PERCEPTION ET VECU DE LA CESARIENNE

PERCEPTION ET VECU DE LA CESARIENNE

RAPPELS SUR LA CESARIENNE

Historique

La césarienne est certainement l’un des plus anciens actes chirurgicaux réalisés par l’homme. Sa fréquence, sa morbidité et sa technique ont évolué au gré des découvertes médicales et de l’évolution des sociétés [30]. Son histoire peut être divisée en quatre périodes : de l’antiquité au moyen âge avec la pratique de la césarienne post-mortem, du 16ème au 19ème siècle pour la césarienne sur femme vivante, du 19ème au début du 20ème siècle avec l’avènement de l’asepsie chirurgicale et au 21ème siècle avec l’apparition de nouvelles techniques et technologies.

De l’antiquité au moyen âge

L’histoire du mot « césarienne » lui-même est imprécise. Trois principales hypothèses sont retenues par les historiens [30]. La première hypothèse fait naître le mot « césarienne » d’une dérivation du mot latin caedere, qui signifie couper [87]. La seconde hypothèse fait référence au texte romain qui légalisait l’opération. Après la chute de la royauté et l’avènement des césars, cette loi fut nommée la loi César. C’est donc le nom de cette loi qui, pour certains, est à l’origine du nom de cette intervention [11]. Enfin, une troisième hypothèse fait naître ce mot d’un mythe historique. Au cours du moyen- âge, la traduction d’un texte de Pline l’ancien a fait penser que Jules César était né par voie abdominale. C’est en souvenir de cette naissance que l’on aurait attribué son nom à cette intervention [30]. De nos jours, les mots allemands « Kaiserschnitt » ou « Kaisergeburt » désignant la césarienne signifient coupure ou naissance impériale. Chez les romains, les Etrusques et certaines populations de l’Inde, une césarienne post-mortem devait être pratiquée sur toute femme morte au terme d’une grossesse. Il est écrit dans le Talmud : « si une femme meurt pendant qu’elle est en travail, il faut prendre un couteau pour lui ouvrir le ventre pour extraire l’enfant… » [3]. Figure 1 : Représentation de la mise au monde d’Esculape par extraction post mortem. D’après une gravure du livre d’Alessandro Benedetti « De re medica », Venise, 1533[85].

Du 16ème au 19ème SIECLE

césarienne sur femmes vivantes Celui qui a réalisé la première césarienne sur femme vivante et à quelle date n’est pas vraiment connu [4]. Selon certains récits de la fin du 16ème siècle, la première césarienne aurait été réalisée en 1500, non par un médecin mais, par un éleveur de porcs suisse du nom de Jacques Nufer. En effet, son épouse Elisabeth était restée en travail pendant de longues heures et n’avait pu accoucher malgré les efforts de 13 sages-femmes. Son mari demanda alors la permission aux autorités d’intervenir lui même. L’enfant survécut, Elisabeth fût guérie et accoucha par la suite 5 fois dont une fois de jumeaux [30]. 7 D’autres récits attribuent la première césarienne à Trautmann et Seet en 1610 dans un contexte post traumatique chez une femme présentant une éventration abdominale avec l’utérus sous la peau [32, 94]. Mais, c’est à François Rousset (Avignon, 1581) que l’on doit la première description de la technique de césarienne sur femme vivante dans son traité intitulé « Enfantement césarien » [84]. Cependant, il avait minimisé les deux principales complications responsables d’une mortalité maternelle élevée : l’hémorragie et l’infection. En effet, du 16ème au 19ème siècle, le nombre de césarienne avait augmenté ; mais cette intervention était très meurtrière. La suture de l’hystérotomie, seule capable de juguler l’hémorragie, était considérée comme dangereuse car se compliquant d’infection et empêchant un bon drainage. La suture de l’hystérotomie est pratiquée pour la première fois par Lebas en 1790 avec un fil d’argent et c’est en 1877, que fut réalisée la première suture extra-muqueuse [3]. 

