Le marché illicite des médicaments

Système national de santé et de la protection sociale

Historique du système de santé 

Le système de santé malgache présente plusieurs similitudes avec le système français, du fait qu’il a été constitué pendant la période de colonisation, entre 1895 et 1960. A cette époque, les colons français ont établi un réseau d’établissements publics de soins (des grands hôpitaux aux simples dispensaires) dans l’ensemble de l’île et ont élaboré une hiérarchie du personnel médical. La quasi-totalité des Docteurs en Médecine étaient des médecins militaires français, mais il y avait tout de même quelques médecins malgaches formés en France. Les Docteurs étaient à la tête d’une équipe d’auxiliaires que l’on nommait Médecins de l’ « Assistance Médicale Indigène » (AMI). Le recrutement de ces futurs auxiliaires se faisait dès la classe de 4ème ; ils étaient formés localement, à l’école de l’hôpital civil « Befalatanana » à Tananarive, afin de tenir à terme des postes plus ou moins importants à partir des sous-préfectures. Les sages-femmes étaient également formées à Befalatanana, et les infirmiers, quant à eux, étudiaient dans les capitales des provinces.
Concernant le coût des soins prodigués, les établissements publics étaient gratuits, tandis que ceux qui consultaient les médecins libéraux devaient payer la totalité de la prestation.
La période suivant l’indépendance, les docteurs français gardent leur poste en vertu des accords de coopération. Parallèlement, les docteurs malgaches deviennent de plus en plus nombreux. La première Faculté de Médecine est fondée à Tananarive, mais elle n’assure que les deux premières années d’étude, le reste du cursus devant être poursuivi en France.
A cette époque, un système de remboursement des soins voit le jour avec la création de la «Caisse Nationale de Prévoyance Sociale» (CNAPS), système basé sur la cotisation des salariés et des fonctionnaires, et profitant à l’ensemble de la population malgache.

Organisation du système de santé

Les différents niveaux d’institution  :L’organisation du système de santé se fait sur quatre niveaux d’institution :
Au niveau central, le Ministère de la Santé Publique (MINSANP) est en charge de la coordination générale du secteur santé, des orientations politiques et stratégiques, de la définition des normes et standards. Le ministre de la Santé Publique est M. Mamy Lalatiana ANDRIAMANARIVO. Au niveau intermédiaire ou régional, la Direction Régionale de la Santé Publique (DRSP), représentant du ministère au niveau régional et sous le rattachement direct du Secrétariat Général, a pour mission de «planifier, conduire, suivre et évaluer» la mise en œuvre des programmes d’intérêt national au niveau de la région.
Au niveau périphérique ou district, le Service de District de la Santé Publique (SDSP) a pour mission de coordonner et d’appuyer les formations sanitaires de base et de première référence dans l’offre des services de santé. Ce niveau constitue la pierre angulaire du système de santé et doit disposer d’une autonomie de décision et financière.
Au niveau communautaire, un réseau d’«agents communautaires» participe à la promotion de la santé et au fonctionnement et la gestion des structures sanitaires de base.

L’administration pharmaceutique

Au niveau central, l’administration pharmaceutique est assurée par la Direction de la Pharmacie, du Laboratoire et de la Médecine Traditionnelle (DPLMT) et par la Direction de l’Agence du Médicament de Madagascar (DAMM), qui possède un statut autonome.
La Direction de la Pharmacie, du Laboratoire et de la Médecine Traditionnelle :La DPLMT dépend du MINSANP et dispose d’un Service de Gestion des Intrants de Santé. On entend par « intrant de santé », les médicaments (princeps ou génériques), les produits de laboratoire, les produits de génie génétique et les pesticides .
La DPLMT est chargée de l’administration de la démographie pharmaceutique, du suivi de l’approvisionnement en intrants de santé18 et de la promotion de la médecine et de la pharmacopée traditionnelles. Elle assure également le contrôle des drogues licites et les produits précurseurs.
L’Agence du Médicament de Madagascar :L’Agence du Médicament de Madagascar, créée en 1998, a pour mission d’ «assurer la qualité des médicaments à Madagascar dans les secteurs public et privé, dans le respect des normes nationales et internationales» .
Ses activités gravitent autour de quatre grands axes :
L’enregistrement des médicaments et produits de santé dans le but de leur octroyer une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) à Madagascar ;
Le contrôle qualité des médicaments par l’intermédiaire du Laboratoire National de Contrôle de Qualité des Médicaments (LNCQM);
L’inspection des activités pharmaceutiques dans les secteurs public, privé et associatif, et la gestion de la démographie des établissements pharmaceutiques ; Le suivi de la pharmacovigilance dans les secteurs public et privé.

