Les écritoires néoclassiques françaises

Les écritoires néoclassiques françaises

L’écritoire ou l’union du fonctionnel avec l’esthétique

Comme la majeure partie des objets appartenant au domaine des arts décoratifs, l’écritoire a cette particularité d’allier l’utilité et l’esthétisme. Très courant dans les intérieurs du XVIIIe et XIXe siècles, elles furent conquises par l’art des orfèvres, des bronziers et des ébénistes qui ont inlassablement concouru avec virtuosité à agrémenter et rendre plus agréable ces objets du quotidien. L’écritoire se voulait de plus en plus somptueuse surtout quand elle était choisie comme « présent diplomatique », une fonction, nous le verrons, assez fréquente.

Un objet fonctionnel

L’écritoire est en quelque sorte l’objet intermédiaire entre la pensée du scripteur et le moment précis où il va transcrire sa réflexion sur le papier. Le premier des rôles de cet objet est donc de mettre à la disposition de l’écrivain l’ensemble des outils d’écriture et d’en faciliter l’emploi afin d’assister au mieux l’homme ou la femme de lettre dans son processus de création littéraire.

Un Ouvrage de rangement, réunissant une diversité d’outils d’écriture

Quelle soit de composition simple ou complexe, toute écritoire qui se respecte possède obligatoirement un encrier. Elément phare de l’ouvrage, il servait, comme son nom l’indique, à contenir l’encre, une préparation noire ou colorée indispensable à l’acte d’écrire. Souvent en métal, le godet à encre était fermé par un couvercle repercé au centre d’une large ouverture pour pouvoir tremper la plume. Quelques-uns de ces récipients étaient en faïence ou en porcelaine, puis, au cours du XVIIIe siècle c’est généralisé l’emploi des godets en verre ou en cristal. Les avantages de ces matières étaient doubles, elles assuraient une meilleure conservation de l’encre et leur transparence permettait d’apprécier le niveau du liquide36. Soit l’encrier était posé simplement sur le plateau ou le coffre de l’écritoire, soit il était inséré dans l’épaisseur du support de sorte que seul le couvercle était visible (Cat. n° 7. b.). 36 Rentrant dans la composition chimique de l’encre, le sulfate de fer provoquait par son acidité une corrosion du métal et altérait la qualité de l’encre. C’est principalement pour cette raison qu’on utilisa davantage les godets en verre, une matière inoxydablePour les écritoires les plus sommaires, l’encrier était accompagné au minimum d’un piqueplume ou d’un plumier, voire des deux (Cat. n° 19 ; n° 20). Le pique-plume est un trou ou un goulot étroit dans lequel la plume était plantée et maintenue à la verticale. Une écritoire en comptait parfois plusieurs, mais encore, il était fréquent de trouver ces petits emplacements intégrés au couvercle de l’encrier. Le plumier ou repose-plume correspond à un espace incurvé, plus ou moins profond et large, occupant généralement le devant de l’écritoire, et dans lequel se déposaient à l’horizontale les plumes. Parallèlement à une production d’ouvrages assez simples, se fabriquaient au contraire des écritoires davantage élaborées, portant de nombreux godets aux formes variées et aux fonctions bien définies. Par exemple, sur la majeure partie des écritoires parvenues jusqu’à nous, nous retrouvons une boîte à sable, appelée aussi poudrier37. Habituellement de formes et de matériaux identiques à l’encrier, le poudrier allait de paire avec ce dernier, de sorte qu’il formait son pendant. Fermé par un couvercle perforé, il permettait au scripteur de saupoudrer sa feuille manuscrite de sable ou de poudre afin d’accélérer le séchage de l’encre. D’autres