Du 19ème siècle au début du 20ème siècle : avènement de l’asepsie chirurgicale

La césarienne va être marquée par la naissance de l’antibiothérapie, qui va d’ailleurs révolutionner l’univers entier de la chirurgie, et par les progrès constants réalisés dans les domaines de l’anesthésie et de la réanimation [8]. En effet, jusqu’au milieu du 19ème siècle, la césarienne était considérée comme un acte désespéré, déconseillé par la grande majorité des obstétriciens. Ce n’est qu’avec l’apparition de ce que Mondor appela « le trépied d’or de la chirurgie » (anatomie, asepsie, anesthésie) que la césarienne fut progressivement réhabilitée avec les travaux d’Eduardo Porro, chirurgien italien [6]. Ce dernier eut l’idée de réaliser une hystérectomie au décours de la césarienne, en vue de faire chuter la mortalité maternelle en cours de césarienne, car selon lui, les causes de mortalité au cours de la césarienne était soit l’hémorragie 8 cataclysmique mal contrôlée, soit l’infection résultant de la plaie utérine laissée ouverte dans l’abdomen [3]. Pour éviter la mutilation de l’hystérectomie, deux chirurgiens allemands, Adolf Kehrer et Max Sanger vont reprendre les essais de suture utérine [3]. Max Sanger proposa une incision d’hystérotomie utérine corporéale et une suture en deux plans de l’utérus avec des fils d’argent et de soie. Kehrer réalisa une suture utérine en deux plans (musculo-muqueux et péritonéal), une incision d’hystérotomie segmentaire transversale et une ventro-fixation utérine avec une suture de la plaie à la paroi 

A partir du 20ème siècle

Cette période marque l’avènement de l’incision segmentaire et l’évolution des indications de césarienne avec l’apparition des indications fœtales. Cette étape est également celle de l’évaluation de la cicatrisation utérine par l’hystérographie et par l’échographie avec la mesure de l’épaisseur du segment inférieur [83, 87]. Cette époque a coïncidé également avec les progrès remarquables réalisés dans le domaine de l’anesthésie, de la transfusion sanguine, mais aussi dans la maîtrise de l’utilisation des ocytociques. Tous ces facteurs ont conduit à une augmentation considérable du nombre de césariennes. I.2. Epidémiologie I.2.1. Fréquence de la césarienne Selon l’OMS, « En proportion des naissances dans une population, le taux de césariennes doit être compris entre 5 % et 15 %, car un taux inférieur à 5 % indiquerait que certaines femmes avec des complications sévères ne recevraient 9 pas le niveau de soins adéquat et un taux supérieur ou égal à 15% indiquerait l’existence de césariennes abusives» [68]. Cependant, au cours des dernières années, ce taux n’a cessé d’augmenter malgré les recommandations de l’OMS.

Dans le monde

En France, les enquêtes périnatales montrent que ce taux atteignait 20 % en 2003 alors qu’aux USA il était de 30 % en 2005 [64]. L’expérience suisse montre qu’à l’Hôpital de Genève, le taux de naissances par césarienne a pratiquement doublé en 11 années passant de 13,9 % en 1996 à 25,6 % en 2007 [13]. De même, à Liverpool, une publication datant de 2003 a montré une augmentation d’environ 10 % du nombre de césariennes entre 1995 et 2001 [13]. Le Royaume Uni et l’Allemagne dépassaient quant à eux récemment le taux de 20 % .

En Afrique

Cette tendance inflationniste est également un phénomène commun à la plupart des pays en développement. Au Mali, la série hospitalière de Togara avait retrouvé un taux de 12,8 % en 2004 alors que ce taux atteignait 25,18 % en 2006 dans l’étude de Atade au Bénin [2, 97]. Au Sénégal, le taux de césarienne est passé de 17,5 % entre 1992 et 1996 à 25,2 % en 2001 d’après une étude prospective menée dans les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) de Dakar [21]. Actuellement le taux national est estimé à 6 % [79]. 10

