologie
4.2 Contextualisation et mise en perspective des projets discutés
4.3 L’approche du budget par l’architecte
4.3.1 Résultats d’enquête
4.3.2 Analyse des données
4.4 La responsabilité du maintien du budget par l’architecte
4.4.1 Résultats d’enquête
4.4.2 Analyse des données
4.5 Discussion sur les Architectes bâtisseurs
4.5.1 Résultats d’enquête
4.5.2 Analyse des données
5. Conclusion

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