Les facteurs influant la sécurité alimentaire

La sécurité alimentaire

« Un peuple affamé est une honte pour le roi ». Cet adage du temps de l’illustre roi Andrianampoinimerina montre l’importance de la sécurité alimentaire pour la bonne gouvernance d’une Nation. La sécurité alimentaire est depuis toujours une affaire d’Etat, non seulement à Madagascar mais partout dans le Monde à l’instar de l’Egypte antique gouverné par le Pharaon et qui a désigné le patriarche Joseph pour gérer la période de sept années de surproductions suivies de sept années de famine. Le but était d’assurer la sécurité alimentaire des égyptiens voire les peuples voisins dans le long terme. Aucun dirigeant et aucune institution, pour asseoir leur notoriété, ne peuvent se permettre d’ignorer ni sous-estimer le problème de l’insécurité alimentaire. En effet, la sécurité alimentaire est en corrélation avec la paix sociale et la famine cohabite avec la pauvreté (Drogué & al., 2006). L’insécurité alimentaire constitue l’un des facteurs de blocage du développement car « le ventre faim n’a pas d’oreille ». Ce qui signifie que dans un contexte d’insécurité alimentaire, toute tentative d’action de développement est vouée à coup sûr à l’échec. Le besoin alimentaire figure parmi les besoins fondamentaux et physiologiques dans la hiérarchisation de la pyramide de Maslow. Les besoins physiologiques se trouvent en bas de l’échelle en dessous des besoins de sécurité, ceux d’appartenance et d’amour, ceux d’estime et celui d’accomplissement de soi.

La théorie d’Abraham Maslow insinue que l’être humain ne peut progresser et évoluer vers un échelon supérieur que si et seulement si le besoin inférieur soit satisfait. Les dirigeants consciencieux d’antan en étaient si avertis de cette logique humaine qu’ils n’ont pas manqué de considération de la sécurité alimentaire de leurs sujets. Dans la même foulée, la communauté internationale, sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies a lancé le « défi de la zéro famine » (FAO, 2014b) pour briser l’épée de Damoclès et assurer la sécurité alimentaire des sept milliards d’habitants de la planète Terre. Etat de l’art et méthodologie 10 Ceci revient à dire que la sécurité alimentaire reste un sujet incontournable et d’actualité à tous les niveaux notamment pour la gouvernance et la recherche. Les points relatifs au concept de la sécurité alimentaire, son évolution et son contexte actuel, la malnutrition, les facteurs influant la sécurité alimentaire, le cas de Madagascar et le cas de la zone d’étude seront survolés dans cette partie. 

Le concept de la sécurité alimentaire

En 1996, l’organisation mondiale pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) a statué que la sécurité alimentaire est effective « quand toutes les personnes, à tout moment, bénéficient d’un accès physique, social et économique à la nourriture en quantité suffisante de façon à satisfaire leurs besoins diététiques ainsi que leurs préférences culturelles, et qui leur permet de mener une vie active et saine» (PAM, 2005). La vision classique, ayant défini la sécurité alimentaire comme une question d’adéquation entre l’offre et la demande alimentaires, est ainsi révolue. Il ne suffit plus d’augmenter la production agricole et de ralentir la croissance démographique pour parvenir à une sécurité alimentaire effective (CIRAD, 2014a). De cette nouvelle définition découlent les trois facteurs incontournables de la sécurité alimentaire ? Il s’agit de la disponibilité de la nourriture, de l’accessibilité à la nourriture et de l’utilisation de la nourriture (FISCR, 2005). « Il y a sécurité alimentaire si et seulement si ces trois dimensions de la sécurité alimentaire (disponibilité, accès et utilisation) sont satisfaites à tout moment » (PAM, ibid.). L’accès aux aliments sous-entend la capacité de produire tandis que la disponibilité est particulièrement liée au problème des zones n’ayant pas une production alimentaire suffisante. La qualité de l’alimentation couvre les aspects nutritionnel, sanitaire, sensoriel et socio-culturel. Le CIRAD avance une dimension supplémentaire qu’est la régularité. Celle-ci fait allusion à la disponibilité, aux moyens d’accès à l’alimentation et à sa qualité. La stabilité des prix et des revenus de la population vulnérable entre dans cette ligne (CIRAD, ibid.).

La disponibilité des aliments

La disponibilité de la nourriture sous-entend qu’elle soit physiquement disponible aux niveaux national, régional et local. C’est la nourriture qui existe (FISCR, ibid.). La disponibilité alimentaire dépend surtout de la production agricole du pays et de sa capacité d’importer de la nourriture en quantité répondant aux besoins. Pour les agriculteurs, la disponibilité des aliments est fonction de la production agricole de l’exploitation et de la disponibilité des aliments sur le marché (PAM, ibid.). Etat de l’art et méthodologie 

L’accès aux aliments

L’accessibilité de la nourriture traite la manière dont les gens peuvent acquérir ce qui est disponible entre autres par la production, le stock, l’achat, le troc, le cadeau, l’emprunt et l’aide alimentaire. L’accessibilité de la nourriture est fonction de la disposition des ressources pour s’en procurer ; elle peut être réduite par l’insécurité et la disparition de la protection sociale (FISCR, op. cit.). L’accès aux aliments est en fonction de la capacité des ménages à accéder à une quantité suffisante aux nourritures par la production, l’achat, les transferts, les dons voire le mélange de ces mécanismes. On distingue l’accès physique et l’accès économique. La première dépend de la condition de transport tandis que la seconde dépend en l’occurrence du pouvoir d’achat du ménage autrement dit du niveau de revenu et du prix (PAM, op. cit.). c. L’utilisation des aliments L’utilisation de la nourriture englobe la façon dont la population utilise la nourriture. Elle est liée à la qualité des aliments, le stockage, la préparation, les principes nutritionnels de base et l’état sanitaire du consommateur (FISCR, op. cit.).

