Relations entre le fonctionnement des agroécosystèmes à base de fruitiers et les fourmis (Hymenoptera

Relations entre le fonctionnement des  agroécosystèmes à base de fruitiers et les fourmis 

Généralités sur la bio-écologie des fourmis 

Les fourmis, bien que petites créatures fragiles semblant insignifiantes individuellement parlant, sont un des groupes dominants de la biomasse animale mondiale. Mais elles sont innombrables et leur importance est valorisée autant par leur nombre que par le comportement social associé au nombre. Plus de 12 000 espèces de fourmis étaient répertoriées en 2010, mais on découvre de nouvelles espèces chaque mois, essentiellement en zone tropicale et dans la canopée (explorée depuis une trentaine d‟années). Les ébauches du comportement social des fourmis sont apparues au Crétacé (il y a environ 100 millions d‟années) et n‟a cessé d‟évoluer jusqu‟à nos jours. Les fourmis sont des organismes eusociaux caractérisés par une répartition des individus de la colonie en castes. Globalement, il y a la reine dont la fonction principale est reproductrice, les soldats qui assurent la défense de la colonie et les ouvrières qui sont spécialisées à des tâches comme la recherche de nourriture, les soins et l‟élevage du couvain (œufs, larves et pupes). Grâce à leur organisation en société qui est un modèle du genre et soutenue par un système de communication très efficace, grâce à leur faculté d‟adaptation à l‟environnement, les fourmis ont réussi à coloniser presque la Terre entière. Elles sont présentes dans tous les habitats terrestres du monde sauf le Groenland et l‟Antarctique (habitats glaciaux). Leurs habitats de prédilection restent, malgré tout, les régions tropicales connues pour la richesse de leur faune et la très grande variété de leurs espèces de fourmis. On peut les diviser principalement parexemple en (i) fourmis collectrices de graines et divers débris végétaux, (ii) fourmis champignonnistes, (iii) fourmis « légionnaires », (iv) fourmis prédatrices spécialisées, (v) fourmis prédatrices généralistes terricoles, (vi) fourmis prédatrices généralistes arboricoles, Dans cette dernière catégorie figurent les oecophylles (O. longinoda en Afrique et Oecophylla smaragdina (Fabricius) en Asie). Les fourmis produisent naturellement des fongicides, des insecticides notamment pour protéger leurs cultures (de feuilles, de champignons), mais aussi des virucides, des bactéricides (dont les principes actifs ne sont pas parfaitement connus) pour protéger leurs stades pré-imaginaux (œufs, larves et pupes). 

Les fourmis: agents de lutte biologique et éléments fonctionnels importants dans les agroécosystèmes fruitiers