godets ou supports présents sur l’écritoire pouvaient être destinés à recevoir les éponges, qui permettaient à l’épistolier d’enlever l’excès d’encre de sa plume ou de la nettoyer. Mais encore, certains d’entre eux pouvaient contenir les pains de cire pour cacheter les lettres, ou servir tout simplement de réceptacles de rangement pour une multitude de petits outils tel que le « canif », servant à tailler les plumes d’oie, le « grattoir » qui permettait de gratter une écriture ou une tache d’encre pour l’effacer de la feuille, ou encore le poinçon, instrument en métal utilisé pour imprimer une marque sur la cire qui scellait une lettre38. Pour une certaine catégorie d’écritoire, l’ensemble de ces petits accessoires d’écriture étaient rangés dans un tiroir frontal ou latéral qui s’ouvrait généralement au niveau de la ceinture de l’ouvrage. A ce propos, ces tiroirs dans lesquels on pouvait, selon la grandeur, y ranger du papier, donnaient véritablement à l’écritoire l’apparence d’un petit meuble (Cat. n° 16 ; n° 26). Sur quelques rares œuvres nous voyons encore une sonnette de bureau qui servait à appeler le domestique dès que la missive était prête (Cat. n° 4 ; n° 13). Cette sonnette et surtout sa fonction peuvent ainsi nous éclairer sur l’identité du propriétaire de l’écritoire, en nous suggérant notamment que ce dernier faisait probablement partie d’une classe sociale aisée.  Selon l’activité et les besoins personnels du propriétaire, l’écritoire pouvait contenir encore une multitude de petits accessoires allant des simples ciseaux et couteaux, en passant par des étuis à cire (dont le décor pouvait être dans le goût de l’écritoire) ou des outils plus spécifiques comme des règles, des compas, etc. Hormis l’encre, d’autres substances utiles à l’écrivain pouvaient être contenues dans des réceptacles comme par exemple, la « sandaraque », une résine qu’on appliquait sur le papier ayant été gratté lors d’une correction, afin de l’empêcher de boire. 14 également l’existence d’œuvres munies d’un ou plusieurs bougeoirs (Cat. n° 26 ; n° 37), mais encore, de presse-papiers qui habituellement allaient par paire. Souvent perdus, ces petites masses lourdes qui maintenaient le papier sont toujours visibles sur deux ouvrages de style Empire de Pierre-Philippe Thomire et Jean-Baptiste Claude Odiot (Cat. n° 28 et n° 36. b). Ainsi, nous constatons combien les écritoires pouvaient être d’une composition complexe et rassembler une multitude d’outils plus utiles les uns que les autres. Cette complexité est particulièrement visible au niveau de l’écritoire de Tchesmé (Cat. n° 5). Commandée par Catherine II de Russie à l’orfèvre parisien Augustin de Mailly en 1774, cet ouvrage est très certainement l’écritoire la plus ingénieuse connue à ce jour. Effectivement, en plus du traditionnel encrier, poudrier et boîte à éponges, elle possède des « secrets », deux flambeaux, un garde-vue – dont nous voyons toujours au centre la tige qui soutenait l’écran préservant la vue de la lumière – et surtout elle dispose d’une pendule, un élément plutôt rare pour une écritoire, nous confirmant par ce fait, son caractère exceptionnel. Ainsi, en portant et en assurant le rangement de nombreux outils, l’écritoire remplit une de ses principales fonctions, celle de faciliter et rendre confortable l’action d’écrire. Cet aspect fonctionnel est également visible dans les formes diverses que revêt notre objet d’art. Nous allons justement voir que les profils mais aussi les dimensions des écritoires semblent donner des informations sur la façon dont elles étaient utilisées par leurs propriétaires.

