Privilèges, hypothèques et garanties du trésor en matière de recouvrement

Aujourd’hui, l’Etat belge est structuré autour de « collectivités publiques » variées à savoir l’Etat fédéral, les collectivités locales et les collectivités fédérées. Tel n’a pourtant pas toujours été le cas. Jusqu’en 1970, l’Etat belge était un Etat unitaire. Puis, à partir de cette même année, des réformes successives de l’Etat ont installé un fédéralisme dit centrifuge qui s’est construit par le transfert de compétences de l’Etat unitaire à des entités fédérées : les Communautés et les Régions . Au fur et à mesure de ces réformes, ces entités fédérées sont devenues de plus en plus autonomes et indépendantes et ce, tant à l’égard de l’Etat fédéral qu’entre elles. Ce présent travail se concentrera uniquement sur une entité fédérée spécifique, à savoir la Région wallonne, et principalement sur son autonomie fiscale telle qu’elle résulte des réformes consécutives de l’Etat. L’autonomie fiscale de la Région wallonne est possible grâce aux taxes régionales propres et à certains impôts régionaux. Cela signifie que la Région est compétente pour le service de l’impôt qui comprend l’établissement, la perception, le contentieux et le recouvrement des impôts . Ce travail va se concentrer principalement sur ce dernier volet avec comme nouveauté de décrire, en une seule source, de façon complète, la procédure de recouvrement spécifique à la Région wallonne en tenant compte des changements qui se sont produits, durant ces dernières années, dans le paysage fiscal wallon. On sait que tout citoyen doit payer ses taxes et impôts régionaux mais que se passe-t-il quand il ne le fait pas volontairement ? Quels sont les outils en possession de l’Administration fiscale wallonne pour obliger le citoyen à lui payer ce qui lui revient ? Voilà la question de recherche à laquelle ce travail de fin d’études va tenter de répondre.

PRÉSENTATION DU PAYSAGE FISCAL WALLON

PRÉSENTATION DES RÉGIONS :COMPÉTENCE TERRITORIALE ET MATÉRIELLE 

En Belgique, les Régions sont des autorités autonomes qui disposent de compétences d’attributions définies dans la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 « ci-après LSR ». Les Régions disposent donc d’une autonomie totale et exclusive pour le territoire et les matières qui lui sont attribuées . Dans notre pays, il existe trois Régions : la Région flamande, la Région bruxelloise et la Région wallonne. Pour ce qui concerne la compétence territoriale des Régions, les textes qui consacrent explicitement le fait que les Régions ont un territoire sont la Constitution belge et les lois spéciales de réformes institutionnelles. Selon l’article 5 de la Constitution et l’article 2 de la LSR, la Région wallonne comprend le territoire de la région linguistique de langue française et le territoire de la région linguistique de langue allemande à savoir :
• La province du Hainaut ;
• La province de Liège ;
• La province du Luxembourg ;
• La province de Namur ;
• La province du Brabant wallon.
Quant à la compétence matérielle de ces entités fédérées, l’article 39 de la Constitution énonce que la loi spéciale attribue aux organes régionaux qu’elle crée la compétence de régler les matières qu’elle détermine, dans le ressort et selon le mode qu’elle établit . À la lecture de cet article, on comprend que les Régions n’ont que des compétences dites d’attribution. Cependant, pour ces matières, elles sont compétentes sur leurs territoires d’action et ce, sans aucun contrôle de tutelle par l’Etat central. L’article 6 de la LSR énumère les dix matières de compétences de la Région wallonne. Cette liste fait l’objet d’exceptions légales et de restrictions (voy. art. 6 à 7 de la LSR).

LE POUVOIR FISCAL DES REGIONS

Depuis la sixième réforme de l’Etat, l’autonomie fiscale normative des Régions revêt trois formes distinctes :
– L’autonomie fiscale propre : les taxes régionales propres.
– L’autonomie fiscale dérivée de premier type issue des impôts et des perceptions établis par d’autres pouvoirs mais intégralement reversés aux Régions : les impôts régionaux.
– L’autonomie fiscale dérivée de second type : les compétences fiscales des Régions en matière d’impôt des personnes physiques.
L’exercice de ces pouvoirs fiscaux est soumis au respect préalable de principes généraux de la fiscalité qui sont au nombre de quatre : le principe de la légalité des impôts, de l’égalité des citoyens devant l’impôt, de l’annualité des impôts et enfin le principe de la non-rétroactivité des impôts.
Le présent travail détaillera uniquement les deux premières formes d’autonomie fiscale, objet de la matière du recouvrement visé par cet exposé.

L’autonomie fiscale propre : les taxes régionales propres
La fiscalité propre des Régions se compose des taxes établies par celles-ci en vertu de leurs pouvoirs fiscaux propres comme prévu par l’article 170, § 2, de la Constitution . Les Régions règlent elles-mêmes et assurent au moyen de leurs administrations le service de ces taxes propres (établissement concret de la base, calcul de l’impôt, contrôle de la perception, recouvrement, gestion des recours administratifs) . En Wallonie, la fiscalité régionale propre comprend les taxes suivantes  :
• La taxe sur le déversement des eaux usées industrielles et domestiques (article D.275 à 316 du Code de l’Eau contenu dans le Livre II du Code de l’environnement).
• La redevance et la contribution sur les prises d’eau (article D.252 à 274 du Code de l’Eau contenu dans le Livre II du Code de l’environnement).
• Les taxes sur les déchets (décret fiscal du 22 mars 2007 favorisant la prévention et la valorisation des déchets en Région wallonne, et portant modification du décret du 6 mai 1999 relatif à l’établissement, le recouvrement et au contentieux en matière des taxes régionales directes).
• La taxe sur les sites d’activité économique désaffectés (décret du 24 mai 2004 instaurant une taxe sur les sites d’activité économique désaffectés en Région wallonne).