 Les fourmis: agents de contrôle naturels 

Généralités sur l’activité protectrice des fourmis vis-à-vis des plantes 

Les fourmis ont développé des associations fortes avec différents organismes de leur environnement et notamment des relations d‟interactions mutualistes avec les plantes. Dans ces relations, chaque partenaire bénéficie de la présence de l’autre. Les fourmis protègent les plantes contre les insectes phytophages (phyllophages, carpophages, sapro-xylophages et xylophages) et en contrepartie, la plante fournit aux fourmis des abris, des ressources alimentaires ou des sites de reproduction (Dejean et al., 2005 ; 2008 ; 2009 ; 2010). Le rôle protecteur des fourmis repose sur une activité de prédation, sur un phénomène de répulsion ou sur un phénomène limitant le développement de microorganismes pathogènes de plantes. La présence de certains composés chimiques portés par les fourmis limite le développement de champignons et bactéries pathogènes de végétaux (Letourneau, 1998). La prédation directe d‟insectes par les fourmis peut dépendre du type d‟insecte, de sa taille, de sa densité dans son milieu, ainsi que du comportement de l‟espèce de fourmi prédatrice (Philpott et al., 2008). Le genre Oecophylla est un genre prédateur généraliste très agressif. Ses espèces arrivent à capturer presque tous les insectes qui sont sur leurs territoires de chasse (primaires et secondaires). A l‟échelle de l‟écosystème, l‟efficacité de la prédation par les ennemis naturels dépend également du niveau de complexité des interactions entre les ennemis naturels (Casuala et al., 2006 ; Philpott et al., 2006). En milieu agricole, c‟est la colonisation des habitats par des espèces de fourmis dominantes organisées sous la forme de « ant mosaic » (i.e., distribution des espèces dominantes en patches, de telle manière que leurs territoires ne se recoupent pas) (Leston, 1973 ; Majer, 1972 ; 1976 ; Djieto-Lordon and Dejean, 1999 ; Blüthgen and Stork, 2007) qui offre le contrôle le plus efficace contre les insectes phytophages du fait de la recherche de proies animales ou de miellat comme élément catalyseur (Blüthgen et al., 2004). Cela a notamment été observé chez les espèces O. longinoda (Peng and Christian, 2013), Tetramorium aculeatum (Mayr), Crematogaster spp. (Tadu et al., 2014) et Anonychomyrma gilberti (Forel) (Blüthgen et al., 2004). L‟activité prédatrice des fourmis conduisant à réduire la pression des insectes phytophages (sensu lato) repose sur deux principaux mécanismes: la chasse coopérative qui est considérée comme le mécanisme le plus élaboré et la chasse solitaire dite « stochastique ». La chasse coopérative est utilisée par des espèces telles que Myrmicaria opaciventris Emery, Paratrechina 30 longicornis (Latreille), O. longinoda et O. smaragdina (Kenne et al., 2000, 2005) et la chasse solitaire est connue chez d‟autres espèces de fourmis telles que Camponotus spp., Polyrhachis spp., Platythyrea conradti Emery, Crematogaster spp., Solenopsis spp., Pachycondyla tarsatus (Fabricius). L‟action prédatrice des fourmis est un phénomène connu aussi bien dans la canopée des arbres (Floren et al., 2002 ; Dejean et al., 2007 ; Dejean, 2011) qu‟au niveau du sol (Armbrecht and Gallego, 2007 ; Lange et al., 2008). La répulsion est un phénomène connu des fourmis pour éloigner les insectes et qui