Elle fait allusion à la capacité des ménages et des individus à préparer, à conserver, à consommer et à absorber les aliments de façon à maximiser la valeur nutritionnelle des aliments. L’utilisation des aliments est ainsi fonction des connaissances nutritionnelles des individus mais aussi de la diversification équilibrée des régimes alimentaires d’un environnement « sain » afin de minimiser l’incidence des maladies et des infections (PAM, op. cit.). Un quelconque problème sur les trois facteurs de la sécurité alimentaire – disponibilité-accessibilité-utilisation- compromettrait la sécurité alimentaire (FISCR, op. cit.). En somme, la sécurité alimentaire est un concept multidimensionnel qui intègre à la fois les notions de disponibilité, d’accessibilité et d’utilisation des aliments ainsi que la stabilité, les risques et la pauvreté. La sécurité alimentaire concerne les aliments existants et ses constituants. La disponibilité sans une distribution adéquate au profit de la population n’évite pas le problème de la famine. Il faut ainsi assurer l’accès physique et l’accès économique de la population aux aliments. Un statut nutritionnel adéquat est crucial pour le développement physique et cognitif de l’individu ainsi que pour la croissance économique de la société. Dans ce sens, la vulnérabilité de la sécurité alimentaire est définie comme la probabilité pour un individu ou ménage de tomber ou rester au-dessous du seuil de sécurité alimentaire pendant un certain temps. Faut-il noter la différence entre vulnérabilité et insécurité alimentaire. La seconde décrit l’état du bien être d’une personne tandis que la première est basée sur la Etat de l’art et méthodologie 12 probabilité de rester et de tomber dans l’insécurité alimentaire dans le futur.

Les risques, les dangers, les chocs, les conflits armés et les catastrophes naturels causent des risques significatifs sur la sécurité alimentaire de la population, en particulier quand ces derniers sont vécus dans un contexte de pauvreté, de gouvernance rudimentaire, de rareté de ressources, de moyens d’existence non pérenne et de défaillance des institutions locales. Dans cette circonstance, un choc ponctuel peut devenir un cercle vicieux où le pays aura du mal à s’en sortir pour reprendre le chemin du développement à long terme. Parmi les facteurs déterminants de la famine, la pauvreté en est le plus important. Tout comme la famine, la pauvreté est aussi un système à multiple facette. La pauvreté n’est pas seulement considérée comme la faiblesse de revenu ou de la consommation ; elle comprend la privation en matière de santé, d’éducation, de nutrition, de sécurité, de responsabilisation et de dignité. La vulnérabilité constitue en grande partie une dimension de la pauvreté (FAO Africa, 2012).

Les facteurs influant la sécurité alimentaire

D’après le rapport de la FAO Afrique (2012) la sécurité alimentaire est influée par un certain nombre de facteurs : – la population et la démographie qui, pour l’Afrique, affichent un taux de croissance deux fois plus que pour les autres régions ; particulièrement pour la population agricole qui est de 1,5% en Afrique contre 0,3% pour le Monde, – la place de la femme dans l’agriculture : augmenter l’accès des femmes au terrain est crucial si l’on veut lutter contre la famine et la pauvreté. Une disparité est constatée entre l’homme et la femme dans la plupart des pays quel que soit le niveau de développement. Selon la Banque mondiale, le fait de donner aux femmes la même possibilité d’accès aux intrants qu’aux hommes améliore le rendement et augmente la productivité agricole à l’instar de la production de maïs au Malawi et Ghana, – la terre et les ressources en eau : La superficie de terrain par personne reste faible, c’est de l’ordre de 0,15ha/personne pour certains pays comme la Côte d’Ivoire, la République Démocratique du Congo, l’Egypte, l’Erythrée, la Mauritanie, Madagascar, la Sierra Léone et la Somalie, – la force de travail : elle assure les travaux dans les exploitations.

