Proposition d’outils pour la réalisation des consultations pédiatriques systématiques de 0 à 6 ans

Compétences pédiatriques en médecine générale

Il existe une variabilité dans la prise en charge des enfants entre spécialistes et généralistes. L’intérêt de la consultation, le temps consacré, l’accompagnement des parents et les équipements de dépistage sont différents entre pédiatres et généralistes. Chacun aborde le suivi à sa manière. Des projets ont été développés pour répondre à cette situation.

Réformes de l’Examen National Classant

La médecine générale est de plus en plus confrontée au suivi régulier des enfants. Malgré une modification récente de la maquette du DES de médecine générale permettant aux internes d’effectuer des stages de pédiatrie en ambulatoire, la formation initiale à l’égard des petits patients reste encore précaire. Tous les internes de médecine générale ne bénéficient pas de ce stage et certains s’installent sans avoir vu d’enfants depuis leur externat.
Pour tenter de faire face à cette situation, les ministères de la santé et des études supérieures ont ajouté des postes disponibles à l’ECN (Examen National Classant).
En dix ans, la région PACA a vu son effectif total d’internes augmenter de 2.4 %, passant de 186 en 2006 à 446 en 2016. Cette hausse est inégale entre spécialités. Le nombre de généralistes s’est élevé de +282 % passant de 83 en 2006 à 234 en 2016 et celui des pédiatres est passé de 8 à 18 soit + 225 % . Nous observons une démographie en croissance avec un taux de natalité de +1.04 % pendant cette même période . Ces chiffres montrent la volonté des pouvoirs publics à former davantage de praticiens pour répondre aux besoins. Mais également, l’intention de déporter progressivement l’activité pédiatrique en médecine générale.
Cette mesure sera complétée par le renforcement de la formation pédiatrique. Des stages obligatoires en pédiatrie (pédiatrie hospitalière, pédiatrie ambulatoire, protection maternelle et infantile, etc.) seront mis en place pour les internes de médecine générale .

Loi Santé.

Les pouvoirs publics s’inquiètent de la conjoncture actuelle. Dans ce cadre-là, la Commission Nationale de la démographie des Professions de santé a publié en mars 2013 ses travaux sur la prise en charge de la santé de l’enfant et de son suivi .
Leurs conclusions ont été reprises par le Projet de la loi Santé présenté par Marisol Touraine en octobre 2014 et voté par l’Assemblée Nationale le 14 avril 2015. Une des mesures a pour objectif de renforcer la coordination des soins autour de l’enfant. Leur parcours de soins n’est, actuellement, organisé qu’autour des examens obligatoires du nourrisson, du calendrier des vaccinations et des examens de médecine scolaire aux âges clés. En dehors de ces consultations, les enfants ne sont pas incités à consulter pour un suivi. La désignation d’un médecin traitant devient obligatoire. Celui-ci peut-être un pédiatre ou un généraliste. Cela affirme la volonté des pouvoirs publics à impliquer les médecins généralistes dans les consultations systématiques. Elle a pour but de faciliter la mise en œuvre des mesures de prévention (prévention de l’obésité, amélioration du suivi vaccinal, prévention du tabagisme, lutte contre l’alcool ou la consommation de drogues, etc.).
Mais cette loi santé fait polémique et divise. D’un côté les généralistes voient l’opportunité de clarifier la situation présente, étant donné qu’ils réalisent déjà 71 % des actes de 0 à 6 ans, contre 15 % pour les pédiatres. D’après eux, cela permettrait de valoriser les pédiatres en leur rendant leurs compétences d’expert de ville et de consultants. De l’autre, les pédiatres libéraux craignent que les médecins généralistes ne les sollicitent pas pour avis au profit de l’hôpital. Ils pensent aussi
être surchargés par les patients dont ils seraient le médecin traitant, les rendant indisponibles pour les autres enfants qui mériteraient un suivi plus approfondi et spécifique .

