Auto-échauffement des matières carbonée

Auto-échauffement des matières carbonée

 Définition de l’auto-échauffement

L’auto-échauffement est un phénomène qui se produit lorsqu’un système libère spontanément de la chaleur qui aura tendance à dépasser la chaleur dissipée. Il en découle une augmentation indésirée de la température du milieu [11] qui peut s’accompagner d’une libération de gaz toxiques. Si, en conséquence, la production de chaleur augmente par thermo-activation des réactions chimiques, il y a risque d’emballement thermique entraînant la combustion du substrat. A ce niveau, les réactions deviennent incontrôlées et entraînent une forte élévation de la température causée par une production massive de chaleur qui excède la quantité de chaleur évacuée. Par conséquent, un incendie peut se déclencher libérant des gaz inflammables et toxiques pouvant causer une explosion. En effet, une forte pression résultant de ce phénomène peut conduire à l’explosion du réacteur [12]. Cette situation est largement rencontrée dans les secteurs du charbon et du bois. L’agro-alimentaire et le secteur des déchets sont aussi confrontés à cette problématique. En France, parmi les accidents rapportés par l’INERIS, l’accident le plus marquant est celui de Blaye en 1997 dans le département de la Gironde qui a provoqué l’explosion et l’effondrement de 21 silos de blé et l’incendie de stocks de granulés de luzerne dans la Marne en 1995 [13]. 

Auto-échauffement du charbon 

Lorsque le charbon est exposé à l’oxygène à basses températures (entre 25 et 100°C), il fait face à une situation communément dite, dans la littérature ; une oxydation à basse température. Cette situation est à l’origine de l’auto-échauffement du charbon, qui est responsable de nombreux incendies et explosions pouvant avoir lieu dans les mines de charbon ou pendant le transport, le stockage et le traitement du charbon dans les centrales thermiques. Du fait de son fort pouvoir calorifique et de sa réactivité, le charbon 15 Auto-échauffement des matières carbonées Chapitre 1 – Auto-échauffement des matières carbonées exposé à l’oxygène à basses températures est susceptible de s’auto-échauffer [14]. Ce phénomène a tendance à évoluer vers une combustion spontanée libérant des gaz toxiques et parfois explosifs. En effet, à partir d’une température de 77°C, le charbon stocké présente un fort risque d’incendie [15]. L’auto-échauffement est d’autant plus favorisé en présence d’une importante quantité de charbon que ce soit en stock, en silo ou dans le broyeur. De plus, les caractéristiques physico-chimiques du charbon incluant sa composition élémentaire, son humidité, son pouvoir calorique, sa porosité, sa surface spécifique ainsi que la taille des particules influencent sa tendance à l’auto-échauffement. Les conditions environnantes jouent également un rôle dans le risque d’auto-échauffement, à savoir, la température du milieu, la quantité d’oxygène présente, la vitesse d’écoulement du gaz vecteur ainsi que la teneur en eau du gaz de ventilation impactent le caractère exothermique de la matière réactive. Le charbon est classé en 4 rangs selon son pouvoir calorifique et sa teneur en matières volatiles ou les ratios atomiques O/C et H/C. Le rang inférieur désigne le type de charbon de faible teneur en carbone. Le lignite et le subbitumineux sont de rangs inférieurs. L’anthracite et le bitumineux, de rangs supérieurs, ont une forte teneur en carbone et une faible teneur en oxygène. Certains travaux montrent que le charbon de rang inférieur est plus susceptibles de s’auto-échauffer que le charbon de rang supérieur [16]. Cette tendance a été justifiée dans [17] par le fait que l’oxygène combiné libère des sites actifs pendant l’oxydation en produisant du gaz carbonique et du monoxyde de carbone. Ainsi, le type de charbon contenant une teneur élevée en oxygène est plus sujet à l’auto-échauffement. Cependant, pour un rang donné, l’oxydation du charbon à basse température dépend de ses propriétés physiques en termes de teneurs en eau et en matières minérales [18], de porosité et de surface spécifique. La caractérisation de l’auto-échauffement du charbon à l’échelle du laboratoire ou à l’échelle industrielle est souvent basée sur le suivi de l’évolution de la chaleur libérée et/ou la variation de masse, l’analyse des gaz émis et l’identification des groupements fonctionnels mis en jeu. Pour ce faire, les techniques usuelles sont les suivantes : L’analyse thermogravimétrique (ATG) mesure la variation de la masse au cours de l’oxydation. La calorimétrie (DSC, ATD) est utilisée afin de quantifier les flux de chaleur mis en jeu. L’analyse de gaz par chromatographie gazeuse ou en recourant à d’autres techniques permettent de mesurer la consommation de l’oxygène et la concentration des volatiles émis. Ces approches ont permis d’associer à l’exothermicité de l’auto-échauffement des processus responsables de la génération spontanée de chaleur. Ces mécanismes peuvent être répartis en deux classes : l’adsorption de l’oxygène et l’oxydation directe. En effet, les analyses ATG/DSC réalisées sur du charbon ont pu montrer un gain de masse qui a été 16 Chapitre 1 – Auto-échauffement des matières carbonées associé à l’adsorption de l’oxygène sur les sites actifs d’adsorption et la formation des complexes oxygénés. Des essais FTIR ont appuyé l’existence de ces complexes en identifiant des groupements constituants les complexes stables et instables qui sont ensuite décomposés en gaz carbonés. Néanmoins, la compréhension des mécanismes d’oxydation du charbon à basse température est incomplète du fait de la complexité et la multitude des mécanismes mis en jeu. Ainsi, il sera utile de rappeler quelques notions qui gravitent autour de l’oxydation à basses températures du charbon, et qui sont sources d’exothermicité et d’autoéchauffement. Il s’agit des mécanismes d’adsorption de l’oxygène et d’oxydation directe (direct burn-off), introduits ci-dessous et résumés dans la figure 1.1. Figure 1.1 – Processus d’oxydation du charbon à basse température