Le marché illicite des médicaments

En marge des secteurs public et privé s’érige un secteur informel du médicament. Le secteur informel se définit comme «l’ensemble des activités économiques qui se réalisent en marge de législation pénale, sociale et fiscale ou qui échappent à la comptabilité nationale». En d’autres termes, c’est « l’ensemble des activités qui échappent à la politique économique et sociale, et donc à toute régulation de l’État ». Les médicaments concernés par ce circuit peuvent être bons ou mauvais.
Selon le Code de la Santé (français comme malgache), on entend par médicament «toute substance, composition ou préparation présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales ainsi que tout produit pouvant être administré à l’homme ou à l’animal, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques» .
A contrario, un «médicament frauduleux» est un «pseudo» produit de santé qui n’est pas ce qu’il prétend être, et qui est destiné à tromper le consommateur. En l’occurrence, cela concerne tous les produits médicaux de qualité inférieure (ne remplissant pas tous les standards de qualité requis ou annoncés), faux (placebos, produits toxiques), faussement étiquetés, falsifiés (fausse information concernant l’identité ou la source du produit) ou contrefaits (reproduction frauduleuse) .
Partout dans le monde, le marché informel des médicaments représente un véritable fléau, que ce soit dans les pays développés ou en développement, et son ampleur a atteint des proportions alarmantes ces dernières années.

L’émergence du marché illicite à Madagascar

Le marché noir, communément appelé marché « illicite » à Madagascar, aurait débuté dans les années 1980. Lors d’une campagne de prophylaxie du paludisme lancée en 1978, le MINSANP a permis la vente de chloroquine par les agents de santé des villages. Après l’arrêt du programme, ces agents ont repris cette activité à leur propre compte et ont ouvert de véritables points de vente de médicaments non enregistrés. Les vendeurs sur les marchés ainsi que les marchands ambulants sont apparus quelques temps plus tard, en s’approvisionnant via des détournements de dons à destination des hôpitaux. Par ailleurs, les épiceries de quartiers ont aussi commencé à détenir un minimum de cinq médicaments : paracétamol, cotrimoxazole, tétracycline, ibuprofène et aspirine .
Le commerce de médicaments dans les rues serait né au cœur du quartier de « 67 hectares ». Ce quartier, situé dans l’ouest de Tananarive, abritait la Cité universitaire. Selon les vendeurs de la capitale, ce sont les étudiants Betsileo qui auraient eu l’idée de se lancer dans la vente de médicaments afin de financer leurs études. Le commerce s’avéra extrêmement rentable et les fruits furent tangibles : ils retournèrent dans leur commune d’origine au volant de voitures luxueuses, et construisirent de belles propriétés avec «l’argent du médicament». Ces étudiants sont à la source d’un réel mythe autour du médicament, perçu par les vendeurs contemporains comme un produit lucratif, un commerce facile et permettant de s’enrichir rapidement .