A titre de comparaison, le taux de travail pour l’Afrique est 60,7%, ce qui n’est pas loin de celui des pays asiatiques et ceux d’Amérique latine qui est de l’ordre de 61,5%, – le capital et l’investissement : étant donné leur importance dans l’agriculture, les pays qui embrassent une bonne performance en termes de réduction de la pauvreté et de la faim sont ceux qui ont réalisé un taux d’investissement élevé par agriculteur,  – les intrants tels que les pesticides peuvent augmenter la productivité mais quand ils sont utilisés inconvenablement, ils sont toxiques pour l’homme et les espèces, – l’infrastructure : un des facteurs déterminants ayant causé le recul de l’agriculture est l’absence d’infrastructure adéquate. L’amélioration des infrastructures rurales de base entre autres la route, l’électrification, le stockage est prérequis pour développer le secteur agricole, – la macroéconomie : les changements politiques à l’échelle macroéconomique affectent la performance de l’économie agricole : par exemple, le changement de taux d’intérêt et l’inflation ont des impacts tangibles sur les prix des intrants, des terres et des vivres. 

L’insécurité alimentaire

D’après le Programme Alimentaire Mondiale (PAM, op. cit.), « La vulnérabilité à l’insécurité alimentaire est la combinaison entre l’exposition aux risques et aux chocs, c’est d’une part la vulnérabilité externe et la capacité des ménages à mitiger les effets de ces chocs sur leur système de vie, c’est d’autre part la vulnérabilité interne ». Un ménage est vulnérable à l’insécurité alimentaire lorsqu’il court le risque de tomber facilement dans l’insécurité alimentaire suite à l’exposition au choc tel que la sécheresse, l’attaque acridienne, la hausse significative des prix. Son incapacité à se protéger et à préserver sa consommation alimentaire y joue un rôle primordial. En effet, la capacité des ménages à faire face aux aléas a une dimension socio-économique. Cette capacité est constituée en l’occurrence par leur dotation en capital humain, social, économique et financier.

La structure et la diversification de leur base de revenus en font partie aussi. Il est quand même important de nuancer que « les ménages vulnérables ne sont pas forcément en insécurité alimentaire à un moment donné mais ils ont une forte probabilité d’y tomber à cause d’un choc externe. Par contre, les ménages en insécurité alimentaire sont vulnérables au choc » (PAM, op. cit.). L’insécurité alimentaire est à l’origine des dommages durables aux générations futures, à l’environnement et à la santé physique. La malnutrition quant à elle n’est pas causée seulement par l’insécurité alimentaire mais aussi par d’autres facteurs tels que la maladie, l’insalubrité, la pollution de l’eau, la négligence parentale ainsi que les habitudes alimentaires, l’absence de centres de santé, la disponibilité limitée d’eau potable et de médicaments. De plus, des causes sous-jacentes à la malnutrition sont aussi à noter comme les causes structurelles. Ces dernières sont en général très difficiles à maîtriser surtout quand il s’agit du régime politique, des infrastructures, de la qualité des ressources à l’instar des terres affectées Etat de l’art et méthodologie 14 à l’élevage ou à la culture, ou encore la pluviosité. Pourtant, ils ont une emprise sur la santé publique, la sécurité alimentaire ainsi que l’environnement social et familial (FISCR, op. cit.). 

Analyse et évaluation de la sécurité alimentaire

L’analyse de la sécurité alimentaire doit considérer sa composition tridimensionnelle à savoir la disponibilité des aliments, l’accessibilité des aliments, l’utilisation des aliments. Chaque dimension ne peut être décrite qu’en considérant simultanément plusieurs indicateurs. La qualité du régime alimentaire, en termes de fréquence et de diversité de la diète, constitue une dimension flagrante de la sécurité alimentaire (PAM, op. cit.). Par ailleurs, la perte d’aliments représente un coût significatif pour l’économie mondial et la nutrition de la population de la planète. Tous les niveaux du système alimentaire en sont concernés, depuis la production jusqu’à la distribution. Le gaspillage, quant à lui est typique au système alimentaire des pays développés (FAO Africa, 2012). Sous un autre angle, la sécurité alimentaire peut être analysée avec deux indicateurs principaux. Ce sont la quantité et la qualité du régime alimentaire. Un régime alimentaire est quantitativement pauvre si la consommation journalière par personne est en dessous de 2.250 kcal. Il est qualitativement pauvre s’il est constitué de céréales et de féculents à plus de 85% (PAM, 2014). « Les évaluations aident à comprendre une situation de crise et à préciser les risques que celle-ci comporte pour la vie, la dignité, la santé et les moyens de subsistance. Une évaluation approfondie ne permet pas seulement d’identifier les besoins d’une communauté donnée ; elle procure aussi une compréhension du contexte et de la dynamique qui ont entraîné ou vont entraîner une situation de crise ».

Dans ce sens, l’évaluation de la sécurité alimentaire étudie en profondeur les moyens de subsistance, les besoins alimentaires, les ressources à la disposition, l’accès aux ressources et le moment, la différence entre situation normale et situation de crise ainsi que le besoin d’assistance ou non. L’évaluation d’une sécurité alimentaire doit considérer les différents groupes de personnes et prévoir l’imminence d’une crise ou la durée de l’insécurité alimentaire. L’objectif ultime de l’évaluation est « de tirer des conclusions concernant la disponibilité de la nourriture pour l’ensemble de la communauté, l’accessibilité des divers groupes à la nourriture et l’utilisation de la nourriture au sein des ménages et d’indiquer en quoi et pourquoi la situation a évolué en indiquant les groupes vulnérables face à l’insécurité alimentaire » (FISCR, op. cit.).

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