Le préalable aux revirements de jurisprudence

Le préalable aux revirements de jurisprudence

Alors qu’au XIXème siècle, le rôle du juge est réduit à son minimum, le XXème siècle s’est ouvert sur les interrogations de la doctrine quant à la mission réelle du juge. En effet, s’il est reconnu au juge le pouvoir d’interpréter la loi, doit-on pour autant, en déduire qu’il dispose de la possibilité de poser des règles de droit lorsque cette dernière se révèle insuffisante ? Et par delà, peut-on considérer que la jurisprudence est une source du droit et donc, que lorsqu’il y aura un revirement de jurisprudence, il y aura modification d’une règle de droit? Le professeur JESTAZ a justement écrit : « à peine a-t-on formulé cette horrible question qu’on se hâte de répondre par la négative. Pourtant les mêmes professeurs qui viennent de clore ainsi le débat se rendent dans les amphithéâtres où ils enseignent la jurisprudence à leurs  77. Reconnaître à la jurisprudence le caractère de source du droit, c’est reconnaître qu’une règle générale puisse naître de décisions particulières. Mais « comment passer de la répétition de décisions judiciaires semblables, qui n’est qu’un fait, à une règle juridique, comment du fait, faire jaillir l’obligation ou encore, de conscience de la nature réelle de son travail : « quiconque est investi de l’autorité absolue pour interpréter les lois écrites ou orales, celui-là est le véritable législateur, et non celui qui le premier a écrit ou proclamé ces lois, a fortiori, quiconque est investi de l’autorité absolue non seulement pour interpréter le droit.

Classiquement, il était considéré que le juge devait faire appel au syllogisme pour remplir sa mission. Or, ce dernier va s’avérer insuffisant lorsque le juge doit faire œuvre de création : il ne peut y avoir uniquement interprétation syllogistique lorsque le pouvoir du juge dépasse le cadre de la simple interprétation. Par conséquent, le juge ne pourra faire directement appel au syllogisme lorsqu’il crée du droit : le recours au syllogisme ne sera ainsi que la troisième phase de la réflexion du juge dans ce cas là, la première étant l’étude de la loi ou de la jurisprudence et la constations de son imperfection, et la deuxième la création ou la modification de la règle jurisprudentielle. Ce n’est qu’alors que le juge va pouvoir faire appel au syllogisme. 85. Cependant, reconnaître au juge le pouvoir de créer du droit amène la question des dérives pouvant découler d’un tel pouvoir. En effet, à la différence des lois qui sont adoptées après d’âpres discussions par un nombre conséquent d’individus, la jurisprudence va naître de la décision d’une poignée de juges. Comment alors être certain qu’ils ne dériveront pas vers l’arbitraire et que lorsqu’un revirement de jurisprudence interviendra, il sera réellement justifié (B) ?

La mission contemporaine du juge de cassation

RIPERT estime que « quand on continue à parler d’interprétation du droit, c’est parce que, plus ou moins confusément, demeure chez certains l’idée que le droit positif n’est pas tout le droit. Il y aurait alors, au-dessus ou tout au moins en dehors des lois, un droit dont le juge aurait la possibilité de dégager les règles. Comme ces règles ne seraient connues que par la décision du juge chargé de les appliquer, la jurisprudence apparaîtrait comme une source (du) droit. Les décisions de justice rendraient visibles aux intéressés les règles de droit jusqu’alors ignorées, et les modifications qu’elles subissent sans cesse. Une telle conception est inconciliable avec le positivisme juridique. Il n’existe pas d’autre droit positif que celui qui est établi par le pouvoir, sous la forme d’une loi ou d’un acte ayant valeur de loi. Le pouvoir d’interprétation du juge consiste simplement à dégager nettement le sens du texte, et, par conséquent, à préciser la règle. Donner une règle nouvelle supposerait un contrôle192. Ainsi, concernant la théorie de la peine justifiée193, elle n’a pas transmis la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel au motif que « la question ne présente par un caractère sérieux en ce qu’elle critique non pas l’article 598 du code de procédure pénale mais la « théorie de la peine justifiée ».

 

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