Phénomène d’adsorption

 L’adsorption est un processus qui se manifeste lorsqu’un fluide est mis en contact avec un solide. Les molécules du fluide (l’adsorbat) se fixent à la surface du solide (l’adsorbant). Celle-ci comporte des surfaces externes et internes créées par le réseau de pores et cavités à l’intérieur de l’adsorbant. En fonction de la nature des liaisons qui se forment lors de l’adsorption, celle-ci est divisée en deux types : l’adsorption physique et l’adsorption chimique. Adsorption physique ou physisorption L’adsorption est dite physique lorsque les molécules du fluide sont fixées à la surface de l’adsorbant par des liaisons de Van Der Waals, de faible force d’attraction. Ainsi, l’adsorption physique est réversible et ne modifie pas la structure moléculaire de l’adsorbant [19, 20]. Adsorption chimique ou chimisorption Dans le cas d’une adsorption chimique, des liaisons chimiques de valence se forment entre le fluide et le solide. L’énergie de liaison est largement supérieure à celle de l’adsorption physique. La chimisorption modifie les propriétés chimiques de l’adsorbant et est donc irréversible [19, 20]. Le processus d’adsorption est détaillé dans la section 1.5 pour le cas de l’oxydation à basses température des matières carbonées. 

Oxydation directe (direct burn-off)

 L’oxydation directe est l’un des mécanismes associés à l’oxydation du charbon ou du char à basse température. Ce processus est supposée similaire aux réactions de combustion. Comme la combustion, l’oxydation directe est fortement dépendant de la température. Néanmoins, aujourd’hui, en raison du manque de compréhension de cette réaction, elle n’est pas décrite sous la forme d’une série d’étapes fondamentales. Il est admis qu’elle se manifeste que dans certains sites actifs, qui interagissent rapidement avec les molécules d’oxygène avant de les désorber sous forme de gaz. Cette hypothèse ressemble au mécanisme de réaction suggéré pour l’oxydation du carbone à des températures supérieures à 300°C [3]. Par ailleurs, en industrie, la taille des stocks et la durée des phénomènes exothermiques sont importantes. Ceci rend l’investigation de l’auto-échauffement difficile. La prédiction numérique de l’auto-échauffement permettrait de contourner ces obstacles en assurant une rapidité et une flexibilité de la description du comportement du réactif face à l’autoéchauffement. 

Auto-échauffement de la biomasse brute

 En dépit des nombreux incidents liés à l’auto-échauffement de la biomasse [21], cette problématique reste peu étudiée comparée à l’échauffement du charbon. Néanmoins, le secteur de la biomasse étant en plein essor, de plus en plus de recherches s’intéressent à ce phénomène pouvant dégrader la biomasse pendant son transport, son stockage ou même durant un traitement thermique comme la gazéification oxydative ou le prétraitement par torréfaction [22, 23]. En effet, pour le cas de la biomasse stockée, les mécanismes exothermiques pointés peuvent être d’origine physique, biologique et chimique. A température ambiante, la condensation libère une faible quantité de chaleur qui a tendance à agir comme un catalyseur des réactions exothermiques. Par ailleurs, la teneur en eau de la biomasse stockée (autour de 20%) offre des conditions propices au développement microbien par fermentation. De plus, 18 Chapitre 1 – Auto-échauffement des matières carbonées l’hétérogénéité de la texture de la biomasse brute peut entraîner la formation de points chauds et accentuer le risque d’auto-échauffement et d’auto-combustion notamment à grande échelle. Des études réalisées sur différents types de biomasse ont montré que l’auto-échauffement de la biomasse peut se produire à basses températures (dès 30°C) [24, 25, 26] sous l’effet de la fermentation, qui peut avoir lieu jusqu’à une température de 70°C [27]. Au delà de cette température, l’activité microbienne cesse. Néanmoins, l’accumulation de la chaleur produite par fermentation peut entraîner une élévation de la température qui déclenche d’autres phénomènes plus exothermiques comme l’oxydation [26]. Dans de nombreux cas, ce processus engendre une auto-combustion du substrat [28]. L’étude mené par Koseki et al. [25] met en avant le rôle de l’oxygène et de l’humidité dans le développement de la fermentation dans un échantillon de plaquettes de bois humides soumis à une faible température d’environ 30°C. Même en absence d’oxygène une faible chaleur est générée par les micro-organismes anaérobies. Quelques travaux se sont intéressés à l’auto-échauffement pendant le stockage de la biomasse, incluant principalement, les pellets et les sciures de bois. A l’échelle industrielle, dans la majorité des cas traités, l’auto-échauffement de la biomasse fraîche peut élever modérément la température du milieu, jusqu’à 60 à 70°C [27], par fermentation. Plus la biomasse est fraîche, plus elle retient l’humidité et plus elle est sujette à l’autoéchauffement. Dans d’autres scénarii rapportés, l’accumulation de la chaleur générée par voie biologique déclenche des réactions d’oxydation à partir d’environ 130°C [26]. Cellesci, étant fortement exothermiques, provoquent une combustion spontanée marquée par une augmentation drastique de la température. Généralement, comme pour le charbon, la combustion spontanée non maîtrisée est suivie par un incendie et éventuellement une explosion.

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