Biais d’interprétation ou biais de mesure

La méthode de mesure n’étant pas standardisée et les conditions d’entretiens n’étant pas similaires, des biais de mesure ont été produits . Certains interviews se sont déroulés en fin de journée alors que d’autres entre deux consultations, ce qui imposait aux médecins une contrainte de temps. Des entretiens ont été interrompus par des appels téléphoniques. Ces variables ont donc probablement affecté le recueil des données et ne permettent pas la reproductivité des entretiens. Par ailleurs, l’interviewer étant unique et n’étant pas formé aux études qualitatives, les premiers entretiens ont été sources de perte de renseignements, constituant aussi un biais d’interprétation. Au fil des interviews, ce biais a été atténué. Il y a également une notion de subjectivité dans les informations jugées pertinentes. De nombreuses données ont été recueillies grâce à ces 22 entretiens. Il a fallu faire le tri pour pouvoir répondre à la question de recherche et proposer une fiche conseil. Les résultats retenus comme judicieux ont été soumis à l’opinion de l’enquêteur.

Relais pédiatriques ambulatoires 

Les généralistes sont partagés lorsqu’il s’agit d’envoyer un enfant chez le pédiatre de ville. Les résultats de l’étude mettent en avant une scissure générationnelle. De manière globale, les omnipraticiens dont l’âge est supérieur à 50 ans perçoivent mal le rôle du pédiatre ambulatoire et les pédiatres sont conscients de cette perception de leur métier par les confrères. De la même manière, ces spécialistes de l’enfant ont tendance à dévaloriser l’activité des généralistes. L’ensemble des praticiens expliquent cette divergence d’opinion par la rancœur du passé. A l’époque, les généralistes avaient tendance à examiner uniquement les enfants malades (en soirée quand le cabinet pédiatrique était fermé) ou pendant leurs gardes. Certains se sont sentis frustrés de ne pas pouvoir faire du suivi.
Aujourd’hui, la pénurie de médecins et la mise en place d’un système de garde par secteur ont permis de minimiser ce phénomène. Les jeunes généralistes adressent leur petite patientèle plus facilement et avec moins d’amertume aux pédiatres libéraux et ceux-ci se disent prêts à recevoir leurs patients si nécessaire. Les généralistes communiquant avec les pédiatres y voient un gain de temps dans la prise en charge et une diminution de l’anxiété des parents.

Echanges pédiatres-généralistes

Communication entre spécialités : Il existe peu de relation entre pédiatres et généralistes ambulatoires. Ce bilan est regretté par tous les médecins interrogés. Ils y voient là un «cloisonnement décisionnel» pouvant conduire à une perte de chance pour l’enfant. Notre étude met en avant leur déception réciproque face à ce manque de communication, en espérant déclencher le dialogue et améliorer les échanges.
Les généralistes reprochent aux pédiatres de ville un manque de disponibilité ou des délais de prise en charge trop longs. A l’inverse les pédiatres de notre étude déclarent à l’unanimité être enclins à augmenter ces échanges. Le problème des intermédiaires (secrétariats présentiels ou à distance) est probablement en cause.
Propositions d’amélioration des rapports : Par les institutions : La circulaire DHOS/O1/DGS/DGAS n° 2004-517 du 28 octobre 2004 relative à l’élaboration des SROS (Schémas Régionaux d’Organisation Sanitaire) de l’enfant et de l’adolescent a pour objectif d’organiser la coordination des acteurs. Elle rappelle que « la prise en charge des enfants […] requiert que les médecins généralistes […] puissent collaborer avec les pédiatres hospitaliers et les pédiatres libéraux. Ces collaborations permettent l’actualisation des connaissances et le développement des protocoles de prévention, dépistage et traitement ; elles peuvent faciliter les demandes d’avis » . Cette circulaire insiste sur l’importance d’une prise en charge pluridisciplinaire et précise le rôle des différents intervenants pédiatriques.
En 2010, l’Ordre National des Médecins, forcé de constater cet individualisme, publie un rapport sur « les coopérations entre professionnels de santé » et réécrit, « en toute ironie, les dix commandements de la bonne coopération libérale » . Il insiste sur le fait que « la coopération des médecins est nécessaire pour l’efficacité des soins ».
Pour favoriser la communication inter-spécialités en ambulatoire, la convention nationale de 2016 propose une revalorisation de la consultation coordonnée. Depuis 1er janvier 2018, le médecin traitant qui adresse son patient à un médecin correspondant (comme un pédiatre) s’engageant à le prendre en charge dans un délai de 48h, peut majorer sa consultation de 5 € (Majoration Urgence médecin Traitant : MUT). De manière similaire, le médecin «receveur» peut ajouter 15 € supplémentaire à la consultation si le délai est respecté (Majoration Urgence médecin Correspondant : MCU) .
Par les médecins libéraux : Lorsque nous demandons aux praticiens des idées pour améliorer les rapports entre spécialistes, les formations communes sont systématiquement mentionnées mais aucune invitation officielle n’est lancée.
Pour les auteurs du rapport sur « les coopérations entre professionnels de santé », la pénurie de médecins et le changement dans le mode d’exercice vont entraîner inéluctablement une meilleure cohésion entre spécialistes afin de « travailler en toute intelligence ». Pour une meilleure prise en charge du patient et une meilleure qualité de vie professionnelle et personnelle, les médecins n’auront plus d’autre choix que de communiquer (quelques en soit le moyen : téléphone, email, rencontres, formations communes, etc…).
Les délais de réponse paraissent trop longs pour le généraliste. Des dispositions ont été prises pour améliorer la communication entre spécialités, favoriser les prises en charge partagées et encourager les généralistes à adresser leurs patients aux pédiatres libéraux plutôt que de surcharger les hôpitaux (valorisation des consultations). Mais pour la grande majorité des interviewés, ces mesures sont superflues et ne modifieront pas les comportements.