• La taxe sur les automates (décret du 19 novembre 1998 établissant une taxe sur les automates en Région wallonne).
• La taxe sur les mâts, pylônes ou antennes affectés à la réalisation, directement avec le public, d’une opération mobile de télécommunication par l’opérateur d’un réseau public de télécommunications (décret du 11 décembre 2013).

L’autonomie fiscale dérivée de premier type : les impôts régionaux
La loi spéciale de financement du 10 janvier 1980 « ci-après LSF » énumère toute une série de prélèvements fiscaux qui, initialement levés au niveau de l’Etat central ont, petit à petit, fait l’objet d’une décentralisation de leur produit et des principales compétences normatives s’y rapportant vers les Régions . Les législateurs régionaux sont devenus exclusivement compétents pour fixer/modifier les règles relatives au taux d’imposition, aux bases d’imposition et aux exonérations desdits « impôts régionaux ». Les impôts régionaux sont énumérés à l’article 3 de la LSF et sont rangés, dans l’article 5, §3, de la LSF, par groupe d’impôts. Les impôts régionaux sont les suivants :
– Groupe 1 : la taxe sur les jeux et paris, la taxe d’ouverture de débit de boissons, la taxe sur les appareils automatiques de divertissement.
– Groupe 2 : le précompte immobilier.
– Groupe 3 : les droits de succession, de mutation par décès et la plupart des droits d’enregistrement.
– Groupe 4 : la taxe de circulation et la taxe de mise en circulation. L’autorité fédérale assure le service des impôts régionaux, et ce, gratuitement, mais un transfert est prévu vers les régions à l’article 5 de la LSF. Une Région peut reprendre le service d’un ou plusieurs impôts régionaux mais « uniquement par groupe d’impôt ». En d’autres termes, pour reprendre la métaphore proposée par l’auteur Jean Claude Laes, une Région ne peut pas commander chaque plat séparément mais se doit de choisir le menu. Dès lors, on comprend, par une lecture attentive de cet article, que la LSF a opté pour une formule de régionalisation « à la carte » générateur d’asymétrie entre les trois Régions . Tant que le SPF finances assure le service de l’impôt, c’est lui qui gère la procédure (c’est-àdire l’établissement, la perception, le recouvrement et le contentieux administratif). Mais dès que le service de l’impôt est repris par une Région, celle-ci devient exclusivement compétente pour fixer et modifier les règles de procédure relatives à cet impôt. En Région wallonne, l’état des lieux se présente comme suit : la RW a repris le service de l’impôt pour la taxe sur les jeux et paris, la taxe sur les appareils automatiques de divertissement et la taxe d’ouverture des débits de boissons fermentées, la taxe de circulation et mise en circulation ainsi que l’eurovignette (désormais supprimée et remplacée par le prélèvement kilométrique) et enfin pour les redevances radio et télévision. Il faut noter qu’avant la reprise du service d’un premier groupe d’impôts régionaux le 1er janvier 2010, le décret wallon du 6 mai 1999 avait fixé les règles relatives à l’établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales wallonnes. Par la suite, son intitulé fut modifié par un décret du 17 janvier 2008 et il fut suivi par un autre décret wallon du 10 décembre 2009 qui a précisé que la procédure (qui ne concernait au départ que les taxes régionales propres) s’appliquait désormais aux autres impôts et taxes au profit de la région . C’est donc dans ce décret du 6 mai 1999 que l’on retrouvera les règles relatives au recouvrement en Région wallonne, sujet de cet exposé.

Table des matières

CHAPITRE INTRODUCTIF : LA FISCALITE EN REGION WALLONNE
I.- PRESENTATION DU PAYS AGE FISCAL WALLON
A.- PRÉSENTATION DES RÉGIONS : COMPÉTENCE TERRITORIALE ET MATÉRIELLE
B.- LE POUVOIR FISCAL DES REGIONS
1) L’autonomie fiscale propre : les taxes régionales propres
2) L’autonomie fiscale dérivée de premier type : les impôts régionaux
II.- LA PROCEDURE FIS CALE WALLONNE
PARTIE I : LE RECOUVREMENT FISCAL WALLON
A.- PRÉSENTATION DE LA DIRECTION GÉNÉRALE OPÉRATIONNELLE DE LA FISCALITÉ
B.- LES POURSUITES DIRECTES ET INDIRECTES
1) Le droit de poursuivre
2) Les acteurs du droit de poursuivre
3) Délais à respecter avant les poursuites
4) Les poursuites
5) Le recouvrement des montants contestés
C.- LA PRESCRIPTION DU RECOUVREMENT EN MATIÈRE DE TAXES ET IMPÔTS RÉGIONAUX
PARTIE II : PRIVILEGES, HYPOTHEQUES ET GARANTIES DU TRESOR EN MATIERE DE RECOUVREMENT
A.- NOTIONS INTRODUCTIVES
B.- LES SÛRETÉS DU TRÉSOR RÉGIONAL
1) Les sûretés personnelles du Trésor
2) Les sûretés réelles du Trésor
CONCLUSION

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