Un objet pratique : différentes formes pour différents usages

En ce qui concerne l’utilisation de l’écritoire nous pourrions déterminer deux catégories : celle des écritoires qui ont vocation à rester fixes et celle des écritoires pouvant au contraire être aisément mobiles. Il faut encore, nous semble t-il, distinguer les ouvrages utilisés par une personne et ceux qui pourraient avoir un usage collectif. Pour les écritoires rectangulaires –forme la plus répandue pour ces ouvrages– et de grandes dimensions, nous pouvons penser que la maniabilité n’était pas leur caractéristique première. Prenons l’exemple de l’écritoire attribuée au bronzier français Pierre Gouthière des années 1770-1780 (Cat. n° 7), la longueur et la profondeur imposante de l’ouvrage, mais aussi son poids probablement important aux vues des matériaux employés – lapis-lazuli et bronze–, donnent à penser que l’objet était destiné à un bureau de grande taille et ne devait que très rarement être déplacé. D’autres oeuvres comme l’Ecritoire avec « Le Baiser » de Houdon d’époque Louis XVI (Cat. n° 12), l’Ecritoire du roi Jérôme de Odiot (cat. n° 29) ou 15 l’Ecritoire à la figure féminine ailée de l’époque Empire (Cat. n° 32) semblent là encore nous confirmer que ces ouvrages massifs, volumineux, restaient en permanence sur la table de travail pour laquelle ils étaient prévus. Nous pouvons encore suggérer que sur les bureaux, ils se positionnaient en face de l’épistolier afin de lui mettre commodément à porté de main les outils d’écriture. Toujours pour les œuvres de forme rectangulaire, il existe un type d’ouvrage proche du coffret, assez simple, en matériaux légers et de dimensions modestes, qui semble plus facilement mobile, à l’image par exemple de l’écritoire de la collection Calouste Gulbenkian (Cat. n° 2), ou bien celle fabriquée par l’ébéniste Philippe-Claude Montigny (Cat. n° 6). Le caractère transportable de ces « coffret-écritoires » est clairement affirmé par deux objets : l’Ecritoire du musée des arts décoratifs de Buenos-Aires (Cat. n° 14) et l’Ecritoire de Marie Antoinette au Petit Trianon, chacune munie d’une poignée. Au XVIIIe et XIXe siècles il y avait une abondante production de petites écritoires qui se voulaient facile d’utilisation39. L’écritoire ovale en porcelaine de la période Empire (Cat. n° 20) témoigne parfaitement de ce goût pour les objets pratiques mais aussi élégants, prenant peu de place et qui pouvaient être aisément transportés et posés sur des bureaux étroits ou des tables à écrire. Nous préciserons aussi que c’est au début du XIXe siècle qu’apparaît des manches de préhension sur ces petites écritoires, dont les formes peuvent être carrées (Cat. n° 34) ou circulaires (Cat. n° 35 ; n° 37). Généralement placé au centre de l’ouvrage, ce nouvel élément montre la volonté des artistes de perfectionner l’outil d’écriture et surtout d’améliorer la maniabilité de l’objet40. Il y a des écritoires dont nous pouvons nous demander si elles n’avaient pas pour spécificité de servir plusieurs personnes à la fois. Prenons l’exemple de l’Ecritoire de Napoléon Ier réalisée par Martin-Guillaume Biennais (Cat. n° 17). Comme l’imposante œuvre circulaire possède quatre godets à encre et à sable et huit pique-plumes, nous pouvons penser qu’elle était disposée au centre d’une table de travail et qu’elle mettait à la disposition de plusieurs scripteurs ses multiples outils d’écriture. A ce propos, nous savons que cette écritoire était destinée au cabinet de travail de l’empereur aux Tuileries, ainsi, l’hypothèse selon laquelle l’objet aurait pu servir simultanément à Napoléon Ier et à des conseillers est assez plausible. 39 La production de petites écritoires très simples est certainement à rapprocher de la mode qui naît au XVIIIe siècle des petites tables à écrire, « bonheur du jour » et autres meubles légers et faciles à déplacer, qui prenaient place avant tout dans les salons ou les boudoirs des dames. Les petites écritoires simples et délicates semblent donc être destinées à un usage féminin. 40 Le manche de préhension se retrouve plus généralement au niveau des objets de la table comme par exemple les « porte-huiliers » ou les salières. Les artistes ont donc probablement repris ce type d’élément déjà existant au niveau de certains ouvrages domestiques pour les adapter aux écritoires afin d’en faciliter l’usage. 16 L’utilisation collective des écritoires peut être aussi envisagé et perceptible au niveau des ouvrages possédant deux plumiers (Cat. n° 16 ; n° 25 ; n° 28). Cette particularité, ajoutée parfois à un doublement des godets, laisse effectivement penser qu’au minimum deux scripteurs pouvaient en même temps bénéficier des commodités de l’écritoire. Ainsi, cet objet fonctionnel assiste et apporte à l’écrivain un confort certain dans l’utilisation du matériel d’écriture. Néanmoins l’écritoire ne se contente pas d’être uniquement un objet utilitaire. Par les décors et les matériaux qui la composent, elle « revendique » aussi une valeur esthétique. 

L’écritoire comme élément de décoration

Parmi les multiples objets qui ornaient les bureaux des XVIIIe et XIXe siècles, l’écritoire occupait une place de choix. Elle en constituait une des principales décorations et embellissait par ses parures et la préciosité de ses matériaux les tables de travail, qui, nous semble t-il, lui dictaient son ornementation ou plus largement son style.