peut être lié soit à un signal chimique soit à un signal visuel. La communication chimique à base de phéromones est très fréquente chez les fourmis. Elle peut aussi servir d‟un signal d‟avertissement vis-à-vis des proies (Offenberg et al., 2004). La simple présence des phéromones émises par des fourmis peut ainsi être suffisante pour repousser les intrus. Ces substances chimiques sont sécrétées à partir de glandes endocrines logées soit dans la tête, soit dans les pattes ou au niveau de l‟abdomen de l‟insecte. 

Le genre Oecophylla : un agent de lutte biologique efficace en horticulture 

Ecologie du genre Oecophylla et potentiel de régulation des insectes nuisibles dans les vergers 

Le genre Oecophylla regroupe deux espèces : O. smaragdina et O. longinoda. Ces deux espèces à l‟écologie relativement similaire sont inféodées aux régions tropicales d‟Australie et d‟Asie du sud-est pour O. smaradina (Leston, 1973 ; Höldobler, 1983) et d‟Afrique pour O. longinoda (Ledoux, 1949 ; Way, 1954) (Tableau 2). Toutes deux sont des espèces arboricoles. Elles sont caractérisées par une territorialité, une dominance sur plusieurs autres espèces et une aptitude à construire leurs nids dans le feuillage de la canopée (Höldobler, 1977). Le nombre d‟individus par colonie dépend de facteurs environnementaux biotiques tels que la disponibilité des ressources (habitats, ressources nutritives) et le niveau de perturbation de leurs habitats, mais aussi de facteurs abiotiques tels que la température et l‟humidité relative. En Asie du sud-est, la taille des nids d‟O. smaragdina varient de 4 000 à 6 000 individus par nid environ et la colonie entière peut atteindre 500 000 ouvrières constituant une centaine de nids répartis sur une quinzaine d‟arbres (Van Mele and Cuc, 2007). En Afrique de l‟Ouest, la taille moyenne des nids et des colonies est inférieure et elle dépend du type de la culture et du contexte climatique. Un verger héberge le plus souvent plusieurs colonies de fourmis oecophylles mais les nids appartenant à des colonies différentes ne cohabitent jamais sur le même arbre. Le genre Oecophylla est remarquable par son agressivité envers d‟autres insectes et intrus étrangers à la colonie. Ce trait de comportement contribue à ce qu‟il soit l‟un des genres de fourmis les plus efficaces en lutte biologique. Leur potentiel en tant qu‟agents de lutte biologique contre une large gamme d‟insectes phytophages est important en milieu agricole (Dejean, 1991 ; Way and Khoo, 1992). Les deux espèces O. smaragdina et O. longinoda contrôlent respectivement plus de 50 et plus de 15 espèces de bioagresseurs appartenant à 18 familles d‟insectes, sur huit cultures horticoles (Peng and Christian, 2010). Les agrumes, les manguiers et les anacardiers sont les fruitiers qui hébergent le plus fréquemment ces fourmis oecophylles. Le genre Oecophylla joue un rôle clé dans les programmes de lutte intégrée (IPM) contre les ravageurs des cultures fruitières en Australie (Peng and Christian, 2005 ; 2010). La présence de l‟espèce O. longinoda dans les vergers en Afrique offre également la possibilité de développer des programmes de lutte intégrée contre les divers ravageurs des fruitiers, et en particulier contre les mouches des fruits (Tephritidae) qui constituent un ravageur d‟importance économique en verger de manguiers.

Table des matières

Remerciements
Liste des annexes
Acronymes
Liste des tableaux
Liste des figures
Liste des photos
Résumé
Abstract
Introduction générale
CHAPITRE 1 : Présentation du contexte, du système d’étude et du travail de thèse
I. CONTEXTE DE L’ETUDE
I.1 L’importance de la production fruitière dans les Niayes et le plateau de Thiès
I.2 Les variations dans les caractéristiques des agroécosystèmes à base de fruitiers
I.2.1 Les caractéristiques et les modes de fonctionnement des agroécosystèmes de fruitiers
I.2.2 Description des types de verger
I.3 L’espèce Bactrocera dorsalis et ses incidences économiques
I.3.1 Présentation de Bactrocera dorsalis
I.3.1.1 Systématique .
I.3.1.2 Origine et répartition géographique . 12
I.3.2 Incidences économiques de Bactrocera dorsalis au Sénégal 13
I.4 La fourmi Oecophylla longinoda. 14
I.5 Conclusion partielle: émergence de deux questions de recherche 15
II. LE SYSTEME D’ETUDE
II.1 Présentation de la zone d’étude.
II.1.1 Localisation des agroécosystèmes .
II.1.2 Le milieu physique .
II.1.2.1 Climatologie
II.1.2.2 Pédologie
II.2 Espèces fruitières cultivées dans les vergers.
III. PRESENTATION DU TRAVAIL DE THESE 1
III.1 Matériel et méthodes
III.1.1 Matériel
III.1.2 Méthodes
III.1.2.1 Expérimentations
III.1.2.1.1 Echantillonnage des fourmis dans les vergers
III.1.2.1.2 Suivi des infestations des fruits sur manguiers « avec colonie » et sur
manguiers « sans colonie » de fourmis oecophylles
III.1.2.1.3 Suivi de l‟abondance de la fourmi Oecophylla longinoda dans les vergers
III.1.2.1.4 Suivi de l‟abondance de la mouche des fruits Bactrocera dorsalis dans les vergers
III.1.2.2 Traitement et analyses des données
III.1.2.2.1 Logiciels utilisés
III.1.2.2.2 Tests statistiques et analyses écologiques
III.2 Conclusion du chapitre 1
CHAPITRE 2 : Bioécologie et rôles fonctionnels des fourmis dans les agroécosystèmes  « Synthèse bibliographique »
Introduction
I. Généralités sur la bio-écologie des fourmis
II. Les fourmis: agents de lutte biologique et éléments fonctionnels importants dans les agroécosystèmes fruitiers
II.1 Les fourmis: agents de contrôle naturels
II.1.1 Généralités sur l‟activité protectrice des fourmis vis-à-vis des plantes
II.1.2 Le genre Oecophylla : un agent de lutte biologique efficace en horticulture
II.1.2.1 Ecologie du genre Oecophylla et potentiel de régulation des insectes nuisibles dans les vergers
II.1.2.2 Importance et efficacité d‟O. smaragdina et d‟O. longinoda en tant qu‟agents
de lutte biologique en vergers et en plantations
O. smaragdina en Asie tropicale et en Australie
O. longinoda en Afrique sub-saharienne
Mécanismes mis en œuvre par O. longinoda pour la lutte biologique contre les bioagresseurs
II.1.2.3 Problématiques pour l‟adoption du genre Oecophylla par les producteurs
Interactions avec les homoptères Coccidae
Les piqûres
II.2 Oecophylla spp. et réseaux trophiques au sein des agroécosystèmes
II.2.1 Favoriser les fourmis oecophylles dans les agroécosystèmes
II.2.2 Interactions avec les autres ennemis naturels
II.2.3 Interactions avec les pollinisateurs
II.3 Autres rôles fonctionnels des fourmis dans les agroécosystèmes
II.3.1 Agents pollinisateurs
II.3.2 Agents bioturbateurs ou « ingénieurs des écosystèmes » ?
II.3.3 Agents contribuant à la conservation de la biodiversité animale et végétale dans les écosystèmes
III. Utilisation des fourmis comme bio-indicateurs
IV. Conclusion du chapitre 2
CHAPITRE 3 : Relations entre les caractéristiques du verger, les fourmis et les mouches des fruits
I. LES INTERACTIONS ENTRE LES CARACTERISTIQUES DU VERGER, LA
FOURMI Oecophylla longinoda ET LA MOUCHE DES FRUITS Bactrocera dorsalis
I.1 Résumé
I.2 Abstract
I.3 Introduction
I.4 Material and Methods
I.4.1 Study area and orchard sampling
I.4.2 Data collection
I.4.2.1 Fruit infestation monitoring on mango trees with and without weaver ant colonies
I.4.2.2 Monitoring of weaver ant and fly abundance
I.4.2.3 Statistical analysis
I.5 Results
I.5.1 Effect of Oecophylla longinida presence on mango infestation by Bactrocera dorsalis
I.5.2 Relationships between orchard design and management practices and weaver ant and fruit fly abundance in orchards
I.6 Discussion and conclusion
II. LISTE DE LA MYRMECOFAUNE DU SENEGAL ET BIODIVERSITE DES FOURMIS ASSOCIEE AUX AGROECOSYSTEMES FRUITIERS
II.1 Résumé
II.2 Abstract
II.3 Introduction
II.4 Methods
II.5 Results
II.6 Discussion
III. RELATIONS ENTRE LES CARACTERISTIQUES DU VERGER ET LES
COMMUNAUTES DE FOURMIS
III.1 Résumé
III.2 Abstract
III.3 Introduction
III.4 Materials and methods
III.4.1 Study area
III.4.2 Orchard sample and characterisation of orchard types based on design and
management practices
III.4.3 Ant sampling
III.4.4 Relations between orchard characteristics and ant diversity and richness
III.4.5 Caracterization of orchard types based on ant communities
III.4.6 Relationships between orchard characteristics and ant community composition 7
III.5 Results
III.5.1 Species richness and composition of ant samples
III.5.2 Relations between orchard characteristics and ant diversity and richness
III.5.3 Relations between orchard characteristics and ant community composition
III.5.4 Discussion and conclusion
IV. CONCLUSION DU CHAPITRE
CHAPITRE 4 : Discussions, Conclusions générales et Perspectives
IV.1 La lutte biologique par O. longinoda: un intérêt évident contre les dégâts de mouches des fruits mais qu’en est-il de la pollinisation du manguier ?
IV.2 La biodiversité des fourmis dans les Niayes et le plateau de Thiès: potentialités
fonctionnelles et intérêt majeur pour la lutte biologique
IV.3 Les rôles de la conception et des pratiques d’entretien des vergers sur la structuration des communautés de fourmis
IV.4 La gestion agroécologique des vergers Sénégalais: une possibilité existe-t-elle avec les fourmis parmi les éléments fonctionnels ?
Références bibliographiques
ANNEXES

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