Vers une décroissance des niveaux de motorisation des ménages français

Vers une décroissance des niveaux de motorisation des ménages français

Les modèles de prévision de l’équipement automobile : des modèles statiques agrégés aux modèles dynamiques désagrégés

En 1958, Tanner est le premier a proposé une projection de l’équipement automobile pour la Grande-Bretagne. Il s’agit alors d’une simple extrapolation de la tendance. Mais afin de contraindre le modèle et éviter que l’équipement n’augmente indéfiniment, Tanner (1958) propose un modèle expliquant le nombre de voitures par tête par une tendance et incluant un seuil de saturation. En 1978, il complète ce modèle en ajoutant le niveau de revenu et le coût de possession automobile comme variables explicatives. L’usage de cette théorie de la diffusion formalisée par la courbe en S s’est ensuite généralisée et a été utilisée pour prévoir les taux d’équipement automobile dans les pays en développement (Button et al., 1993) ou comparer l’évolution probable de celui-ci dans les pays développés comme dans les pays en développement (Dargay et Gately, 1999). Mais dès les années 70, les limites de ces modèles sont éprouvées. En effet, principalement basés sur l’évolution du revenu, ils s’appliquent bien aux pays en développement où la croissance de celui-ci reste le principal déterminant d’un équipement automobile encore en progression. Mais dans les pays occidentaux où l’on observe le phénomène de ‘‘peak car’’ et la saturation de la motorisation des ménages, des analyses plus fines s’imposent. Apparaissent alors les modèles désagrégés dont la spécificité est de s’intéresser au nombre de voitures détenues par le ménage à partir de modèles de choix discrets basés sur le revenu et des variables socio-économiques supplémentaires. Ainsi Lerman et Ben-Akiva (1976) modélisent ce choix à partir de variables descriptives des ménages, de même que Burns et al. (1976), Bates et al. (1978), ou encore Train (1980). Ces modèles ont notamment permis de mettre en évidence l’importance de la zone d’habitation et donc de l’offre de transports en commun sur le choix d’équipement et ont été très utilisés dans les années 80 et 90 afin de réaliser des projections dans différents pays. Ainsi, le Landelijk Model Systeem développé 218 par le Hague Consulting Group (1989) pour modéliser le système de mobilité hollandais inclut un sous modèle de prévision de l’équipement des ménages à partir du revenu disponible, de la zone d’habitation, du genre et du nombre de personnes dans le ménage. En outre, le nombre de voitures du ménage est conditionné par le nombre de personnes détenant le permis de conduire afin de contraindre le modèle. Cette structure a ensuite été reprise pour modéliser la demande de transport en Ile-de-France (Hague Consulting Group, 1994). De même, en Grande-Bretagne, les modèles de prévisions de trafic (NRTF 1989 et 1997) ont progressivement inclus des modèles désagrégés pour prévoir le niveau de motorisation : tout d’abord en distinguant les ménages avec une seule voiture de ceux avec deux voitures ou plus, puis en désagrégeant les variables explicatives par niveau de revenu ou encore zone d’habitation, et en modélisant la probabilité d’avoir trois voitures ou plus, en autorisant le multi-équipement pour les personnes seules et en prenant en compte les véhicules d’entreprise (Whelan, 2007). Ce dernier élément est d’ailleurs intégré dans le sousmodèle de détention automobile du modèle du système de transport de Sydney (Hague Consulting Group, 2000) qui estime la détention de véhicules d’entreprise et la détention automobile totale des ménages. Les deux sont prédites à partir du revenu du ménage, de l’âge, du nombre de personnes détenant le permis de conduire, ou encore du coût du parking. Des tests de causalité révèlent que la motorisation personnelle est conditionnée par la détention d’un ou plusieurs véhicules d’entreprise. Plus récemment, ce type de modèle a été utilisé pour analyser les déterminants de l’équipement automobile en Espagne (Matas et Raymond, 2008) en 1980, 1990 et 2000. Les auteurs montrent que l’élasticité-revenu diminue avec l’augmentation de la détention automobile, que les habitants des zones rurales ont une élasticité-revenu inférieure à celle des habitants des zones urbaines, que ces derniers sont sensibles à la qualité des transports en commun, que le nombre d’actifs dans le ménage joue positivement sur le nombre de voitures détenues par le ménage et qu’il existe un effet de génération sur l’évolution de la motorisation. En outre, ils montrent qu’il n’y a pas de différence significative entre l’usage de modèles de choix ordonnés ou non ordonnés tandis que Bhat et Pulugurta (1998) montrent la supériorité des seconds.