Une garniture de bureau

Pareillement à la pendule posée sur une console ou la paire de chenets dans une cheminée, l’écritoire fait partie de ces objets qui répondent à un besoin utilitaire tout en étant décoratif. Destinés à équiper et à orner les bureaux, ces ouvrages de l’écrit redoublaient d’élégance et se paraient volontiers de petites sculptures en rondes-bosses, de décors peints ou bien de bronzes d’appliques, soit une variété de décors raffinés qui élevait l’écritoire au rang d’objet d’art et de garniture de bureau. L’ensemble des œuvres que nous avons repéré témoigne sans conteste d’un « pouvoir » ornemental fort. Par exemple, des créations comme l’Ecritoire avec « le Baiser » de Houdon (Cat. n° 12), l’Ecritoire aux deux égyptiennes (Cat. n° 22) mais encore, l’écritoire n° 32 ou les ouvrages de l’orfèvre Odiot (Cat. n° 29 et n° 36), par leur caractère monumental, la richesse et la complexité de leurs décors, nous laissent penser qu’elles devaient dominer visuellement sur les bureaux, et être ainsi d’un grand effet esthétique. Plaisante au regard, les œuvres imposantes étaient mises en valeur par le bureau qui, en les portant, donnait à ces dernières toutes leurs visibilités. A l’inverse, l’écritoire « s’engageait » par son ornementation à agrémenter ou bien même, à apporter plus de magnificence au 17 meuble d’écriture. Les écritoires, en particulier celles de grand format, peuvent justement octroyer aux tables de travail un aspect très solennel, majestueux, et à contrario, des écritoires de petites dimensions qui, loin de restituer un caractère ostentatoire, se veulent, sur les bureaux, d’une élégante discrétion. Nous supposerons aussi qu’au vue des aspects massifs et généreux de certains bureaux, comme ceux de l’époque Empire réalisé par Jacob-Desmalter41, l’écritoire pouvait être, par sa forme ou ses décors sculptés, un élément qui apportait plus de légèreté et de gracilité à l’ensemble. Que ce soit au XVIIIe ou au XIXe siècle, dans la décoration des intérieurs il y eut toujours une constante recherche d’harmonie. Parfois les formes et décors du mobilier reprenaient celles des lambris, ou encore, les tapisseries des sièges, les couleurs et les dorures des meubles s’accordaient fréquemment avec les revêtements des murs afin d’obtenir un ensemble homogène42. Les écritoires ne semblent pas avoir échappé à ce désir de cohérence décorative. En effet, nous pouvons penser que par soucis de raffinement, la plupart des oeuvres s’accordaient aux bureaux ou aux tables qui les accueillaient, en adoptant leurs décors. Par exemple, les écritoires couvertes de plaques de porcelaine de Sèvres ne sont pas sans évoquer les meubles fabriqués par l’ébéniste Martin Carlin43. Selon nous, l’écritoire n° 1 de la Wallace collection aurait pu être conçue par cet artiste pour figurer sur l’un de ses bureaux ou secrétaires. L’attribution de cette écritoire à Carlin est probable, car les porcelaines à motifs floraux sur fond vert restent proches de celles appliquées par l’ébéniste, sur des « bonheur-dujour » des années 1760, dont l’un est visible au Metropolitan Museum of art de New York (ill. n° 1. p. 25)44. L’hypothèse selon laquelle l’écritoire s’accorde avec son support, peut être confirmé par l’oeuvre attribuée à René Dubois (Cat. n° 3) qui a très vraisemblablement