Table des matières

Introduction
I. Données socio-démographiques
II. Compétences pédiatriques en médecine générale
A. Réformes de l’Examen National Classant
B. Loi Santé
C. Nouvelle convention de 2016
III. Déficits sensoriels et le développement psychomoteur
A. Déficits auditifs
B. Déficits visuels
C. Développement psychomoteur
IV. Objectif de l’étude
Matériels et méthodes
I. Type d’étude
II. Déroulement de l’étude
III. Etude réalisée dans le groupe « pédiatres »
A. Population étudiée
B. Modalités de recrutement
C. Guide d’entretien
IV. Etude réalisée dans le groupe « généralistes »
A. Population étudiée
B. Modalités de recrutement
C. Guide d’entretien
V. Analyses des entretiens
A. Transcription des entretiens
B. Analyses des entretiens par la théorie ancrée
Résultats
I. Groupe « pédiatres »
A. Caractéristiques de l’échantillon « pédiatres »
B. Analyses des entretiens « pédiatres »
1. Organisation du cabinet
a) Organisation relationnelle
b) Organisation temporelle
c) Organisation spatiale
2. Moyens humains
a) Relais utilisés
b) Les échanges pédiatres-généralistes
3. Moyens matériels
a) Supports de connaissances
b) Matériels diagnostiques et thérapeutiques
4. Consultation de suivi de l’enfant
a) Missions
b) Difficultés rencontrées
5. Perspectives
a) Rôle futur du généraliste en pédiatrie
b) Intérêt d’une systématisation de la consultation pédiatrique
c) Alternatives envisagées
II. Groupe « Généralistes »
A. Caractéristiques de l’échantillon « Généralistes »
B. Analyses des entretiens « généralistes »
1. Organisation du cabinet
a) Organisation temporelle
b) Organisation spatiale
2. Moyens humains
a) Relais utilisés
b) Echanges pédiatres-généralistes
3. Moyens matériels
a) Supports de connaissances
b) Matériels diagnostiques et thérapeutiques
4. Consultation de suivi de l’enfant
a) Missions
b) Difficultés rencontrées
5. Perspectives
a) Au cabinet du généraliste
b) Dans le système de santé
Discussion
I. Forces et limites de l’étude
A. Force de l’étude
1. Originalité de l’étude
2. Méthodologie employée
3. Diversité et représentativité de l’échantillon
4. Sujet d’étude au cœur de l’actualité
B. Limites de l’étude
1. Biais de sélection
2. Biais de classement
a) Biais de mémorisation ou de déclaration
b) Biais d’interprétation ou biais de mesure
c) Biais d’évaluation
II. Analyse comparée des résultats obtenus entre le groupe « pédiatres » et « généralistes »
A. Organisation du cabinet
1. Organisation temporelle
2. Organisation spatiale
B. Moyens humains
1. Relais utilisés
2. Echanges pédiatres-généralistes
C. Moyens matériels
1. Supports de connaissances
2. Matériels diagnostiques et thérapeutiques
3. Consultation de suivi de l’enfant
a) Missions
b) Difficultés rencontrées
4. Perspectives
a) Rôle futur du généraliste en pédiatrie
b) Renforcer la multidisciplinarité
Conclusion
Annexes
Annexe 1 : Guide d’entretien semi-dirigé « pédiatres »
Annexe 2 : Guide d’entretien semi-dirigé « généralistes »
Bibliographie
Abréviations

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