Les modèles en données de panel

Les modèles en données de panel sont donc des modèles dynamiques désagrégés permettant de rendre compte des effets individuels dans leur diversité comme des effets temporels. En effet, selon Baltagi (2008), les avantages des données de panel sont de mettre en évidence l’hétérogénéité entre les individus, la dynamique des ajustements et de procurer davantage d’informations que de simples données temporelles ou en coupe instantanée. En revanche, elles présentent des inconvénients, notamment des problèmes de collecte. Le premier modèle de ce type a été développé par Kitamura (1987) sur la base des vagues du panel mobilité hollandais afin de déterminer conjointement les choix d’équipement automobile et l’intensité de la mobilité à travers le nombre de déplacements hebdomadaires. Puis ces mêmes données de panel ont à nouveau été utilisées pour modéliser de façon jointe la motorisation du ménage et les distances parcourues dans la semaine (Golob et van Wissen, 1989), ainsi que le nombre de voitures détenues par le ménage en incluant des variables retardées afin de prendre en compte la dépendance (Kitamura et Bunch, 1992). Plus précisément, Golob et van Wissen (1989) ont utilisé un modèle dynamique d’équations simultanées pour expliquer l’équipement et l’usage automobile. Leur démarche est particulièrement intéressante vis-à-vis de notre problématique dans la mesure où elle permet notamment de déterminer l’effet des changements dans le niveau de motorisation sur les choix modaux et inversement. La principale variable explicative est le revenu ainsi que les 221 distances parcourues avec les différents modes et le taux d’équipement du pas de temps précédent, le principal objectif étant de déterminer les interactions entre les variables endogènes. Ils montrent que le taux d’équipement est lié positivement au revenu des pas de temps n-1, n et n+1, de même que les distances parcourues en voiture, que leur intensité au pas de temps n+1 dépend de l’intensité d’usage des modes alternatifs lors du pas de temps n et que l’équipement a un effet positif sur les distances en voiture en n+1 et un effet négatif sur l’usage des modes alternatifs et inversement. En résumé, l’équipement automobile au pas de temps n+1 dépend des autres variables endogènes au pas de temps n et du revenu au pas de temps n+2. Plus récemment mais toujours aux Pays-Bas, Nobile et al. (1996) ont estimé un modèle probit multinomial à effets aléatoires pour expliquer le taux d’équipement et de multi-équipement. Hanly et Dargay (2000) ont également proposé un modèle en données de panel sur la base d’un panel de ménages britanniques afin d’expliquer leur motorisation et d’analyser l’effet de la détention automobile passée sur le statut de motorisation actuel. Ils montrent notamment une élasticité revenu décroissante avec le statut de motorisation passé du ménage laissant pressentir un seuil de saturation. De plus, sur la base des mêmes données, Dargay et Hanly (2007) ont estimé un modèle dynamique pour expliquer l’équipement automobile en se focalisant sur la volatilité des comportements (liés notamment à un déménagement ou un changement d’emploi ou de statut d’activité) et ont montré que les politiques publiques ont des effets plus importants si les comportements changent facilement que s’il existe des résistances au changement. A partir de l’enquête Living in Ireland (1995-2001) contenant des informations sur l’équipement automobile des ménages, Nolan (2010) analyse ses déterminants et montre un effet cycle de vie dans la détention automobile : elle augmente avec l’âge jusqu’à 50 ans et décroît ensuite, le niveau d’études, le statut d’activité, le statut marital et le nombre d’enfants au foyer ont un effet significatif sur l’équipement automobile, de même que le revenu du ménage. Les élasticitésrevenu sont positives mais plutôt faibles en valeur absolue et sont plus élevées pour les ménages non motorisés lors de la période initiale. En outre, le fait d’être équipé ou non en période initiale (n-1) a un impact significatif sur la probabilité d’être équipé lors de la période n, indiquant ainsi un effet de dépendance à la situation passée et donc la persistance d’habitudes fortes. Enfin, dans le but de comparer les taux d’équipement de différents pays, certains ont utilisé des séries annuelles d’une vingtaine de pays (Dargay et Gately, 1999 ; Medlock et Soligo, 2002).

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