été prévue pour un bureau plat commandé par Catherine II de Russie (ill. n° 2. p. 25). Le verni vert qui recouvre l’objet d’écriture, les cannelures ondulantes dorées ou les tritons, sont autant de similitudes stylistiques qui rapprochent notre écritoire de cette table de travail estampillée Dubois. D’autres ouvrages pourraient être associés à certains bureaux plats. Par exemple, l’ébéniste Claude Montigny a réalisé, sous le règne de Louis XVI, un bureau en ébène avec en 41 François-Honoré-Georges Jacob (1770-1841) fait partie d’une grande dynastie de menuisier-ébéniste parisien. Il succéda à son père Georges Jacob (1739-1814) et s’associa avec son frère Georges (1768-1803) pour diriger l’atelier « Jacob frères ». En 1803 à la mort de ce dernier François-Honoré prit le nom de Jacob-Desmalter. Il fut l’un des principaux fournisseurs en meubles de Napoléon Ier. 42 PRAZ (M.), Histoire de la décoration d’intérieur, Paris, Thames & Hudson, 1990, p.171. 43 Martin Carlin (v. 1730-1785), ébéniste originaire d’Allemagne travaillait à Paris. Il devint l’un des plus célèbres ébénistes de la seconde moitié du XVIIIe siècle en se spécialisant dans les meubles agrémentés de porcelaine de Sèvre. 44 Il est peu probable que l’écritoire n° 1 ait été posée sur un « bonheur du jour » car elle parait bien trop grande pour la petite table. Cependant la ressemblance stylistique entre les deux objets nous laisse supposer qu’ils auraient pu se retrouver dans un même intérieur et contribuer ainsi à l’unité décorative du lieu. 18 ceinture un décor de flots en bronze doré (ill. n° 3. p. 26). Cet ornement rappelle justement celui de l’écritoire n° 6 de ce même artiste. Ainsi, les deux ouvrages sont relativement assortis, et ces similitudes ornementales nous donnent à penser que Montigny, par soucis de cohérence, prévoyait pour chaque bureau une écritoire de même facture. Pour montrer que l’objet est dans le goût de son support, d’autres exemples peuvent être pris, comme l’écritoire n° 7 aux décors de bronze, figurant des petits satyres qui jouent de la flûte dans des feuillages, se rencontre sur un bureau plat de la Wallace collection (ill. n° 4. p. 26) et un secrétaire du J.- P. Getty muséum des années 1780, tous deux attribués à Adam Weisweiler45. Là encore la correspondance des décors suggère que c’est sur ce type de meubles que notre écritoire prenait probablement place. L’ornementation du mobilier est donc reprise au niveau des écritoires. Cette répétition des motifs sur les garnitures de bureau sera largement poursuivie durant le XIXe siècle. En effet, les palmettes, les rosaces, les couronnes de lauriers et autres motifs en bronze doré caractéristique du style Empire, présent en nombre sur le mobilier, se retrouvaient aussi sur les écritoires, toujours dans le but d’obtenir une harmonie décorative au sein des intérieurs. Ainsi, comme beaucoup d’objets d’art, l’écritoire pouvait avoir cette capacité d’agrémenter le meuble d’écriture qui la portait. Mais aussi, en revêtant dans certain cas les caractères stylistiques de son support, elle nous confirme à la fois son rôle de garniture et la recherche, à l’époque néoclassique, d’une harmonie décorative. La recherche décorative de l’écritoire nous semble tout aussi perceptible au niveau des matériaux qui la compose.

Emploi de matériaux précieux

Toutes les matières ont concouru à la fabrication des écritoires. Selon les capacités financières du commanditaire, celles-ci pouvaient aller de la plus anodine à la plus précieuse. Il est intéressant de mentionner qu’il y a toujours eu une production importante d’écritoire en faïence. Très populaire, ces ouvrages en terre cuite fabriqués en série étaient achetés par une clientèle modeste, qui pouvait avoir, à moindre coût, une écritoire imitant la porcelaine. D’autres matériaux économiquement abordables pour le plus grand nombre étaient utilisés à la confection des écritoires. C’est le cas notamment de la tôle dont l’emploi se généralisa dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Les feuilles de métal pouvaient être émaillées ou peintes 45 Adam Weisweiler (1744-1820), ébéniste d’origine rhénane installé à Paris. Ses meubles connurent un grand succès sous le règne de Louis XVI, après la Révolution et durant l’Empire. 19 d’un décor soigné, comme nous le suggère l’écritoire en tôle du musée des arts décoratifs de Paris (Cat. n° 11). Parallèlement à cette production abondante d’ouvrages simples il y avait des écritoires fabriquées à partir de matériaux luxueux qui s’adressaient à des commanditaires fortunés. L’élément qui revient fréquemment dans la composition des écritoires est le bois, et notamment les essences exotiques. Importés de divers continents depuis la fin du XVIe siècle, ces bois plus colorés que ceux dits « indigène », étaient recherchés par les menuisiers et les ébénistes pour satisfaire une clientèle toujours avide de nouveauté. Ainsi, dans la période néoclassique, nous retrouvons des écritoires en ébène, amarante, palissandre ou acajou46. Ces essences rares et coûteuses étaient souvent employées en placage, autrement dit, elles étaient apposées en fines feuilles sur un bâti en bois indigène – chêne, hêtre, noyer, etc. – (Cat. n° 8, n° 22). Néanmoins pour des « petits » objets comme les écritoires, les essences précieuses pouvaient être travaillées de manière massive. Par exemple, l’écritoire de Marie-Antoinette (Cat. n° 10) ou l’Ecritoire de la bibliothèque de la Malmaison (Cat. n° 16) sont en bois d’ébène plein, une particularité qu’il faut bien entendu mettre en relation avec la stature des commanditaires. Sur le bois se retrouvaient appliquées, nous l’avons vu, des plaques de porcelaine de Sèvres peintes (Cat. n° 1. c.), mais aussi, des bronzes dorés dont les techniques de ciselure et de dorure furent perfectionnées par des bronziers français tel que Pierre Gouthière dans la seconde moitié du XVIIIe siècle47. Déjà appréciées sous le règne de Louis XVI, les appliques en bronze connurent un succès sans précédent durant l’Empire. L’effet recherché était un contraste plaisant entre la rutilance de leur dorure et la couleur sombre ou rougeâtre des bois exotiques sur lesquels elles étaient fixées. Pour ces écritoires qui mêlaient différents types de matériaux, leur fabrication nécessitait quelquefois la contribution de plusieurs corps de métier. Sous l’Ancien Régime, le système des corporations forçait les ateliers à n’avoir qu’une spécialité, et le système étant si réglementé et les privilèges si défendus, qu’une communauté d’artisans, dans son activité, n’empiétait jamais sur une autre. Il était donc possible de voir un bronzier, un porcelainier, un menuisier et un ébéniste travailler sur une même écritoire. Néanmoins, au XVIIIe siècle il existait un coordinateur qui s’occupait de mettre en mouvement et de réunir ces différents .

Table des matières

Avant-propos
Introduction
I. L’écritoire ou l’union du fonctionnel avec l’esthétique
1.1 Un objet fonctionnel
1.1.1. Un Ouvrage de rangement, réunissant une diversité d’outils d’écriture
1.1.2. Un objet pratique : différentes formes pour différents usages
1.2 L’écritoire comme élément de décoration
1.2.1. Une garniture de bureau
1.2.2. Emploi de matériaux précieux
1.3 L’écritoire entre objet d’apparat et cadeau diplomatique
1.3.1 Les écritoires d’apparats : une fonction purement décorative
1.3.2 Des ouvrages utilisés comme cadeaux diplomatiques
II. Les prémices du style néoclassique dans l’écritoire française
2.1 Le retour à des formes plus assagies
2.1.1. Abandon progressif du « style rocaille »
2.1.2. Des écritoires aux lignes et décors simplifiés
2.2 Un goût marqué pour les motifs architecturaux
2.2.1. Des ornements empruntés à l’architecture antique
2.2.2. Omniprésence des ornements végétaux
2.2.3. Des motifs employés de manière originale
2.3 Les débuts d’une symbolique dans les écritoires
2.3.1 Le thème des arts et des lettres
2.3.2 La thématique de l’amour
2.3.3 La symbolique martiale
III. Les écritoires de style Empire
3.1 Les décors, entre imitation et réinterprétation de l’art antique
3.1.1. Les modèles antiques
3.1.2. Des décors dans le « goût antique »
3.1.3. Les modèles renaissants
3.2 L’écritoire et l’expression du pouvoir impérial
3.2.1. Les symboles napoléoniens
3.2.2. L’exaltation de l’Empire victorieux
3.2.3. Des images de prospérité
3.3 L’écritoire et l’image des plaisirs
3.3.1. Des œuvres empreintes de légèretés
3.3.2. Le succès des écritoires mettant en scène des « amours »
3.3.3. Séduction et plaisir : une nouvelle vision du néoclassicisme ?
Conclusion
Bibliographie
Index

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