Facteurs favorisants l’augmentation du taux de césarienne

D’après l’étude de la DREES (Direction de la Recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) en France, l’augmentation des taux de césarienne serait multifactorielle.  Facteurs socio-démographiques Les taux de césariennes augmentent avec l’âge maternel ; ils sont estimés à 12,3 % chez les patientes de moins de 20 ans, alors qu’ils atteignent 27,6 % pour les femmes de plus de 40 ans [16]. Concernant le Sénégal, le taux de césarienne est plus élevé dans les régions de Dakar et Thiès comparé aux autres régions: moins de 2 % dans les régions de Tambacounda, Kaolack et Kaffrine, contre 16 % à Dakar et 7 % à Thiès [79].  Facteurs médicaux La césarienne est plus fréquente chez les patientes qui présentent un ou plusieurs facteurs de risque. En particulier, la seule présence d’une dystocie, d’un antécédent de césarienne ou d’une présentation particulière du fœtus accroissent respectivement la probabilité de subir une césarienne jusqu’à 51, 52 et 74 % [21]. D’autres pathologies moins fréquentes, mais souvent considérées comme des indicateurs de risque, s’accompagnent, elles aussi, de taux de césariennes particulièrement importants. C’est le cas des grossesses multiples avec le développement de la Procréation Médicalement Assistée (PMA), de l’hypertension artérielle sévère ou du diabète gestationnel. Il en est de même pour les accouchements prématurés qui se font par césarienne dans plus d’un tiers des cas. Facteurs organisationnels Le taux de césarienne semble dépendre de la nature de l’établissement. D’après l’étude de la DREES, les établissements privés sous Objectif National Quantifié (ONQ) effectuent proportionnellement un peu plus de césariennes que les établissements privés sous Dotation Globale (DG) qui en réalisent eux même davantage que les établissements publics avec des taux respectifs de 19 %, 18 % et 17,5 % [16]. Il dépend également du niveau des maternités et donc de la disponibilité des moyens de prise en charge des grossesses à risque. Pour ces pathologies révélatrices d’un risque, le niveau d’autorisation des maternités joue donc un rôle spécifique.  Facteurs médico-légaux L’excès de prudence qui fait, comme le disait Odent « qu’on ne donne plus aux femmes le « temps » d’accoucher » est également un facteur non négligeable de hausse du taux de césarienne [80]. Dans les années 50 et jusqu’au début des années 1980, une durée de 24 heures entre les premières contractions et la naissance du bébé était considérée comme normale. A l’heure actuelle, l’on considère que la durée normale du travail est de 6 à 8 heures et l’équipe médicale commence à s’inquiéter si elle dépasse 12 heures, tout en imposant souvent l’immobilité en position allongée, ce qui risque de ralentir le processus de la naissance [80]. De nos jours, ce sont les protocoles hospitaliers qui déterminent les délais « raisonnables » d’un accouchement. Si les équipes médicales estiment que l’accouchement dure trop longtemps, elles interviennent dans le processus de la naissance en tentant d’accélérer le travail ; alors qu’il suffirait parfois de changer la patiente de position, de préserver son intimité (lumière, environnement sonore, nombre de personnes intervenant) et de lui apporter un véritable soutien par une présence continue pour résoudre le problème.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I-RAPPELS SUR LA CESARIENNE
I.1.Historique
I.2. Epidémiologie
I.3. Classification des indications de césarienne
I.4. Techniques de césarienne
II. Perception de la césarienne
II.1. Dans le monde
II.2. En Afrique
III. Conséquences de la césarienne
III.1. Conséquences physiques
III.2.Conséquences psychosociales
III.2.1.Chez la patiente césarisée
III.2.2. Sur la relation mère-enfant
III.2.3. Impact sur le père
DEUXIEME PARTIE : NOTRE TRAVAIL
I. Cadre d’étude
I.1. Le site de l’étude
I.1.1. Les locaux
I.1.2. Le personnel
I.1.3. Les activités
II. Patientes et méthodes
II.1. Type d’étude
II.2. Population d’étude
II.3. Recueil et analyse des données
II.4. Contraintes et limites
III. Résultats
III.1. Résultats descriptifs
III.2. Résultats analytiques
III.2.1. Vécu et caractéristiques socio-démographiques
III.2.2. Vécu de la césarienne et préparation
IV. Discussion
IV.1. Aspects épidémiologiques
IV.2. Aspects psychosociau
IV.3. Aspects physiques
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES
ANNEXES

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