Table des matières

Introduction
1. Présentation de Madagascar
1.1. Situations géographique et démographique
1.1.1. Relief
1.1.2. Climat
1.1.3. Faune et flore
1.1.4. Organisation territoriale et administrative
1.1.5. Population
1.1.5.1. Données démographiques
1.1.5.2. La société malgache
1.2. Histoire du pays
1.2.1. Les origines du peuple malgache
1.2.2. La pénétration européenne
1.2.3. La royauté malgache : l’histoire des merina
1.2.4. La période coloniale
1.2.5. La lutte pour l’indépendance
1.2.6. La République malgache
1.2.6.1. La Première République
1.2.6.2. La Deuxième République
1.2.6.3. La Troisième République
1.2.6.4. La crise politique de 2001-2002
1.2.6.5. L’État de transition
1.2.6.6. A la recherche d’une stabilité politique
1.3. Situation politique
1.4. Situation socio-économique
1.4.1. La situation en 2008
1.4.2. Les conséquences de la crise : l’état du pays en 2013
1.4.3. L’évolution depuis 2014
1.5. Santé et éducation
1.5.1. Santé
1.5.1.1. La situation sanitaire actuelle
1.5.1.2. Les conséquences de l’insalubrité
1.5.2. Éducation
2. Système national de santé et de la protection sociale
2.1. Historique du système de santé
2.2. Organisation du système de santé
2.2.1. Les différents niveaux d’institution
2.2.2. Les différents secteurs du système de santé
2.2.3. Organisation des soins
2.2.3.1. Le secteur public
2.2.3.2. Le secteur privé
2.2.4. Les limites de l’offre de soins
2.3. La sécurité sociale
2.4. La population pharmaceutique
2.5. L’administration pharmaceutique
2.5.1. La Direction de la Pharmacie, du Laboratoire et de la Médecine Traditionnelle
2.5.2. L’Agence du Médicament de Madagascar
2.6. Le circuit du médicament
2.6.1. Le secteur public
2.6.1.1. La centrale d’achat SALAMA
2.6.1.2. Financements
2.6.2. Le secteur privé
2.6.2.1. Les acteurs du circuit du médicament dans le privé
2.6.2.2. Politique de prix des médicaments
2.6.2.3. La répartition géographique de la branche pharmaceutique
3. Le marché illicite des médicaments
3.1. Définitions
3.1.1. Dans le monde
3.1.2. A Madagascar
3.2. L’émergence du marché illicite à Madagascar
3.3. Organisation du marché illicite : le cas du quartier d’Ambohipo
3.3.1. L’approvisionnement
3.3.1.1. Les dépôts pharmaceutiques
3.3.1.2. Les officines
3.3.1.3. Internet
3.3.2. La vente
3.3.2.1. Une affaire familiale
3.3.2.2. Les points de vente
3.3.2.3. Les racoleurs
3.3.2.4. La concurrence entre vendeurs
3.3.2.5. Un semblant de dispensation
3.3.2.6. La vente en province
3.3.2.7. Un commerce lucratif ?
3.4. La clientèle d’Ambohipo
3.4.1. Les particuliers
3.4.2. Des professionnels de santé
3.5. Les dangers du marché illicite
3.5.1. Les médicaments frauduleux
3.5.2. Les « vrais » médicaments
3.5.3. Le stockage
3.5.4. Des conséquences économiques
3.6. Les raisons de la subsistance du marché illicite
3.6.1. L’accessibilité financière des médicaments : l’étude OMS/HAI
3.6.1.1. Contexte de l’étude
3.6.1.2. Résultats
3.6.1.3. Conclusion de l’étude
3.6.1.4. Situation actuelle
3.6.2. La proximité sociale et culturelle
3.6.3. La flexibilité des vendeurs
3.6.4. L’accessibilité géographique et la qualité de service
3.6.5. L’ignorance
3.6.6. La responsabilité des autorités
3.7. Les moyens de lutte : un comité spécialisé
3.7.1. Le Comité National de 2009 à 2015
3.7.1.1. Sa création
3.7.1.2. Ses actions
3.7.2. Le Comité Interministériel depuis 2015
3.7.2.1. Sa création
3.7.2.2. Ses actions
3.7.3. Une volonté politique réaffirmée
3.7.4. Stratégies de lutte : le plan d’action 2017-2021
3.7.4.1. Volet législation et réglementation
3.7.4.2. Volet pharmaceutique
3.7.4.3. Volet social et sensibilisation
3.7.5. Mise en œuvre du plan d’action
4. Les différentes perspectives d’amélioration
4.1. Propositions du PSNLCMIM
4.1.1. Le système de traçabilité des médicaments authentiques
4.1.1.1. Un double avantage
4.1.1.2. Un inconvénient de taille
4.1.2. Les Remèdes Traditionnels Améliorés
4.1.2.1. Intégration dans le système de soin
4.1.2.2. Homéopharma
4.1.3. La Couverture Santé Universelle (CSU)
4.2. Réflexions personnelles
4.2.1. Respect du budget alloué à la santé
4.2.2. Favoriser l’industrie pharmaceutique locale
4.2.3. Dérogation du MINSANP pour l’exonération de l’AMM
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *